Parc Léopold : le pot de sève contre le pot de fer

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« La Démocratie est un bien trop précieux que pour la laisser dans les mains du peuple » [[François Pirette, Extrait du Pirette Show, « le Prof et sa cinquième économique ».]]. Tel était le sujet de dissertation donné aux élèves de cinquième économique dans le spectacle d’un célèbre humoriste belge. Et pourtant en dépit de cette accroche volontairement provocatrice, certaines décisions politiques poussent le citoyen à s’interroger, dans certains cas, sur la réelle volonté des autorités de vouloir associer le citoyen au processus décisionnel et, plus largement, aux choix de société.

En période électorale, les programmes des partis politiques font la part belle aux vertus de la participation citoyenne ou à la volonté d’associer le citoyen au processus décisionnel. Et pourtant, ces dernières années, plusieurs exemples très concrets viennent battre en brèche ces belles déclarations stéréotypées et cousues de fil blanc. Nous parlerons ici d’un exemple très concret, à savoir la consultation populaire autour du Parc Léopold de la capitale wallonne. L’objectif n’est pas de prendre position sur l’opportunité de faire disparaître le parc en vue d’y implanter un complexe commercial mais bien de s’interroger sur les rebondissements intervenus en termes de participation citoyenne.

La consultation populaire en bref

Le mécanisme de la consultation populaire peut être initié par la commune mais aussi par sa population. De manière très résumée, la consultation populaire est instituée par le Code de la Démocratie Locale et de la Décentralisation et permet d’interroger la population sur une question précise à laquelle le citoyen devra répondre par oui ou par non. Lorsqu’elle est initiée par la population, il faudra cependant que la consultation soit soutenue par une frange représentative des habitants avec la nécessité d’atteindre un nombre minimum de signatures dont l’importance variera selon le nombre d’habitants au sein de la commune.. Ces conditions remplies, la commune organise la consultation selon un système similaire à celui d’un scrutin électoral à ceci près que la participation n’est pas obligatoire. Les résultats ne sont dépouillés qu’à la condition qu’une part suffisante de la population y ait participé. L’autorité conserve cependant son entière liberté de suivre ou non les résultats de la consultation.

La consultation populaire autour du parc Léopold

Dans le cas du parc Léopold, le processu a été mise en œuvre par un collectif de citoyens en vue d’interroger la population sur la préservation et la réhabilitation d’un parc arboré voué à disparaitre en raison de l’implantation d’un centre commercial.

Après des mois passés à collecter les signatures en vue de pouvoir organiser la consultation, et une fois le quota de signatures atteint, il appartenait à l’autorité communale de l’organiser. Quelle ne fut pas la stupéfaction du collectif lorsque, d’une manière pour le moins inattendue, l’autorité décida de reprendre la main de manière unilatérale. Conséquence directe : exit la question du collectif purement et simplement remplacée par 3 questions élaborées par la commune. La première volée de questions élaborée a suscité la fronde du collectif dès lors que les questions ne faisaient même pas mention de l’abattage des arbres et se focalisaient sur le projet d’implantation commerciale. Reconnaissant sa maladresse, la commune décide de formuler trois nouvelles questions, l’une d’elles faisant référence à l’abattage des arbres mais sous un libellé toujours critiquable selon certains.

Au final, la consultation populaire se déroulera bel et bien le 8 février prochain. Reste à voir qui du « oui » ou « non » l’emportera.

La gouvernance malmenée

Il va sans dire que l’attitude de l’autorité communale consistant à reprendre la main et l’initiative de la consultation populaire pose de nombreuses questions en termes de gouvernance.

Si elle ne souhaitait pas que la consultation se focalise uniquement sur la question du devenir du parc, pourquoi ne pas avoir été à l’origine de la démarche participative dès le début, quitte le faire en concertation avec le collectif de citoyens dans le cadre de l’élaboration des questions ? L’autorité communale appréhendait-elle les résultats de la consultation populaire ? Pourtant, est-il avéré que la majorité des citoyens votant se seraient opposés à l’abattage des arbres pour y implanter un centre commercial ? Au final, le parc Léopold a créé une situation pour le moins tendue entre partisans et opposants, une polarisation et une stigmatisation des enjeux (protection d’arbres contre développement économique), et ne nous voilons pas la face, un champ de mines dans lequel même le plus valeureux des démineurs hésitera à s’aventurer.
Ne soyons pas dupes, cette décision communale constitue désormais un précédent. Laisser une initiative citoyenne s’investir dans l’accomplissement des formalités administratives assez lourdes pour ensuite décider de reprendre la main interpelle. En effet, grande pourrait être la tentation de reproduire pareil agissement et, au final, de dénaturer complètement l’initiative citoyenne.

Quoi qu’il en soit, le cas du parc Léopold pourra certainement alimenter les réflexions lors de l’Université d’IEWorganisée par la Fédération qui se déroulera ce vendredi 30 janvier au Palais des congrès de Namur sur le thème « Gouvernance et participation en Wallonie ».

A lire également sur ce sujet, la chronique (im)pertinente de La Pastèque.

Canopea