La fin du photovoltaïque ?

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Malgré le fait que la proportion d’électricité produite à partir de cellules photovoltaïques ne cesse d’augmenter dans le mix énergétique mondial[[La capacité photovoltaïque cumulée dans le monde était de 9,5GW en 2007 pour 40GW en 2010]], la liste des entreprises actives dans le secteur qui, à l’instar de Bekaert qui vient de supprimer 600 emplois, ont annoncé des licenciements ou se sont déclarées en faillite ne cesse de s’allonger. Cette situation à première vue paradoxale est le résultat de plusieurs facteurs conjoncturels qui, c’est important de le préciser, ne devraient pas mettre à mal l’avenir de cette filière de production d’électricité verte.

potovoltmoyen.jpg Le premier facteur est, dans un contexte d’économie globalisée, la féroce concurrence chinoise. Grâce à une main d’½uvre bon marché et à un soutien important de la part du gouvernement, la Chine, qui compte huit des douze plus grands fabricants mondiaux, est devenue le premier producteur mondial de cellules photovoltaïques avec 70% de parts de marché. Du fait de cette nouvelle concurrence et de la surproduction qu’elle a entraînée sur les marchés mondiaux, les prix des panneaux photovoltaïques (PV) se sont effondrés. Ainsi, en janvier 2008, le coût d’un capteur était de 8 ¤ par Watt-crête, pour 4 ¤ en 2009. De nombreux installateurs se sont donc orientés vers ces cellules chinoises, moins chères que leurs concurrentes européennes et, pour certaines en tout cas, de qualité équivalente, conduisant ainsi les entreprises européennes à perdre des parts de marchés. Les panneaux photovoltaïques installés en Europe ne font l’objet d’aucune certification particulière ce qui laisse l’opportunité aux installateurs de placer des cellules sans devoir tenir compte de leur qualité. Pour pallier à la chose, l’APERe propose par exemple qu’un système européen impose des normes de qualité, quand d’autres suggèrent que, comme en Italie, un certain pourcentage de contenu « local » soit installé. Cette dernière mesure est cependant actuellement inefficace, du fait du manque de traçabilité des produits.

Le second facteur est la révision des politiques de soutien aux énergies renouvelables de certains pays européens. Motivés par le souci de respecter leurs engagements en matière d’énergies renouvelables, les États européens ont subventionné la filière photovoltaïque grâce notamment à des mesures de « tarifs de rachat » de l’électricité verte à un prix supérieur à celui du marché provaquant un envol de la demande en particulier en Allemagne et en Italie, où les ventes ont grimpé de 87 % en 2010. Mais au cours de ces derniers mois, les gouvernements ont décidé d’atténuer le soutien à cette énergie en raison notamment de la diminution du coût de cette technologie et du fait qu’elle devrait atteindre en Europe la parité de réseau aux alentours de 2017 : le coût de production du kWh photovoltaïque égalera alors le coût du kWh fossile. Résultat : les ventes annuelles en Allemagne devraient chuter de plus de 30 %, et la demande mondiale pour les panneaux solaires d’environ 10 %.

Si la diminution des aides en fonction du coût réel des installations est, somme toute logique et attendue, la difficulté vient d’une application soudaine et/ou peu prévisible de cette mesure. C’est par exemple le cas de l’Espagne qui, en janvier 2012, a supprimé « de manière temporaire » les subventions aux nouvelles installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelables. La Belgique est également concernée avec la suppression par le gouvernement Di Rupo de la réduction d’impôts pour les investissements économiseurs d’énergie qui octroyait jusque là une diminution de 40% pour l’installation de PV. La Commissaire européenne en charge du climat Connie Hedegaard a de son côté exhorté les États membres à ne pas prendre de telles mesures qui pourraient dissuader les gens d’investir dans les énergies renouvelables et empêcher l’Union européenne d’atteindre ses objectifs en la matière.

Nous sommes donc dans une période non de déclin mais de réorganisation du marché du photovoltaïque. Cela n’inquiète d’ailleurs pas outre mesure Reinhold Butgereit, le secrétaire général de l’association européenne de l’industrie photovoltaïque (EPIA). Il voit même dans cette phase de consolidation de l’activité un aspect positif à long terme car selon lui, elle devrait permettre une production inférieure aux coûts d’investissements à la condition que les États trouvent un moyen acceptable et le plus rentable possible d’harmoniser le système des « tarifs de rachat ». Ce secteur, tout comme l’ensemble des industries du renouvelable, a encore de beaux jours devant lui, on s’attend en effet, dans les prochaines années, à une hausse importante de la production d’énergie verte du fait d’une plus grande action en faveur du climat et de la démocratisation de ces technologies « propres ». Certains experts du secteur voient d’ailleurs dans la baisse de la demande pour le photovoltaïque une chance pour le développement d’autres sources d’énergies renouvelables car ces dernières années la filière photovoltaïque a connu une croissance débridée, de nombreux entrepreneurs y voyant une source de revenus aisée du fait du subventionnement important du secteur. L’inévitable restructuration de la filière devrait conduire à une plus grande maturité industrielle.

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