RER: pour qui, pour quoi?

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Quelle clientèle pour le RER? C’est la question que soulèvent les développements actuels du dossier. Pour rappel, deux lignes sont concernées, les lignes 124 entre Bruxelles et Nivelles, et 161 entre Bruxelles et Louvain-la Neuve. Les travaux nécessaires à l’installation de nouvelles voies pour assurer une cadence suffisante sont en cours. Mais les changements ne s’arrêteront pas là. D’importantes révisions de plan de secteur entourent deux des points d’arrêt prévus, Braine-Alliance d’un côté, Louvain-la Neuve de l’autre. Des révisions de plan de secteur, pour quoi faire?

L’idée est de créer autour de ces deux arrêts de nouvelles zones urbanisables destinées à les fournir en passagers afin de rentabiliser les lignes; du moins est-ce que qu’on peut lire dans les motifs qu’expose le Gouvernement dans la justification qu’il donne de la mise en révision des plans de secteur concernés.
Sont ainsi prévues de nouvelles zones « bleues » (zones d’équipement communautaire et de services publics), qui pourraient accueillir, côté Braine une école, et côté Louvain-la-Neuve une importante infrastructure sportive ou un hôpital. La fonction hospitalière était la première hypothèse annoncée mais elle est peu crédible dans le contexte socio-économique actuel selon les connaisseurs du secteur hospitalier. Ce n’est pas tout. De chaque côté, une vingtaine d’hectares devraient accueillir un nouveau parc d’activité « mixte », c’est à dire destiné à l’artisanat ou à la petite industrie ; une prescription supplémentaire en bannirait opportunément le commerce de détail et services à la population, ordinairement autorisés dans les zones de ce type, mais grands consommateurs d’espace on le sait. Enfin, de larges zones résidentielles sont créées en zone agricole (il s’agit en fait de zones d’aménagement communal concertées portant une surimpression qui les réserve strictement à l’habitat). Tant à Braine qu’à Louvain-la-Neuve, quarante à cinquante hectares devraient ainsi développer un projet urbain d’ensemble, … notamment par le biais du réseau de voirie, de la composition urbanistique et de la densité, comme l’indique la prescription couvrant ces zones.

Cela, c’est une première. Depuis qu’existent les plans de secteur, jamais encore ils n’avaient été révisés pour créer de nouvelles zones destinées à l’habitation, en dehors de corrections mineures visant à faire « coller » le plan à la situation de fait. Ne risque-t-on pas, en rompant avec cette logique, de susciter des envies que le Gouvernement aura ensuite beaucoup de mal à contenir? En effet, « faire passer son terrain en zone rouge » est le rêve de beaucoup, les plus-values d’urbanisme, restant acquises aux particuliers comme on sait…

Certes, ces nouvelles zones constructibes seront « compensées », comme le veut l’article 46 du CWATUP. En vertu de celui-ci, pour chaque hectare de nouvelle zone urbanisable, un hectare de zone aujourd’hui urbanisable doit être converti en zone agricole, forestière ou d’espaces verts; ou, à défaut, une compensation alternative doit être prévue. Mais les compensations actuellement retenues posent un certain nombre de questions. Côté Louvain-la-Neuve par exemple, ce sont certains des espaces verts de la ville qui sont ainsi soustraits à la zone rouge dans laquelle leur présence est pourtant parfaitement normale. Sont concernés notamment les talus du Boulevard du Sud, dont chacun sait qu’ils sont radicalement impropres à accueillir un quelconque bâtiment… Si de telles logiques devaient s’étendre, tous les parcs urbains et les bords de route pourraient justifier l’extension du bâti: on est loin de l’équilibre des fonctions voulu à l’origine de cette disposition!

La localisation de certaines de ces nouvelles zones pose elle aussi question. Vu les surfaces qu’il est question d’inscrire, elles ont été implantées aussi judicieusement que possible. Elles n’en débordent pas moins des limites physiques qu’on aurait aimé voir respecter: l’autoroute Bruxelles-Luxembourg à Louvain-la-Neuve, la roue de Piraumont à Braine-l’alleud. D’un côté comme de l’autre, s’amorce ainsi l’envahissement par le bâti de plages agricoles aujourd’hui cohérentes. Les études d’incidences le soulignent, notamment pour Louvain-la-Neuve où la nouvelle zone d’habitat prendrait place au nord du hameau de Vieusart; l’étude propose d’ailleurs une alternative, entre l’autoroute et la Nationale 4. Avec quelle chance d’être entendue, lorsqu’on sait que la zone actuellement prévue appartient à l’UCL qui bénéficierait ainsi de la plus-value d’urbanisme, une plus-value qui lui échapperait si l’alternative était retenue?

Mais, au-delà des spécificités des deux dossiers, c’est leur logique commune qui pose question. Faut-il vraiment créer de l’habitat à proximité des arrêts RER pour qu’ils soient fréquentés? Ce qu’on attendait du RER, c’est d’abord le transfert modal: qu’il attire une part significative des milliers d’automobilistes, autosolistes le plus souvent, qui chaque jour encombrent les entrées de Bruxelles aux heures de pointe. A cette fin, du parcage doit être créé à proximité des gares existantes, et surtout celles-ci devraient devenir des lieux attractifs, offrant aux passagers des espaces publics agréables et sûrs, des commerces « quotidiens » (librairies, alimentaire…) à développer en mixité avec du logement. Des plans communaux d’aménagement étaient prévus à cet effet, sur les abords des gares de Braine-l’Alleud, Nivelles et Ottignies. On les attend toujours…

En créant de nouvelles zones, on attirera plutôt de nouveaux habitants en Brabant wallon. Venus d’où? De Bruxelles? C’est évidemment la première hypothèse qu’on peut faire…
Etait-ce cela que nous voulions?

Canopea