Le catcheur, le GIEC et le complot climatique

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Son nom est Ventura, Jesse (prononcez Djè’scie) Ventura. Le mythe américain fait homme. D’abord membre des SEAL, la force spéciale de l’US Navy il fut ensuite, successivement : catcheur professionnel, vedette des shows estampillés World Wrestling Federation et World Championship Wrestling qui électrisent les rejetons de l’Oncle Sam ; acteur aux côtés d’Arnold Schwarzenegger, Sylvester Stallone, George Clooney et même Uma Thurman ; puis, cerise sur le gâteau de son American Dream, gouverneur du Minnesota, élu en 1999 par un peuple qui concrétise régulièrement son désir d’être administré par des mecs qui en ont.

Aujourd’hui, Djè’scie a rangé tenue de camouflage, moule-miches et portrait officiel dans le tiroir des souvenirs mais le fond-de-teint lui sert encore sur les plateaux de télévision où il dirige et anime avec conviction Conspiracy Theory, une émission d’investigation avec enquêteurs traquant les grands complots qui minent la démocratie mondiale.

Sur l’écran de ma télé, veste de cuir noir sur t-shirt de même couleur, muscles bandés, mâchoire serrée et sourcils froncés, la calvitie ceinturée d’un katogan rachitique, le quintal vibrant de la volonté d’en découdre, Djè’scie« Gouverneur » pour ses troupes et ses interlocuteurs – expose sa mission du jour : révéler « le plus grand piège de l’histoire de l’humanité », « un complot qui vise à nous tromper, nous spolier et nous contrôler tous ». « Je n’aurais jamais cru devoir enquêter sur le réchauffement climatique. Je croyais que c’était vrai et que la sauvegarde de la planète était un combat juste (…) mais en fait, certains se servent de l’argument du réchauffement pour gagner de l’argent et faire main-basse sur la planète. Je tiens à dénoncer ce complot ! ». Alors, sous sa houlette éclairée (à ne pas confondre avec l’alouette cendrée), ses « enquêteurs spécialistes de la conspiration vont suivre la piste aux quatre coins du monde afin d’identifier les hommes d’influence cupides qui tirent les ficelles et ramassent des milliards. Car tout ce qu’il y a de vert dans cette affaire, ce sont les billets ! »
Et foi de Djè’scie (qui n’a rien à voir avec le foie de génisse), les salopards peuvent trembler dans leurs calbars !

Le spectateur en haleine (et en bas de laine s’il est frileux) va ainsi suivre pendant cinquante minutes les aventures de June, Axel, Benny et consorts à la poursuite des intriguants verts.

Poitrine et booty arrogants, lèvres botoxées dubitatives, June, pulpeuse Afro-américaine semblant exfiltrée d’un clip de Snoop Dogg, part « à la rencontre d’un climatologue à la pointe de sa discipline depuis la fin des années soixante-dix » qui « se cache dans une petite ville loin de la civilisation » et témoigne anonymement « par crainte des retombées pour sa famille » car il a « subi des attaques et reçu des menaces de mort » depuis qu’il a « pris parti contre le courant de pensée dominant » et « dénoncé le dogme du réchauffement climatique ».

Authentique rêve de belle-mère, le très BCBG et dynamique Axel, rejoint le prestigieux Massachusetts Institute of Technology où un scientifique plus vrai que caricature – lunettes involontairement vintage, barbe anarchique, cheveux aussi rares que fous et costume-cravate décati – s’élève contre une imposture qui « brasse des milliards de dollars ».

Quant à Benny, l’apparemment – et fondamentalement – insignifiant « associé du Gouverneur en Chine », il n’hésite à défier la vigilance des forces de sécurité asiates pour pister celui qui est « derrière tout ça, celui qui tire les ficelles en coulisses ». Car grâce aux confidences de leurs informateurs et au support efficace d’une équipe de documentalistes et d’enquêteurs assis, Djè’scie, June et Axel ont réussi leur mission, ils ont identifié ceux qui alimentent le dogme du global warming et les motivations de cette « aristocratie très puissante qui compte jouer sur la peur de la dégradation de l’environnement pour s’emparer du monde, (…) contrôler les masses et les entreprises, décider de nos comportements, faire en sorte que le moindre de nos gestes coûte de plus en plus cher (…) ». Une aristocratie à la tête de laquelle trône l’homme dont Benny a retrouvé la trace dorée dans l’Empire du milieu.

Je sais, raconté comme ça et tenant compte du personnage aux commandes de l’affaire, on a l’impression de se trouver face au scénario d’un (très) mauvais film hollywoodien et on peine à imaginer que pareil programme puisse avoir le moindre impact sur l’opinion publique. La réalité s’avère malheureusement moins optimiste. Car il y a dans la réalisation de ce documentaire un savoir-faire et une utilisation de faits et de personnalités réels qui le rendent redoutablement efficace.

Si le témoignage masqué du climatologue dénonçant le dogme du réchauffement ou les assertions outrées de certains « informateurs » sont des éléments de mise en scène qui n’ impressionneront que les plus crédules, beaucoup d’autres informations sont traitées de manière telles qu’elles peuvent instiller le doute dans les esprits les plus critiques.

Il y a cette visite dans une société pionnière du « marché du carbone » dont le responsable refuse de s’expliquer sur le conflit d’intérêt que pourrait représenter la participation majoritaire d’Al Gore – « un ami pour lequel j’ai beaucoup de respect mais qui n’est pas plus scientifique que moi » dixit Djè’scie – dans ce secteur étroitement liée à la peur climatique qu’il entretient « et apparemment, cela lui rapporte pas mal d’argent »

Il y a l’interview de Lord Monckton, ancien conseiller politique du Parti conservateur anglais qui revendique avoir également été « conseiller scientifique du gouvernement Thatcher ». Tout qui n’a pas la curiosité d’investiguer sur le pedigree de l’animal et ignore donc qu’il s’agit d’un eurosceptique radical, membre influent du UKIP – United Kingdom Independence Party – militant pour le retrait de la Grande-Betagne de l’Union européenne, climato-sceptique revendiqué et farouche adversaire d’une politique sociale progressiste, tout qui donc fait confiance à la figure de l’homme de cabinet et de confidences retiendra avant tout son assertion qu’« il existe des accords entre responsables gouvernementaux, scientifiques et milieux d’affaire pour mettre au point une théorie sur le réchauffement climatique et ainsi pouvoir gagner de l’argent ». Et que « ceux qui sont derrière tout cela depuis vingt ans vont obtenir ce qu’ils cherchaient, c’est-à-dire une sorte de noyau dur qui servira de base à un gouvernement mondial ».

Il y a ce culot génial de désigner nommément le (prétendu) grand ordonnateur de ce complot et de détailler les actions et déclarations qui, tout au long de sa carrière, servirent (prétendument) cet objectif ultime.

(Allez, je ne vais pas vous laisser languir : il s’agit de Maurice Strong « Secrétaire général des Nations Unies lors de la 1ère Conférence sur l’environnement, en 1972 ; 1er directeur du Programme des Nations Unies pour l’l’environnement ; organisateur, en 1992, du Sommet de la Terre de Rio qui ouvrit la voie au Traité de Kyoto ». Un homme d’influence et de réseaux qui, selon Djè’scie, son équipe et leurs images d’archive, travailla activement à la création de la Banque mondiale et d’une monnaie unique permettant de mieux contrôler l’activité économique et humaine au nom de l’environnement. Un projet dont l’Euro et le marché du carbone constitueraient les premières concrétisations. CQFD… Pour finir la démonstration en beauté, Benny affirme que Mister Strong vivrait aujourd’hui en Chine où il conseillerait le gouvernement dans sa lutte contre les émissions de CO2… tout en investissant massivement dans l’industrie automobile !)

Pas question de mener ici une contre-enquête ni même de dénoncer les impostures intellectuelles et entorses à la déontologie journalistiques que recèlent le film du Gouverneur. Je m’interroge simplement sur les ravages que peut faire ce genre de « document » diffusé à grande échelle sur des chaînes réputées sérieuses – en l’occurrence « Planète » – tandis que le GIEC et d’autres climato-convaincus ont décidé de répondre à leurs détracteurs par l’ignorance voire le mépris sous prétexte qu’« on ne discute plus de savoir si la Terre est plate » ou qu’« il y a toujours des gens pour croire qu’Elvis Presley n’est pas mort ! »
Pas sûr que ce soit la meilleure stratégie face à des citoyens confrontés à une question qui les dépassent – à de multiples niveaux – et avides d’explications …fussent-elles fausses.

Allez, à la prochaine.

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