Test taxe au km : faux débat !

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Ce 17 février débutera un test « grandeur nature » de taxation des voitures au kilomètre parcouru dans la zone RER. Les réactions enflammées, émotives, sont légion. Citoyens indignés et ténors politiques inquiets s’expriment par voie de presse.

Ces échanges font-ils effectivement avancer la réflexion collective sur la durabilité du système de transport ou risquent-ils de « masquer la forêt » ? C’est ce que nous allons tenter d’analyser de manière dépassionnée, sans rentrer dans le détail. Pour celles et ceux désireux d’aller plus loin dans la réflexion, nous renvoyons notamment au dossier spécifique qu’IEW publiait en 2009 ainsi qu’au récent document de benchmarking sur les pratiques fiscales européennes.

La fiscalité automobile aujourd’hui : maintenir ou réinventer la roue ?

Trois outils principaux constituent la « palette » dont disposent les pouvoirs publics. Un : la taxe de mise en circulation (TMC) : taxe à l’achat, celle-ci devrait permettre, moyennant recalibrage, d’orienter les comportements d’achat vers des véhicules peu polluants. Deux : la taxe de circulation annuelle (TC) ; taxe à la possession, elle pourrait permettre, moyennant recalibrage, d’inciter les citoyens à se débarrasser des véhicules les plus polluants. Trois : les accises sur les carburants ; outil fiscal à l’utilisation, le niveau des accises – donc du prix à la pompe – influe directement sur le nombre de kilomètres roulés. Depuis 2004, on observe une parfaite anti-corrélation entre prix des carburants et nombre moyen de kilomètres roulés par les véhicules belges : lorsque le prix augmente, le kilométrage diminue et inversement.

Ainsi donc, les pouvoirs publics disposent d’outils spécifiques pour : (1) contrôler le type de véhicules entrant dans le parc automobile, (2) débarrasser le parc des véhicules les plus polluants, (3) limiter le nombre de kilomètres roulés.
Il ne manque qu’une chose : la volonté politique pour activer ces différents outils.
D’où la question : est-ce en supprimant les outils existants et en « réinventant la roue » que l’on permettra à cette volonté politique de s’exprimer ?

Supprimer des outils spécifiques ?

La mise en place d’une taxation au kilomètre parcouru pose évidemment la question de l’impact sur le budget des ménages. Afin de limiter celui-ci, il conviendrait de diminuer ou supprimer un ou des outils fiscaux existants : TMC, TC et accises. La position de l’industrie automobile est claire : il convient de supprimer la TMC et la TC et de ramener les accises aux niveaux minima fixés par la législation européenne. Cette position trouve un écho favorable dans certaines sphères politiques.

Si cette option devait être retenue (dans l’hypothèse où elle recevrait l’aval de la Commission européenne), on se priverait donc de deux outils offrant de grandes potentialités en termes de contrôle du type de véhicules présents sur les routes (TMC et TC).

L’internalisation des coûts externes

Le concept de taxation au kilomètre parcouru trouve son origine dans la théorie économique d’internalisation des coûts externes (coûts générés par une activité non directement pris en charge par celui qui réalise l’activité, mais supportés par la collectivité) . En gros : dès lors que les acteurs économiques doivent payer les coûts externes que génèrent leurs activités, ils adaptent celles-ci afin de diminuer les coûts. En résulte un système optimisé.

Comme le relevait déjà l’OCDE en 1996 lors d’une conférence sur la mobilité durable, rien ne garantit que l’internalisation permette d’abaisser suffisamment les incidences négatives pour arriver à la durabilité.

Se pose de plus la question de l’évaluation des coûts externes : à quel prix estimer la perte d’une vie humaine, l’émission d’une tonne de CO2 ? La part d’arbitraire dans ces évaluations ne rend-elle pas dérisoire la prétention à l’atteinte d’un optimum sociétal ?

L’Etat risque de perdre la main

La question de l’évaluation des coûts externes est réglée en Europe : le handbook publié par la Commission européenne en 2008 définit clairement les procédures de calcul à utiliser. Et fixe, de ce fait, des tarifs maximaux à facturer aux automobilistes qui seraient soumis à un système de tarification au kilomètre parcouru. Se pose donc la question de la maîtrise de l’outil par l’autorité publique.
Il convient en effet de rappeler que l’objectif, dans ce dossier, n’est pas d’instaurer une taxation kilométrique. Il est (ou devrait être…) de réduire les incidences négatives des transports et tendre à la durabilité. La taxation n’intervient que comme outil. Si, après une ou deux années d’application d’une taxation au kilomètre parcouru, on s’aperçoit que les tarifs résultant du handbook de la Commission européenne ne suffisent pas (comme c’est très probable) à réduire suffisamment le nombre de voitures présentes sur les routes et le nombre de kilomètres roulés (donc les incidences associées), les pouvoirs publics seront démunis. Il ne leur restera nul outil à utiliser pour tenter de ramener le système de transport sur le chemin de la durabilité.

Relancer le vrai débat

Les discussions qui entourent actuellement ce dossier se focalisent sur l’outil taxe kilométrique, sans trop se soucier de l’objectif auquel cet outil est censé répondre. C’est là un danger réel, le vrai débat se situant ailleurs. D’abord sur le plan de la définition d’objectifs de mobilité durable, ensuite de la détermination de la palette d’outils les plus performants pour atteindre ces objectifs, enfin sur la question de la maîtrise de ces outils par la puissance publique. Avant de discuter de la couleur des châssis de fenêtre, il convient de déterminer le niveau d’isolation du bâtiment que l’on rénove, et des potentialités d’économie d’énergie associées aux différents éléments du bâtiment (murs, sols, toiture, chauffage, fenêtres).