La DER du DAR !

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A l’heure où les paysages revêtent doucement leur manteau blanc, où les feux de bois crépitent dans les chaumières, phénomène rarissime en ce mois de novembre, les orchidées sauvages[[Référence à la déclaration d’André Antoine diffusée, entre autres, dans le « 8-9 » de la Première – RTBF Radio – le 23 novembre 2012 selon laquelle n’importe quel particulier pourrait désormais bloquer un projet bénéfique à la collectivité et au développement de la Wallonie sous prétexte de la défense de quelques orchidées sauvages.]] se targuent de leur plus belle floraison…
Mais que diable suscite une telle ardeur en cette période automnale ? Une période d’ensoleillement exceptionnelle ? Un terreau fertile ? Pardon ? J’entends bien ? Une décision de la Cour constitutionnelle ?! Mais qui l’eut cru pardi …

L’arrêt tant attendu !

Le 22 novembre dernier, la haute juridiction annulait, ce que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de « plus mauvais décret »[[P.W.- C.R.A. 24 ( 2007-2008) – mercredi 16 juillet 2008, p.12]] adopté sous l’ancienne législature. C’était probablement écrit quand on sait qu’une des versions antérieures du texte en projet était le « PIR » (Permis d’Intérêt Régional).

Inutile de vous rappeler dans le détail le mécanisme mis en place par ce décret tant celui-ci a été abondamment relaté dans les médias et dans les cénacles parlementaires au cours des quatre dernières années. Grâce au mécanisme inventé, des permis faisaient l’objet d’une ratification parlementaire et échappaient de la sorte aux recours potentiels devant le Conseil d’Etat au profit de la Cour constitutionnelle qui qui traite un contentieux différent. Si on lit entre les lignes et de manière caricaturale, ledit mécanisme permettait d’éviter les recours au Conseil d’Etat de particuliers ou d’ONG, ce droit étant estimé être un frein pour l’accomplissement de projets.

De multiples recours furent introduits contre le décret d’autorisation régionale (DAR), dont un de notre Fédération qui portait exclusivement sur le mécanisme érigé par le DAR et non sur les projets qui bénéficiaient du mécanisme de la ratification parlementaire. Ce décret vient donc d’être invalidé par la Cour constitutionnelle.

Pour une procédure censée bétonner des projets prétendument réputés d’intérêt régional majeur, le moins que l’on puisse dire, période de chasse oblige, c’est qu’elle a du plomb dans l’aile. Certes, les permis délivrés demeurent exécutoires mais il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de recours contre des projets visés par le DAR pourraient être réactivés devant le Conseil d’Etat. Inutile de faire état de l’insécurité juridique qui plane autour de ces projets.

L’intérêt général ne peut justifier toutes les dérives

Certains responsables politiques ont proposé de tirer les enseignements de la Cour constitutionnelle pour, tel un phœnix, faire renaître de ses cendres le défunt décret et adopter un DAR bis. Mais pourquoi donc vouloir s’obstiner ? Comme le mentionnait déjà la Fédération en 2009, pourquoi vouloir une procédure spécifique pour des projets qualifiés, à tort ou à raison, de majeurs en évinçant le Conseil d’Etat ?
La Fédération a déjà mentionné que la procédure DAR était inadéquate :

  • « s’il existe une « annulation excessive » par le Conseil d’Etat, pourquoi créer une procédure différente pour certains projets et non pour d’autres ? (…)

  • à l’inverse, si le Conseil d’Etat annule pour de « bonnes » raisons (c’est-à-dire parce que la procédure est entachée par un problème de légalité ou de motivation), que penser, en termes de bonnes gouvernance, d’un Gouvernement qui tente de contourner la censure de la haute juridiction administrative pour faire passer les dossiers qu’il gère mal ? (…) » (http://iewonline.be/IMG/pdf/ArgumentaireDAR.pdf)

En ce qui concerne les annulations du Conseil d’Etat qualifiées d’excessives, la Fédération serait curieuse de connaître le nombre de permis annulés par le Conseil d’Etat en raison d’un élément procédural ponctuel. La Fédération s’interroge sur la proportion de tels cas par rapport aux centaines de dossiers examinés annuellement par la haute juridiction administrative. De surcroît, si la législation permet à certains procéduriers, de trouver des failles, il convient notamment d’en faire peser la responsabilité sur celles et ceux qui sont à l’origine des multiples modifications du CWATUPE et qui ont fait de cet outil un instrument complexe et illisible.
Par ailleurs, il est bon de remettre l’église au milieu du village. Contrairement à certaines déclarations politiques malheureuses dans les jours qui ont suivi l’arrêt de la Cour, IEW n’est jamais eu recourt à la dichotomie simpliste qui oppose développement économique et protection de l’environnement.

Feu le DAR

Une véritable saga juridico-politique se clôture aujourd’hui. Elle a duré plus de quatre ans pour revenir à la situation qui préexistait avant l’adoption du DAR.
Tout ça pour ça ? Non, soyons transparents jusqu’au bout et n’éludons pas les centaines de milliers d’euros investis en analyses juridiques et frais d’avocats ni les incertitudes tant juridiques qu’économiques qui pèsent sur certains des projets visés par le DAR. Toutes les étapes qui ont jalonné ce mélodrame sont dignes d’un film qui pourrait s’intituler « Itinéraire d’un décret mort-né ».
Quoi qu’il en soit, après en avoir piqué au vif plus d’un, le DAR passe enfin l’arme à gauche. Malgré le conflit qui les oppose depuis qu’il a vu le jour, la Fédération s’est néanmoins rendue aux funérailles du DAR, bouquet d’orchidées sauvages à la main cela va sans dire. En dépit d’un « goût de cendre » évoqués par certains responsables politiques, il était bien question d’inhumation et non d’incinération.
Sur la pierre tombale, on pouvait lire : « Ici repose dans la tourmente, le Décret d’Autorisation Régionale, un décret peu banal entré dans les annales par son caractère ô combien bancal ».

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