L’habitat continue à coloniser l’espace wallon

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L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, plus connu sous le nom d’IWEPS, a publié en janvier un petit opuscule intitulé « L’évolution de la superficie résidentielle moyenne par habitant : un indicateur de développement territorial durable ? », fruit du travail de Julien Charlier et d’Isabelle Reginster. Cette brochure, qui porte le n°1001, fait partie d’une série que l’Observatoire du développement territorial de l’IWEPS entend poursuivre afin de cerner au mieux la réalité du territoire wallon. Le territoire suit-il la voie du développement durable prôné dans les discours et les documents officiels ? Les changements de superficie résidentielle traduisent-ils adéquatement un usage durable du sol ? Au-delà des difficultés de lecture liées à l’abondance d’acronymes, sigles, chiffres non explicités, coquilles orthographiques, le propos est intéressant et abondamment illustré de cartes.

D’emblée, les auteurs mettent les choses au point concernant les chiffres disponibles. La source d’informations est le cadastre, et la fourchette étudiée va de 2003 à 2008. Endéans ces limites, notre région affiche de nettes disparités entre communes, entre provinces, et entre années. L’espace n’est pas consommé de manière homogène, loin s’en faut. Cependant, on peut constater que la variation n’est pas systématiquement corrélée à des paramètres tels que le prix du terrain, ou la rareté de parcelles non bâties dans les zones réservées à l’habitat par le plan de secteur. Le fait le plus saillant est l’augmentation globale de la consommation de surface par habitant, surface résidentielle s’entend. A supposer que les m² augmentent sans que la population croisse, deux cas de figure peuvent être en cause : soit il s’agit d’une dédensification par décès massif et soudain, soit il s’agit bien d’une occupation plus importante du sol. Il faut bien l’admettre, les Wallons convertissent toujours plus de m² à de la résidence privée. C’est ce que l’on appelle le « désserrement » de l’habitat, mot aujourd’hui encore absent des dictionnaires.

Le deuxième volet de l’étude porte sur la pertinence de cette évolution comme indicateur par rapport au développement territorial durable. Bien que l’aspect non parcimonieux du désserrement de l’habitat tombe sous le sens, les auteurs se donnent la peine de confronter cet indicateur avec les grands documents de l’aménagement du territoire et avec des critères que l’IWEPS a vraisemblablement reconnus comme pertinents. Un double crible face auquel l’étude perd quelque peu de sa rigueur et le fil de son raisonnement. Le texte et la grille d’analyse pêchent par un excès de présupposés, alors qu’ils auraient pu au passage en décortiquer – même très brièvement – les tenants et aboutissants. Les auteurs semblent oublier qu’il leur revenait de se prononcer sur la pertinence de la variation de superficie pour mettre le doigt sur différents modes d’utilisation du territoire. Lorsque la conclusion introduit les termes « peu durable », on est tout surpris de rencontrer cette expression qu’aucune démonstration n’est venue étayer dans le corps de l’étude ! En cela, l’étude commet à notre sens une erreur méthodologique. Alors qu’elle faisait le pari d’aborder sous un angle inédit la consommation d’espace résidentiel, elle a manqué l’occasion de mettre en lumière les mécanismes à l’½uvre en utilisant ses propres ressources.

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