« Exagérément coûteux », c’est combien ?

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Est-il exagérément coûteux de restaurer la qualité des rivières au nord du sillon Sambre et Meuse ?

La directive cadre sur l’eau (DCE) vise la protection et la restauration des eaux européennes. Elle fixe des objectifs d’amélioration (atteindre le bon état) et le délai pour les atteindre (pour 2015). La directive introduit également la possibilité de déroger à ces obligations : soit en reportant le délai (à 2021 ou 2027), soit en revoyant les objectifs à la baisse. Parmi les justifications envisageables figure « l’achèvement des améliorations nécessaires dans les délais indiqués serait exagérément coûteux » (disproportionately expensive).
Or, en Wallonie, on sait déjà que 65 % des masses d’eaux de surface risquent de ne pas parvenir au bon état (rapport analytique sur l’état de l’environnement wallon 2006-2007).

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Les dérogations seraient inévitables. La question de ce qu’on entend par « exagérément coûteux » s’avère cruciale… pour les Etats membres confrontés à des obligations environnementales encore loin d’être rencontrées. La DG environnement de la Commission européenne a rassemblé un groupe de travail pour discuter spécifiquement des dérogations. Le document en cours d’élaboration issu de ses travaux est clair quant aux principes généraux.

Premièrement il faut garder à l’esprit que la DCE est une directive environnementale et que déroger à ses objectifs devrait rester exceptionnel.

Deuxièmement, avant d’envisager l’obtention d’une dérogation, toutes les obligations liées à d’autres législations européennes visant la protection des eaux doivent avoir été remplies. En conséquence, il apparaît qu’en aucun cas les coûts des mesures de bases[[La directive distingue des « mesures de bases » des « mesures complémentaires ». Les premières concernent notamment ce qui se rapporte à la mise en ½uvre de législations antérieures, mais également (entre autre) la prévention et le contrôle des sources ponctuelles et diffuses de pollution identifiées.]] ne pourront être inclus dans les justifications des dérogations invoquant des coûts exagérément élevés.

Décider si atteindre le bon état est exagérément coûteux est en définitive un jugement politique basé sur une analyse économique, dit le groupe de travail de la Commission. Le WWF-UK ajoute, dans son analyse de l’interprétation légale de la question des coûts disproportionnés, qu’elle est d’avantage une question de législation qu’une question économique. En effet, le groupe de travail signale de son côté que la « disproportion » ne correspond pas au simple fait que les coûts mesurés dépassent les bénéfices quantifiables, rappelant que ces derniers sont associés à une large gamme d’aspects sociaux, économiques et environnementaux. Ceci inclut notamment les bénéfices pour la biodiversité, les paysages, les changements climatiques. Le groupe de travail reconnaît la nécessité d’inclure des coûts basés sur une information de type qualitative. Il s’accorde également sur le principe d’un large dépassement des coûts par rapport aux bénéfices, et ce associé à une faible incertitude, pour être considéré comme « disproportionné ».

A défaut de critères établis, réclamés par certains pays, voilà un cadre pour interpréter ce qu’est la disproportion des coûts face à des objectifs environnementaux élevés. Bref, ce qu’il faut développer ce sont des méthodologies d’analyses des coûts et des bénéfices combinant les approches quantitatives et qualitatives (ou l’adaptation ou le recours à de telles méthodologies existant par ailleurs). Sans cette étape, la justification d’une « disproportion » des coûts sera délicate.