Lima : diplomatie et climat

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D’un point de vue strictement diplomatique, le Sommet de Lima aura été un beau succès : 195 pays qui se mettent d’accord, après de longues et parfois houleuses discussions sur un texte dont l’enjeu est l’avenir de l’humanité, et qui adoptent ce texte à l’unanimité. Essayez de mettre d’accord ne fût-ce que Flamands et Wallons sur la langue d’une convocation électorale, et vous verrez que si, Lima, c’est un petit miracle.

Mais ce miracle diplomatique a un prix, particulièrement amer pour celles et ceux qui (dés)espèrent (de) voir enfin nos dirigeants apporter une réponse adéquate au problème climatique. De manière symptomatique, l’accord final s’intitule « Appel de Lima pour l’action climatique », là où l’on était en droit d’attendre des « Engagements de Lima pour l’action climatique ». Le texte final est bien faible au regard de l’enjeu.

Tous les pays sont d’accord, oui. Mais après le préambule qui « constate avec une grave inquiétude l’écart significatif entre l’effet combiné des engagements d’atténuation des pays en terme d’émissions globales de gaz à effet de serre d’ici 2020 » et ce qui serait nécessaire pour « avoir une chance plausible de maintenir l’augmentation globale de température moyenne depuis l’ère pré-industrielle à moins de 2 °C ou 1,5 °C », après ce préambule donc, bien peu de nouveaux engagements.

Les pays sont invités à donner des informations sur les intentions qu’ils ont en matière de lutte contre les changement climatiques. Ils sont invités à transmettre ces informations bien à l’avance du Sommet de Paris, au cours du premier trimestre 2015, pour ceux qui sont prêts. Ces informations peuvent contenir une année de référence, des périodes définies, les hypothèses méthodologiques utilisées, une explication sur l’équité de l’effort annoncé… mais tout cela est facultatif. On pourrait aussi se retrouver avec des pays qui annoncent fin 2015 leur intention vague d’« amplifier leurs efforts dans un avenir proche », et personne ne pourrait rien redire. De là à permettre un accord global ambitieux et contraignant à Paris fin 2015, il y a une marche longue et bien incertaine.

Néanmoins, le Sommet de Lima aura permis, avant l’obtention de cet accord a minima, de révéler au grand jour certaines fractures et causes de blocage. Jusqu’au bout, des divisions importantes auront existé entre pays développés et pays en voie de développement. Dans la route vers le premier accord global impliquant tous les pays qui est attendu à Paris fin 2015, les pays en développement souhaitent conserver une approche différenciée : plus d’efforts, notamment en matière de financement, doivent être pris en charge par les pays développés historiquement responsables du changement climatique, estiment-ils. Les pays en développement ont du mal à s’engager eux-même dans l’effort. D’un autre côté, les pays développés rechignent à honorer certains des engagements qu’il ont pris, notamment en matière de financement, et à réellement prendre le problème climatique à bras-le-corps.

Jusque dans les débats à Lima, on aura perçu et parfois entendu les fantômes de la colonisation. La fracture est bien visible quand on reporte sur une carte les positions des pays sur l’avant dernière version du texte, refusée en bloc par les pays en développement, car jugée à la fois trop contraignante à leur endroit, et incomplète en ce qui concerne les engagements des pays développés. Le texte final, après amendements, est moins contraignant pour tous les pays, même si plus complet en terme de principes et de bonnes intentions, en particulier celles les pays développés.

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Faudra-t-il, pour sauver le climat, d’abord apaiser, par un véritable travail de mémoire, de réconciliation et de réparation, les blessures que Jean Ziegler souligne dans son ouvrage « La haine de l’Occident » ? Car s’il est vrai que les responsabilités sont différentes et doivent être assumées comme telles, il est tout aussi vital aujourd’hui de mettre le monde entier, sans exception, en mouvement face à la menace climatique.