Les enjeux de Doha

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Du 26 novembre au 7 décembre se déroule la 18ème conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP18. Cette 18ème rencontre internationale est le fruit du Sommet de la Terre à Rio de 1992 qui a consacré pour la première fois dans l’histoire, la nécessité de lutter contre le réchauffement planétaire. Elle a notamment été à l’origine du programme « Action 21 » et de trois grandes conventions : la Convention sur la diversité biologique (CDB), la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CLD) et enfin la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). C’est cette dernière convention qui est notamment à l’origine du premier traité international visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), le Protocole de Kyoto. Trois ans après la déception du Sommet de Copenhague qui devait accoucher d’un nouveau traité pour l’après-Kyoto, cette réunion est considérée par un grand nombre comme ayant peu d’importance dans le combat climatique. Si cette rencontre ne verra pas l’adoption d’un nouveau traité engageant les États à réduire leurs émissions de GES, elle devra apporter des réponses concrètes à plusieurs problématiques urgentes.

La première urgence est de prolonger le Protocole de Kyoto. Signé en 1997 mais entré en vigueur en 2005, il vise à réduire sur la période 2008-2012, les émissions des principaux gaz à effet de serre de 5,2% par rapport à 1990, année de référence. Ce traité a cependant un bilan plutôt mitigé. À l’origine, il devait imposer un objectif de réduction des GES pour les pays dits développés. Si les pays de l’Union européenne ou encore l’Australie ont signés et ratifiés ce traité, la situation est nettement plus confuse pour d’autres États. Les États-Unis, sous l’administration Clinton, ont signé le protocole de Kyoto. Le président Bush a toujours refusé de le ratifier arguant le fait qu’il empêcherait le développement de l’économie américaine. Deux autres État sont également dans une situation trouble : le Canada et la Russie. Ces deux pays ont ratifié le protocole mais le premier a décidé d’en sortir car il ne respectait pas ses engagements[[L’augmentation des émissions de GES au Canada est notamment due à l’exploitation des sables bitumineux.]] et le second a soutenu cette sortie car « le traité ne concernait pas l’ensemble des grands pollueurs et ne pouvait donc pas contribuer à résoudre la crise du climat.[[Associated Press, La Russie appuie le Canada dans son retrait du protocole de Kyoto, 16/12/2011.]]» Au niveau des résultats mondiaux, le protocole de Kyoto n’a pas empêché les émissions de GES à continuer de grimper pour battre un nouveau record en 2011 et de voir l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle totalement inatteignable.

Malgré ces résultats peu engageants, ce traité a le mérite d’exister et doit être prolongé en attendant la ratification d’un nouveau traité dont la signature devrait intervenir en 2015. Malheureusement, les États-Unis, le Canada, la Russie, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont déclarés avant l’ouverture des travaux à Doha qu’ils ne se sentaient pas liés par une nouvelle période d’engagements tant que l’ensemble des pays, Chine et Inde en tête, ne retrouvent dans un accord global. Les États européens, rejoints par l’Australie devront user de trésor de diplomatie pour qu’un Kyoto bis soit adopté.

La deuxième urgence concerne le Fonds vert pour le climat. Ce fonds crée lors de la Conférence de Durban en 2011, alimenté par la communauté internationale, doit venir en aide aux pays en voie de développement (PVD) pour qu’ils limitent leurs émissions de GES et s’adaptent aux changements climatiques. De nombreuses questions quant à sa gestion et à son financement restent à trancher. Il s’agit de décider quel pays accueillera les organes de gestions de ce fonds et de définir un ensemble de procédures de travail et de secrétariat. La question de l’alimentation du fonds est également délicate. Au terme de l’accord conclu en Afrique du Sud, il doit contenir la manne de 100 milliards de dollars à dépenser annuellement dans l’aide aux PVD. Or, personne ne sait comment alimenter concrètement ce fonds. Un conflit oppose une partie des économies développées, notamment les États-Unis et les économies émergentes comme la Chine ou encore la Corée du Sud. Les premiers veulent que ces États participent à l’approvisionnement de ce fonds tandis que les seconds s’opposent à cette idée arguant du fait que seuls les pays du Nord, responsables historiques du réchauffement climatique, doivent y participer.

Ces deux points particulièrement sensibles doivent être tranchés lors de la Conférence de Doha. De nombreux autres points seront également à l’ordre du jour et notamment la question du nouvel accord international. Si la question du fond du dossier ne sera pas tranchée au Qatar, il s’agit de s’entendre sur la procédure de négociation. Composée à l’origine d’une demi-douzaine de comités, il devrait s’agir de les fusionner en une seule instance de négociation. Le niveau des engagements pour le successeur du protocole de Kyoto devrait également être l’occasion de frictions. Si l’Union européenne se base sur son « paquet énergie-climat » pour s’engager à une réduction des émissions de GES de 20% en 2020, aucun autre État n’a annoncé ses intentions en la matière.

Si ce sommet ne concentre pas énormément d’attentes, les quelques questions évoquées ici doivent faire l’objet d’un accord, ne serait-ce que pour ne pas envoyer à nouveau un mauvais signal au monde entier. Il serait particulièrement intéressant qu’un tel accord soit adopté au Qatar, deuxième pays le plus riche du monde en termes de PIB par habitant et plus gros pollueur mondial. Avec 44 tonnes de CO2 émises par habitant, l’Émirat explose tous les records. Ainsi, selon les données de l’ONU de 2009, un Émirati émet presque trois fois plus de CO2 qu’un Américain (17 t), huit fois plus qu’un Chinois (6 t) et 22 fois plus qu’un Indien (2 t).