Electricité : « la bataille des réseaux »

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A la suite de leur rapport Energy R]evolution 100% renouvelable en 2050, Greenpeace vient de publier une sorte de suite relative aux implications de ce scénario pour le réseau électrique européen intitulée [«  la bataille des réseaux ». L’avènement de l’électricité renouvelable, indispensable pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, vient en effet bouleverser le bon fonctionnement du réseau actuel conçu autour de quelques grandes unités de production (les centrales nucléaires notamment), peu modulables. La production d’électricité verte se caractérise au contraire par de nombreuses petites unités décentralisées avec une production variable (selon les conditions météorologiques). Le rapport de Greenpeace démontre que l’intégration des renouvelables à grande échelle en Europe (68% en 2030 et 99,5% en 2050) est faisable tant sur le point technique qu’économique et ce, en garantissant un niveau élevé de sécurité d’approvisionnement, même dans des conditions climatiques les plus extrêmes. Cette évolution va néanmoins nécessiter des adaptations importantes aussi bien du réseau électrique que de notre mix énergétique.

La principale barrière identifiée dans le rapport est l’incompatibilité entre la production de base peu flexible fournie par les centrales nucléaires et au charbon (appelée baseload) et les énergies renouvelables. A partir d’un certain niveau d’intégration des renouvelables (plus de 25%), la production peut à certains moments être supérieure à la demande, par exemple en cas de vents forts avec un ensoleillement important. Or l’électricité est un bien difficile à stocker. Il faut donc qu’à tout moment la production soit égale à la consommation. Étant donné que les centrales nucléaires et au charbon sont peu flexibles, elles reçoivent la priorité d’accès au réseau. Les énergies renouvelables doivent donc être coupées pour maintenir l’équilibre sur le réseau, avec des conséquences négatives sur leur rentabilité. C’est déjà ce qui se passe en Espagne dont 35% de l’électricité est d’origine renouvelable, l’éolien représentant à lui seul 16%. Pour 2010, 200 GWh d’électricité éolienne aurait ainsi été perdus pour donner la priorité à l’énergie nucléaire.

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Même si des adaptations techniques pouvaient permettre aux centrales nucléaire et au charbon de répondre aux variations de la production renouvelable, ces centrales ne seraient plus utilisées qu’à raison de 54% du temps en 2030, rendant l’investissement très peu rentable. Les conclusions du rapport sont sans appel, 90% des centrales au charbon et nucléaires devront être progressivement fermées d’ici 2030, pour être complètement abandonnées en 2050. La majeure part de l’électricité non renouvelable en 2030 devra être fournie par des centrales au gaz, servant de solution de réserve flexible pour l’énergie solaire et éolienne. Moins intensives en capitaux, les centrales au gaz resteront rentables même utilisées de manière intermittente.

A côté des modifications qu’il faudra apporter au mix énergétique, l’augmentation de la part des énergies renouvelable va également nécessiter une adaptation du réseau à différentes échelles pour équilibrer production et consommation qui ne sont, on l’a dit, pas nécessairement concomitantes. 
Au niveau européen, il faudra mettre en place des interconnections entres les différents pays de manière à créer un « super réseau » européen (super grid) permettant d’acheminer l’électricité des zones de fortes production (par exemple l’éolien en Mer du Nord) vers les zones de forte consommation.
Au niveau régional, le raccordement des énergies renouvelables passe nécessairement par une gestion « intelligente » (smart grid) rendant possible un suivi en temps réel des caractéristiques du réseau. Dans les périodes critiques, c’est au niveau local que doit être recherchée une correspondance entre les prélèvements et les injections. Les technologies de l’information et de la communication y joueront un rôle central pour transmettre et traiter le grand nombre d’informations issues du réseau. La gestion intelligente du réseau passera également par une « gestion active de la demande ». Il est par exemple possible d’envoyer un signal à distance aux réfrigérateurs pour qu’ils ne tournent pas pendant les périodes de pointe typiques. Notons que l’intégration d’unités de production décentralisée constitue une opportunité. Le raccordement sur le réseau de distribution local des énergies renouvelables permet à l’électricité d’être produite et consommée localement. On évite ainsi les inconvénients liés au transport de l’électricité sur de longues distances, comme c’est le cas aujourd’hui: pertes importantes, altération des paysages, frais d’entretien, émission d’ondes électromagnétiques, etc.

2050 se prépare dès aujourd’hui! Les solutions pour une électricité propre et durable sont à portée de main mais nécessitent des politiques ambitieuses et cohérentes. En premier lieu, il faut tourner définitivement le dos à l’énergie nucléaire, incompatible avec l’essor des énergies renouvelables, dangereuse et chère. La prolongation des centrales nucléaire est de ce point de vue une aberration de plus!

Cécile de Schoutheete

Anciennement: Développement durable & Énergie