Péage urbain : courage politique de Ken Livingstone

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L’info n’est pas récente, mais mérite d’être à nouveau mise en évidence en cette Semaine de la mobilité, ne fusse que pour signaler qu’à Bruxelles, on en parle beaucoup, de ce péage urbain mais on ne voit rien venir !

Au Royaume-Uni, l’Alliance contre les 4×4 urbains (Alliance Against Urban 4x4s) vient de célébrer une grande victoire : le Maire de Londres, Ken Livingstone, a confirmé ce 12 février qu’une taxe de congestion plus élevée allait être appliqué aux voitures consommant beaucoup de carburant (les « gaz-guzzling cars » en anglais). Cette décision est en parfait accord avec les conclusions d’une étude remise par l’Alliance au Maire de Londres en 2006.

A partir du mois d’octobre 2008, les voitures émettant moins de 120gCO2/km et respectant la norme Euro 4 seront totalement exonérées de la taxe de congestion dont il faut s’acquitter pour pénétrer dans la ville de Londres. Les conducteurs de véhicules émettant de 121 à 225 gCO2/km (80% des véhicules) paieront 8 livres par jour (90% de réduction pour les résidents londoniens) comme précédemment. Par contre, les conducteurs de voitures émettant plus de 225 gCO2/km paieront 25 livres (voir fichier pdf joint).

La taxe de congestion, introduite en février 2003, a déjà engrangé quelques résultats significatifs. Citons-en trois :
Le taux de motorisation a baissé à Londres dès 2004 pour atteindre un niveau proche de celui de 1988 (40% des ménages londoniens ne possèdent pas de voiture) alors que la région métropolitaine autour de Londres voyait le taux de motorisation continuer à augmenter, passant sur 5 ans de 0,36 à 0,41 voiture par personne.
Le nombre de personnes tuées ou gravement blessées dans des accidents de la circulation a baissé de 20% dès la première année d’introduction de la taxe de congestion.
En Grande-Bretagne, 76% des personnes se rendent au travail en voiture contre 10% à Londres.

Le but premier de la taxe de congestion était et reste de diminuer les problèmes de congestion et d’encourager les conducteurs à opérer un transfert modal de la voiture privée vers le transport en commun, la marche et le vélo. Mais la lutte contre les changements climatiques est également une priorité pour le Maire de Londres. Celui-ci a commenté l’introduction de la nouvelle mesure comme suit : « j’ai toute sympathie pour un fermier des collines écossaises qui se sert d’un 4×4 pour ses déplacements. Mais il n’existe absolument aucune justification pour conduire des véhicules à haut degré de pollution dans le centre de Londres ».

Le nouveau système de taxation devrait rapporter 30 à 50 millions de livres supplémentaires par an et couvrir ainsi la majeure partie d’un plan-vélo incluant un système de location inspiré de ceux de Paris et Lyon.

La politique mise en place à Londres doit certes faire grincer des dents. Il n’est pas bon de s’attaquer à la sacro-sainte « liberté » de se déplacer à sa guise, dans le véhicule de son choix, en ignorant les incidences négatives de ses choix. C’est du moins une idée reçue dans le monde politique, qui explique (en partie) que rare sont ceux qui osent, comme Ken Livingstone, prendre des mesures fortes, réputées impopulaires. La vérité est peut-être un peu plus nuancée… En effet, une étude menée en 2005 auprès de 5.400 commerçants londonien révélait que 95 pour cents d’entre eux étaient favorables à un système dans lequel les véhicules les plus polluants seraient soumis à une taxe de congestion plus élevée. Puisse cette petite leçon d’outre-Manche inspirer certains décideurs belges…

Mais pourquoi, diront certains, toujours taper, comme l’Alliance anglaise, sur les 4×4, « véhicules polyvalents qui dégagent un profil dynamique » (selon les termes de la FEBIAC) ? D’une part, comme nous le rappelions dans un article antérieur les SUV (sport utility vehicles) , généralement lourds, puissants, avec une grande résistance au roulement, ont en moyenne des consommations supérieures à celles des voitures ordinaires[Le guide CO2 de la voiture (www.energivores.be/voiture) nous indique que, pour les véhicules essence, un seul 4×4 se retrouve sur le podium, à la deuxième place : la « palme » des émissions revient à la Bugatti Veyron (7993 cc, 594 gCO2/km) suivie du Hummer H2 (5914 cc, 512 gCO2/km) et de la Dodge Viper (8285 cc, 503 gCO2/km). Pour les véhicules diesel, la situation est plus contrastée : trois 4×4 caracolent en tête : VW Touareg (4921 cc, 333 gCO2/km), Nissan Patrol hard top (2953 CC, 313 gCO2/km) et Mercedès Série GL (3997 cc, 307 gCO2/km)]]. Donc un impact plus fort sur le climat. Ils sont également plus dangereux. Un [article du British Medical Journal, daté d’octobre 2005, suggérait que les acheteurs potentiels de ces véhicules soient avertis que le risque de blesser gravement ou tuer des piétons est plus élevé (facteur 2 à 4) que pour les voitures « classiques ». D’autre part, s’il est vrai que ces véhicules ont valeur de symbole et sont utilisés comme tels par les groupes de pression (par exemple : http://www.4x4info.be), ils ne sont pas seuls visés. Mais pour comprendre cela, il faut être disposé à entendre le message des ONG… Et en la matière, beaucoup de chemin reste à parcourir.