La Commission au chevet des sols

Le Parlement Européen devait commencer, le 22 janvier dernier, ses discussions en comités sur le projet de Directive-cadre “sols”. Un petit rappel s’impose. La Commission a présenté en septembre 2006 sa stratégie thématique de protection des sols, la dernière des sept stratégies thématiques du VIème Programme d’action pour l’environnement. Elle comporte entre autres un projet de Directive-cadre qui, à première vue, semble bien modeste. A part tous nos vœux de réussite, de grandeur et d’avancée significative pour la santé et l’environnement, que souhaitons-nous à ces débats ? D’aboutir à des objectifs d’assainissement et de protection chiffrés et de définir des normes de qualités communes ainsi qu’une méthodologie harmonisée d’identification des risques et des zones à risque.

Le sol est généralement défini comme la couche supérieure de la croûte terrestre. Il est constitué de particules minérales, de matières organiques, d’eau, d’air et d’organismes vivants. Le sol est l’interface entre la terre, l’air et l’eau et abrite la majeure partie de la biosphère. La formation des sols étant un processus extrêmement lent, on peut considérer qu’il s’agit essentiellement d’une ressource non renouvelable.

A quoi sert le sol?

Le sol est une source de denrées alimentaires, de biomasse et de matières premières. Il sert de plate-forme pour les activités humaines, constitue un élément du paysage et du patrimoine culturel et joue un rôle central en tant qu’habitat. Il assure des fonctions de stockage, de filtration et de transformation de nombreuses substances, y compris l’eau, les nutriments et le carbone. Il représente le puits de carbone le plus important au monde (1 500 gigatonnes). La structure du sol est déterminante pour sa capacité à remplir ses fonctions. Toute dégradation de sa structure détériore également les autres milieux naturels et écosystèmes.

De quoi souffre-t-il ?

Le sol est soumis à une série de processus de dégradation ou de menaces : érosion, diminution de la teneur en matières organiques, contamination locale et diffuse, imperméabilisation, tassement, diminution de la biodiversité, salinisation, inondations et glissements de terrain.
Au niveau européen et d’après estimations, 115 millions d’hectares -soit 12 % environ de la superficie totale des terres en Europe- sont soumis à l’érosion par l’eau, et 42 millions d’hectares subissent l’érosion éolienne; 45 % des sols ont une faible teneur en matières organiques, principalement dans le sud mais également dans des régions de France, du Royaume-Uni et d’Allemagne; le nombre de sites potentiellement contaminés dans l’Europe des 25 avoisine les 3,5 millions.
La base de données «Corine Land Cover [[(1) http://terrestrial.eionet.eu.int/CLC2000/docs/publications/corinescreen.pdf

]] » fait apparaître de profondes modifications de l’utilisation des terres en Europe, qui ont une incidence sur les sols. Entre 1990 et 2000, au moins 2,8 % des terres en Europe ont changé d’affectation, avec une augmentation sensible des zones urbaines. Il existe de grandes différences selon les États membres et les régions, la proportion des superficies réaffectées au cours de cette période variant de 0,3 % à 10 %.
Les tendances indiquent que les facteurs de menace liés à l’homme sont en augmentation.

Quel(s) remède(s)?

Cet automne, la Commission a donc proposé sa stratégie de protection des sols.
L’objectif général poursuivi est la protection et l’utilisation durable des sols, sur la base des principes directeurs suivants.
En premier lieu, prévenir la dégradation ultérieure des sols et préserver leurs fonctions, lorsque les sols sont utilisés et leurs fonctions exploitées, de sorte qu’il convient de prendre des mesures en matière de modes d’utilisation et de gestion des sols, et lorsque les sols jouent un rôle de puits/récepteur des répercussions des activités humaines ou des phénomènes environnementaux, de sorte qu’il convient de prendre des mesures à la source.
En second lieu, restaurer les sols dégradés, de manière à les ramener à un niveau de fonctionnalité correspondant au moins à leur utilisation actuelle et à leur utilisation prévue, en tenant compte également des implications financières de cette restauration.

Est-ce suffisant?

Cette stratégie repose sur la nécessité d’établir une législation cadre ayant pour objectif principal la protection et l’utilisation durable des sols et d’inviter les Etats membres à intégrer la protection des sols dans la formulation et la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires. Ce projet de Directive-cadre proposé en Septembre 2006 définit donc des principes, des objectifs et des actions communs mais laisse une (trop) grande marge de manœuvre aux gouvernements nationaux suivant les sacro-saints principes de flexibilité et de subsidiarité, chers à l’Union européenne.

IEW s’associe au BEE (Bureau européen de l’environnement) pour saluer l’initiative mais aussi et surtout pour déplorer la modestie du projet qui ne parviendra pas à provoquer les changements nécessaires afin de lutter contre la dégradation continue des sols, si dès à présent, le terrain n’est pas déminé ni consolidé. Différentes pistes seront développées par le monde des ONG européennes d’environnement dans les prochaines semaines.
Il s’agit d’abord de définir des objectifs chiffrés (absents dans la proposition de la Commission), communs et à long terme afin d’inviter les Etats membres à prendre les mesures nécessaires pour évaluer leurs progrès et l’efficacité des mesures qu’ils prendront au niveau national.
Ensuite, il faudrait définir des standards de qualité au niveau européen car il n’existe aucune liste des substances dangereuses (susceptibles de persister, de se bio-accumuler, de causer des impacts négatifs irréversibles sur les sols ou l’une de leurs composantes).
Enfin, plus qu’une plate-forme d’échange, il faut créer un groupe de travail chargé de définir une méthodologie harmonisée d’identification des zones à risque, afin d’encourager et de soutenir les Etats membres et leurs approches thématiques.

Canopea