Pourquoi les accises sur le diesel devraient-elles être égales à celles de l’essence ?

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Depuis des décennies, le carburant reconnu comme le plus « sale » – le diesel – est moins taxé que son « concurrent » direct, l’essence. Résultat de choix politiques passés, cette situation surréaliste est régulièrement questionnée. Rares, par contre, sont les tentatives de réponse crédibles. La proposition de révision de la directive relative à la taxation des produits énergétiques publiée par la Commission européenne en 2011 a, au terme de plusieurs années de discussions au sein du Conseil européen, été pudiquement remisée au placard il y a quelques mois. C’est que les taxes et accises sur les carburants – comme plus largement la fiscalité automobile – relèvent du tabou politique. Une analyse dépassionnée de la question est donc plus que nécessaire.

Une telle analyse a été réalisée par IEW dans son article « Accises sur les carburants et polluants locaux – Internalisation ou neutralité technologique ? » récemment publié dans le Bulletin de documentation, revue du Service d’Etudes du SPF Finances.En voici une courte synthèse.

Même si les motivations sont nombreuses, il existe un consensus assez large au sein des différentes parties prenantes quant à la nécessité de délivrer un signal-prix qui oriente effectivement les citoyens dans la direction d’une diminution des incidences négatives du système de transport. Outre qu’elles constituent une importante source de revenus pour l’Etat, les accises sur les carburants peuvent aussi, potentiellement, remplir une fonction de pilotage public des comportements de mobilité. Leurs montants, cependant, ne sont pas établis sur base des émissions de polluants – pas plus, d’ailleurs, que sur base des caractéristiques intrinsèques des carburants (contenu énergétique, contenu carbone).

Si l’on désire refléter les pollutions dans le montant des accises, la première question à se poser est sans aucun doute celle de la quantification des émissions polluantes. Les motorisations diesel sont réputées émettre de plus grandes quantités d’oxydes d’azote (NOX) et de particules fines (PM), deux polluants qui impactent fortement la santé humaine et l’environnement[Pour une présentation complète des effets des polluants, voire l’article « [Pollution de l’air et transports : le couple infernal »]]. La réalité, cependant, est beaucoup plus complexe. Les évolutions techniques récentes induisent une difficulté croissante à différencier les effets des deux carburants sur la santé humaine. Ainsi, l’application de l’injection directe aux moteurs à essence augmente-t-elle fortement le nombre de particules très fines qu’ils émettent, les amenant au niveau des moteurs diesels non équipés de filtre à particules[Voir à ce sujet l’article « [Diesel = cancérigène ? L’essence aussi ! »]].

Dans un Working Paper de l’OCDE, Harding, M. (2014) explique que, en raison des interactions complexes entre les différents polluants et de leurs effets différés entre et dans les Etats, pondérer les différents polluants émis par le diesel et l’essence pour déterminer l’impact global de chaque carburant sur la qualité de l’air est difficile. Dès lors, Harding, M. OECD (2014) estime que, pour s’assurer que la taxation des deux carburants soit neutre d’un point de vue environnemental, les taxes par litre de diesel devraient être au moins aussi élevées que celles appliquées à l’essence.

Dans son Plan Kyoto-Transports rédigé en 2007, le SPF Transport et Environnement proposait (mesure 11) d’égaliser le montant des accises sur le diesel non professionnel et l’essence sur 10 ans.

C’est également cette approche de neutralité technologique qu’ont adoptée, dans un position paper commun rédigé au printemps 2014, les quatre fédérations d’environnement belges (BBL, BRAL, IEB, IEW), la Fédération des maisons médicales et la Fondation contre le cancer. Les cosignataires de ce document demandent aux autorités fédérales que les accises sur le diesel soient relevées au niveau des accises sur l’essence au terme d’une période transitoire de sept ans (IEW et al. (2014)).

Cette logique vise à éviter les effets pervers inhérents aux politiques de soutien de l’une ou l’autre filière (primes à l’achat de véhicules par exemple) qui peuvent s’avérer contre-productives. Soit parce qu’elles ont été établies à un moment où les incidences des technologies n’étaient pas encore bien connues. Soit parce qu’une modification technologique est venue changer la donne.