Pollution de l’air : des normes basées sur les émissions REELLES des véhicules, vite !

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Les émissions d’oxydes d’azote des véhicules routiers sont soumises aux normes Euro. Si celles-ci sont respectées lors des tests en laboratoire, c’est rarement le cas en conditions réelles. Ainsi, pour la norme Euro 6 (entrée en vigueur en septembre 2014 – voir ici), la moyenne des émissions observées sur route est de 0,6 g/km alors que la norme de 0,08 g/km est respectée en laboratoire. Certains véhicules testés émettent jusque 80 fois plus d’oxydes d’azotes que la valeur limite ! On se référera pour plus de détails à l’article Diesel et oxydes d’azote : histoire d’une dérive publié en décembre dernier.

Le Comité technique sur les véhicules à moteurs (TCMV pour Technical Committee on Motor Vehicles), coordonné par la DG GROWTH de la Commission européenne, devait se prononcer ce mardi 24 mars sur un premier paquet de mesures relatives émissions en conditions réelles (RDE pour Real World Driving Emissions proposé par la Commission.

Les décisions qui devaient être prises durant cette réunion en matière d’agendas et de procédures RDE auront de profondes répercussions sur les niveaux de pollution de l’air en Europe (dont la piètre qualité actuelle cause, chaque année, 400.000 morts prématurées). La Commission européenne a initié des procédures légales contre près de la moitié des Etats membres pour dépassement des limites de pollution de l’air ambiant. Des procédures d’infraction plus nombreuses encore sont attendues pour des dépassements de seuils de NO2 – observés, en fait, presque partout où les charges de trafic sont très élevées. Sans des limites d’émissions et des procédures de test ambitieuses et fiables pour les voitures, les Etats membres ne pourront pas respecter les normes de qualité de l’air et leurs budgets de santé publique continueront à en être impactés négativement. Il est dès lors indispensable d’adopter des positions ambitieuses qui permettront aux moteurs diesel et essence à injection directe d’être, à l’avenir, moins polluants en conditions réelles.

Le texte RDE qui a été soumis aux Etats membres devrait être adopté par ceux-ci. Il propose une base solide pour les futurs tests. Un calendrier clair a été proposé par la Commission pour la mise en place des tests RDE. Les normes Euro 6 ont été adoptées en 2007, ce qui laissait un temps d’adaptation plus que suffisant aux constructeurs automobiles pour adapter leurs voitures et garantir des émissions conformes aux normes en conditions réelles.

Les normes Euro 6 ont été adoptées il y a 8 ans. Au cours de cette période, l’introduction de tests en conditions réelles a été régulièrement reportée de manière tout à fait injustifiée. La proposition de la Commission d’appliquer les limites RDE aux nouvelles réceptions par type à partir de 2017 et à tous les nouveaux véhicules dès 2018 représente un temps d’adaptation de dix années ! Il est de pratique courante, en matière de réglementation automobile, qu’un délai d’un an sépare l’application des normes aux réceptions par type de leur application à tous les nouveaux véhicules vendus. Rien ne peut justifier l’introduction du délai supplémentaire d’un an réclamé par l’ACEA (association des constructeurs européens d’automobiles).

Il est prévu d’appliquer un « facteur de conformité » sur les normes Euro : les normes « RDE » seraient égales aux normes « laboratoire » multipliées par ce facteur (supérieur à un), de telle sorte que les émissions en conditions réelles soient, légalement, supérieures aux émissions en laboratoire. Les ONG acceptent, en tant que compromis pragmatique, la proposition de la Commission de laisser la porte ouverte à une introduction phasée des facteurs de conformité. Nous proposons d’adopter un facteur de conformité légèrement plus élevé pour les réceptions par type à partir de 2017 et à partir de 2018 pour tous les véhicules neufs. Un facteur de conformité à long terme, plus bas (proche de 1) devrait être adopté dès 2019 pour les réceptions par type et dès 2020 pour tous les véhicules neufs. La fixation des valeurs exactes devrait se faire dans le cadre du deuxième paquet RDE.

Hélas ! Les délégués dépêchés par les différents Etats membres a la réunion de ce mardi 24 mars n’ont pas pu conclure un accord sur la proposition de la Commission. Et il semble que, cette fois, ce ne soit pas la défense d’intérêts corporatistes par certains Etats membres qui soit à la base de cet échec, mais une divergence de vue au sein des services de la Commission.
Il reste à espérer, pour la prochaine réunion, les uns et les autres pourront passer outre les pressions exercées par certains constructeurs et les guerres de clocher pour se rappeler que nous avons toutes et tous besoin d’air sain pour vivre.