Particules fines : et la santé des Belges, bordel ?!

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Le 6 avril 2011, la Commission européenne annonçait sa décision de poursuivre la Belgique devant la Cour de justice européenne pour non-respect des valeurs limites de qualité de l’air applicables aux particules en suspension, connues sous le petit nom de PM10. Cet événement constituait la troisième et ultime étape d’une longue procédure (ayant commencé par une mise en demeure suivie d’un avis motivé) au cours de laquelle la Belgique n’a pas fait la preuve de sa volonté de remédier au problème. Notre pays avait bien évidemment, suite à la réception de l’avis motivé, demandé un délai supplémentaire. Las ! La Commission a jugé que les conditions dans lesquelles un tel délai pouvait être accordé (et décrites aux articules 22 à 24 et à l’annexe XV de la directive 2008/50/CE) n’étaient pas rencontrées. Petite consolation : en matière de particules fines, l’invincible unité de la Belgique se vérifie : les huit zones pour lesquelles les dépassements de valeurs limites ont motivé la Commission européenne à agir sont réparties dans les trois Régions du pays.

La directive 2008/50/CE impose aux états membres des valeurs limites d’exposition de la population à divers polluants, dont les particules fines PM10. La concentration annuelle est fixée à 40µg/m³ (microgrammes par mètre cube d’air) et la concentration journalière à 50µg/m³. Cette dernière valeur ne doit pas être dépassée plus de 35 fois par an. Sur le premier trimestre 2011, on dénombrait 49 jours de dépassement à Liège et 41 jours à Bruxelles… Afin de bien prendre la mesure de toute la gravité de la situation, il est bon de savoir que l’organisation mondiale de la santé (OMS) préconise des valeurs limites deux fois plus basses que celles imposées par la législation européenne.

Pauvre Belgique ! Mais que faire, donc, pour respecter les normes européennes ?

 un : quantifier les concentrations de polluants et identifier les sources d’émissions (ce qui est correctement réalisé). Industries, transports routiers, agriculture et chauffage des bâtiments sont les sources principales d’émissions. En Région wallonne, les transports routiers sont responsables de 25,8% des émissions de PM10 et 32,4% des PM2,5. C’est également le secteur auquel les pouvoirs publics « s’attaquent » avec le plus de précautions;

 deux : établir des plans d’action à court, moyen et long terme visant à diminuer les dites émissions (ce sur quoi la Belgique ne donne pas satisfaction à la Commission européenne) ;

 last but not least, mettre les dits plans en ½uvre (euh…).

Mais, au fait, que sont ces fameuses PM10, également connues sous le nom de particules fines ou microparticules ? Il s’agit en fait de « grains de matière » (on pourrait dire « poussières » en langage courant) de très petite taille : moins de 10 micromètres (un micromètre – symbole µm – est égal à un millième de millimètre). On distingue également les PM2,5 (moins de 2,5 µm) de même que les particules ultrafines (moins de 0,1 µm ou 100 nanomètres – un nanomètre (nm) égale à un millième de micromètre) et les nanoparticules (moins de 50 nm). Ces particules produisent des effets néfastes sur le système respiratoire, le c½ur, le sang, la circulation sanguine, le cerveau. Et attention : comme pour les Dalton, plus c’est petit, plus c’est méchant. Les nanoparticules pénètrent plus profondément dans l’organisme (et y font plus de ravages) que les ultrafines, qui elles-mêmes pénètrent plus profondément que les fines. Et la législation n’impose, à l’heure actuelle, de limites que sur ces dernières…

Or, les enjeux en termes de santé publique sont énormes ! Le projet Aphekom qui regroupe une soixantaine de scientifiques issus de douze pays européens le prouve à suffisance. Selon le rapport publié début de cette année, pour Bruxelles, passer de 19 µgPM2,5/m³ (microgrammes de PM2,5 par mètre cube d’air), valeur moyenne sur les années 2004 à 2006 à 10 µgPM2,5/m³ (recommandation de l’OMS) permettrait d’augmenter de sept mois l’espérance de vie de la population ! A Bucarest (actuellement 38,2 19 µgPM2,5/m³), le respect des limites OMS permettrait d’augmenter l’espérance de vie de 22 mois.
Mais restons dans la capitale européenne. Parmi les personnes souffrant de maladie coronarienne (population de plus de 65ans), de maladie pulmonaire obstructive chronique (population de plus de 65 ans) et d’asthme (population de 0 à 17 ans), il y en a respectivement 33%, 26% et 18% dont la maladie peut être imputée au fait de vivre à proximité de routes à fort trafic (plus de 10.000 véhicules par jour).

Votre environnement est-il, comme Bruxelles, fortement pollué ? Quelques petits clics sur le site de l’Agence européenne de l’environnement vous permettront de vous en rendre compte, polluant par polluant. Un premier coup d’½il indique de suite à l’observateur non averti que le problème est général. Aussi voit-on fleurir de multiples initiatives visant à le documenter et le combattre au mieux. Ainsi le programme CITEAIR II organise-t-il, ce 24 juin à Rome, une conférence dont l’une des sessions sera dédicacée à la gestion de la mobilité. Par ailleurs, début juin, avait lieu à Bruxelles une première réunion des « parties concernées » (dont le bureau européen de l’environnement, dont IEW est membre) organisée par le commissaire européen à l’environnement. Ceci dans le cadre de la révision de la politique européenne de l’air qui aura lieu en 2012-2013.

Les choses bougent, donc. Mais très lentement. Simple exemple : les normes sont encore établies en masse de particules et non en nombre. Or, si la particule A est 100 fois plus petite que la particule B, 1.000.000 particules A ont la même masse qu’une particule B… et ce sont les plus petites les plus dangereuses… De plus, les progrès réalisés sur les motorisations (meilleure combustion) ont permis de réduire considérablement la masse de particules – mais ont aussi induit une augmentation du nombre de plus petites particules. Ce problème avait été soulevé dès 2000 par l’Organisation mondiale de la santé. Dans un document intitulé « Transport, environnement et santé« , l’OMS estimait que les nouvelles motorisation diesel, étaient plus dommageables à la santé que les plus vieux moteurs.

Que conclure de tout ceci ? Le poids des lobbys est écrasant. Les normes européennes avancent à pas de sénateur. Il est donc indispensable de leur botter le train. Les citoyens peuvent, entre autre, activer deux outils complémentaires pour cela. Un : faire la preuve par l’exemple que les comportements moins polluants sont « vivables » (transport en commun, vélo, marche au lieu de voiture solo). Deux : interpeller les responsables politiques à tout niveau de pouvoir (local, régional, fédéral, européen). Les eurodéputés vous semblent loin ? Détrompez-vous : c’est vous qui les élisez, votre avis les intéresse et ils en ont besoin pour travailler sur ces dossiers. Vous craignez que vos élus locaux ne s’intéressent pas au problème ? Détrompez-vous : leur santé et celle de leurs proches les intéressent autant que vous ! A ce propos, 2012 est année d’élections communales. Pourquoi ne pas (re)lancer une plate-forme locale « Ca passe par ma commune » ? Les enjeux de mobilité douce, sur lesquelles les communes sont compétentes, font partie des thèmes abordés dans le cadre de cette campagne. Une occasion de faire changer les choses !

Extrait de nIEWs 94, (du 9 au 23 juin),

la Lettre d’information de la Fédération.

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