Décharge de Cour-au-Bois : deux ministres pour clôre le dossier?

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La décharge de Cour-au-Bois à Braine le château… une saga de plus de 25 ans qui se retrouve sous les feux de l’actualité depuis que son actuel propriétaire (Véolia) a introduit deux demandes de permis : une demande de permis unique (classe 1) pour la régularisation d’installations et de bâtiments annexes à l’exploitation du CET et une demande de permis d’environnement (classe 2) pour l’extension de son permis d’exploiter aux boues de dragage et de curage sans substances dangereuses et aux déchets ultimes provenant du traitement mécanique des déchets.

Malgré une dispense de la DPA (Division de la prévention et des autorisations), la commune a, en 2006, réalisé deux enquêtes publiques qui ont eu un franc succès: plus de 3.500 signatures dans chaque cas.
Or, pour différentes raisons – administratives, d’agendas politiques (nous étions à la veille des élections communales…) etc. – le demandeur (Véolia) n’a pas reçu de réponse dans les temps. Ses deux permis se sont donc vu refusés « par refus tacite ». Pas de rapport de synthèse du fonctionnaire technique, pas d’avis de l’Office wallon des déchets, pas de suivi de la commune pour passer outre l’absence d’avis de l’administration wallonne… Bref, une parfaite absence de décision qui laisse pantois riverains et propriétaire. « Consolation » bien maigre pour Véolia: le fait de ne pas recevoir de courrier de notification d’une décision par l’autorité compétente, lui a permis de ne pas avoir de délais pour introduire ses recours. C’est chose faite aujourd’hui. Le ministre de l’aménagement du territoire (A. Antoine) doit donc statuer pour le permis unique et le ministre de l’environnement (B. Lutgen), pour le permis d’environnement ; et ce, avant respectivement les 4 et le 21 mai.
Or, qu’en-est-il de ce dossier qui exaspère riverains et habitants des alentours depuis près de 30 ans ?

Le CET de Cour-au-bois se trouve à proximité immédiate de zones d’habitat et de loisirs (moins de 100 mètres): il ne répond donc pas aux conditions sectorielles d’exploitation des centres d’enfouissement technique (AGW 27/02/2003). Il est pour le moins étonnant qu’une installation aussi importante que celle là ait pu exploiter des installations qui fonctionnent dans l’irrégularité depuis plus de vingt-sept ans.

Concernant la demande de permis unique

Les constructions dont la régularisation urbanistique est demandée répondent à la définition de l’article 262, 1° du CWATUP et sont donc normalement dispensées de permis d’urbanisme : « constructions provisoires d’infrastructures de chantiers relatifs à des actes et travaux autorisés, et ce compris, les réfectoires, logements, sanitaires ainsi que pavillons d’accueil pendant la durée des actes et travaux et pour autant qu’ils se poursuivent de façon continue ». Cette demande actuelle vise donc à pérenniser leur présence sur le site alors qu’elles devront être démontées à l’échéance du permis d’exploiter (fin 2009).
Les installations annexes (transformateur, citerne à mazout, stockage de déchets dangereux, dépôt d’huiles usagées, etc.) pour lesquelles la régularisation est également demandée pour un terme de 20 ans semblent nécessaires au bon fonctionnement du CET mais la prolongation de leur autorisation au delà de la date de fin d’exploitation (fin 2009) sur base d’un hypothétique permis d’environnement à venir n’est pas admissible. En effet, en son article 51, le décret du 11 mars 1999 stipule que lorsque le permis a pour objet la transformation ou l’extension d’un établissement, il est accordé pour un terme expirant au plus tard à la date d’expiration du permis portant sur l’établissement originaire ; et cet article, même s’il figure au chapitre VII relatif au permis d’environnement, s’applique tout autant au volet « environnement » du permis unique en vertu de l’article 97 du même décret. On ne pourrait d’ailleurs admettre que, via le délai d’exploitation accordé pour un permis, l’autorité préjuge de la décision qu’elle prendra ultérieurement à propos du permis principal de l’établissement concerné.
C’est pourquoi nous espérons que le ministre Antoine précise clairement dans sa décision que les constructions provisoires existantes devront être démontées dès fin 2009 et que ce ne sont que les installations nécessaires à la post-gestion du site qui seront autorisées pour la durée de cette phase.

Concernant le permis d’environnement

Suivant le catalogue wallon des déchets, les déchets sollicités pour être admis au CET de Cour-au-Bois sont codifiés 17.05.06 (boues de dragage non dangereuses) et 19.12.10 (déchets combustibles issus du traitement mécanique des déchets comme le tri, broyage, compactage…). La demande de permis concerne donc bien une extension des déchets admissibles et en aucun cas, une extension des capacités du CET ni une modification de l’échéance du permis d’exploiter actuel.

Dans la hiérarchie de bonne gestion des déchets reconnue depuis le niveau européen, la prévention, le recyclage et la valorisation des déchets sont préférables à l’élimination des déchets. La mise en CET est la technique d’élimination ultime. Dans le cas présent, les deux catégories de déchets sont des déchets valorisables. Les boues de type A sont d’ailleurs citées dans l’arrêté du Gouvernement wallon visant à la valorisation de certains déchets (AGW 14/06/201) comme pouvant servir à différents travaux de fondation ou de réhabilitation de sites désaffectés (et de CET). Les déchets combustibles, comme leur nom l’indique, peuvent bénéficier d’une valorisation énergétique. Ceci sans aborder les possibilités de prévention ou de recyclage qui offrent de bien meilleures solutions sur le plan environnemental.

Nous regrettons que, dans l’étude d’incidence, il n’y ait pas eu une étude plus fine des « sources d’approvisionnement » de ces deux types de déchets. Les boues de type A doivent provenir d’un centre de regroupement. En effet, le CET ne permet pas de recevoir les boues directement issues des travaux de dragage/curage (cf AGW 03/04/2003) ; et les déchets combustibles doivent provenir de centres de tri. Dans les deux cas, les sources sont limitées et, étant donné le caractère « valorisable » de ces déchets, un marché existe : les éliminer en CET semble donc peu compatible avec une bonne gestion des déchets.

Dès lors, en considération pour la sécurité et la santé des riverains, nous espérons vraiment que le ministre Lutgen encouragera le remplissage de ce CET pour qu’il soit comblé à l’échéance prévue dans son permis ; ce qui pourrait être fait en utilisant les déchets de classe 2 constituant le dôme existant et non autorisé dans le permis actuel (~1.500.000 m3) et des déchets de classe 3. Ceci sans autoriser l’accès à de nouvelles classes de déchets et en refusant donc le permis d’environnement sollicité ici.

Réserves de sécurité

Enfin, quant à un éventuel prolongement de la durée d’exploitation accordée à ce CET, d’ores et déjà nous émettons les plus nettes réserves. Le temps « tout au trou» est révolu ; en précisant toutefois qu’il est nécessaire de prévoir des réserves de sécurité. Sans une évaluation précise du Plan des CET et des réserves résiduelles des CET existants sur le territoire, sans évaluation environnementale sérieuse du choix des sites à retenir pour les réserves de sécurité, il nous semble prématuré et déplacé d’ouvrir la porte à un prolongement éventuel du permis d’exploiter de ce site.

Canopea