Les plans européens pour les agrocarburants conduisent à une catastrophe environnementale et sociale

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Une étude rendue publique ce lundi met en garde contre l’augmentation massive des émissions de CO2 et le changement d’utilisation des terres que génèreront les plans européens de développement de l’utilisation des agrocarburants. 69.000 kilomètres carrés de surfaces agricoles supplémentaires seront en effet nécessaires au niveau mondial pour remplir les objectifs de l’Union. Par ailleurs, si tous les impacts sont pris en compte, cette production d’agrocarburants conduira à une augmentation – et non à une diminution – des émissions de CO2 ! Une mesure européenne visant à lutter contre les changements climatiques menace par conséquent de produire l’effet inverse…
Les organisations belges environnementales et Nord-Sud (Fédération Inter-Environnement Wallonie, Bond Beter Leefmilieu, Inter-Environnement Bruxelles, BRAL, Greenpeace, Natagora, Natuurpunt, les Amis de la Terre Flandre et Bruxelles, Wervel, VODO, CNCD-11.11.11., Oxfam Belgique) souhaitent que notre pays tire parti de sa présidence de l’Union pour lancer une révision de la politique européenne sur les agrocarburants. Les associations demandent en outre que les agrocarburants ne soient pas intégrés dans le plan d’action belge sur les énergies renouvelables – plan qui aurait dû être remis le 30 juin dernier – tant que l’impact réel de leur culture n’aura pas été pris en compte.

Selon l’étude réalisée par l’Institut pour la politique environnementale européenne (IEEP)[Institute for European Environmental Policy (IEEP). November 2010. ‘Anticipated Indirect Land Use Change Associated with Expanded Use of Biofuels in the EU: An Analysis of Member State Performance’. Author: Catherine Bowyer, Senior Policy Analyst. [www.ieep.eu]], si les pays européens s’en tiennent à leur objectif de remplacer une partie de l’essence et du diesel par des agrocarburants, une superficie supérieure à deux fois la Belgique devra être convertie en champs et en plantations pour répondre à la demande. Cela aura un impact dévastateur sur les forêts, des écosystèmes naturels précieux et les communautés locales.

La recherche réalisée par IEEP à la demande d’une coalition d’organisations européennes environnementales et de développement[Ces organisations sont: ActionAid, BirdLife International, ClientEarth, European Environmental Bureau, FERN, Friends of the Earth Europe, Greenpeace, Transport & Environment, Wetlands International.]] analyse, pour la première fois, les impacts de l’utilisation des agrocarburants telle que prévue dans les plans d’action énergies renouvelables remis par les Etats membres de l’Union[[L’étude a analysé les 23 plans d’énergies renouvelables qui ont été remis en Octobre 2010 ont été présentées en Octobre 2010 (Autriche, Bulgarie, Chypre, République tchèque, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède et Royaume Unis) [http://ec.europa.eu/energy/renewables/transparency_platform/action_plan_en.htm.]]. Il en ressort que, d’ici 2020, 9,5% des carburants utilisés pour le transport seront remplacés par des agrocarburants. Ces agrocarburants proviennent pour 90% de cultures “énergétiques” qui prennent souvent la place des cultures alimentaires. Ces cultures alimentaires sont, elles, déplacées sur des nouvelles terres, souvent issues de la déforestation. Les cultures à des fins énergétiques sont ainsi un moteur important de la déforestation, avec pour conséquence… une augmentation des émissions de CO2!

Sauf changement de politique de l’UE, les agrocarburants que l’Europe va utiliser au cours des dix prochaines années seront responsables de l’émission de 27 à 56 millions de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires par an d’ici 2020, soit l’équivalent de 12 à 26 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes. Leur effet sur le climat sera entre 81 et 167% plus néfaste que celui des combustibles fossiles.

Selon An Lambrechts, de Greenpeace, «cette étude démontre que des forêts ainsi que d’autres territoires précieux seront détruits à grande échelle pour alimenter nos voitures. Tant que les effets indirects sur l’utilisation des terres ne seront pas pris en compte, nous subventionnerons une source d’énergie alternative qui ne vaut pas mieux que les combustibles fossiles qu’elle doit remplacer. Les émissions de CO2 liées au transport peuvent être limitées à l’aide d’autres instruments bien plus efficaces».

Pour Stéphane Desgain, du CNCD-11.11.11: «Il est clair que les agrocarburants ne constituent pas une solution respectueuse du climat. La politique européenne en cette matière donne en outre aux entreprises un chèque en blanc pour poursuivre l’accaparement des terres et fouler aux pieds les droits fonciers des populations locales. Alors que l’insécurité alimentaire continue d’augmenter en Afrique, des cultures vivrières sont ainsi injustement mises en concurrence avec les cultures énergétiques.»

Selon l’étude de lEEP, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie et la France seront responsables de deux tiers des émissions de CO2 supplémentaires. Notre pays n’ayant toujours pas remis son plan d’action énergies renouvelables, le développement attendu des agrocarburants sur le territoire et ses conséquences n’ont pas pu être estimés.

Au vu de cette analyse, les organisations environnementales et Nord-Sud demandent que la Belgique n’intègre pas les agrocarburants dans le plan d’action belge énergies renouvelables tant que les effets indirects n’entreront pas en ligne de compte. Elles souhaitent également que notre pays tire parti de sa présidence européenne pour traiter cette question. Cécile de Schoutheete, d’IEW, précise: «La Commission européenne doit préparer d’ici la fin de cette année une proposition visant à prendre en compte les effets indirects des agrocarburants sur l’utilisation des sols. Nous demandons à la ministre régionale flamande Joke Schauvliege, qui assure la présidence pour les questions environnementales au nom de la Belgique, de lancer une révision en profondeur de la politique européenne sur les agrocarburants. Il est en effet capital que celle-ci prenne en compte les impacts réels des agrocarburants sur les changements climatiques et sur la sécurité alimentaire.»

Canopea