Social-démocrate-libéral-réformiste écolo compatible

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Si l’Histoire ne doit retenir qu’une seule chose du passage de François Hollande à la présidence de la république française, espérons que ce ne sera pas le dégommage de la « Première Dame » de l’organigramme officieux de l’Etat mais bien sa contribution essentielle à la clarification du paysage idéologique de l’époque. En effet, alors qu’analystes et commentateurs se perdaient en conjectures sur la capacité/volonté du président d’assumer sa transhumance des terres desséchées du socialisme vers les prés tendres de la sociale démocratie voire l’herbe grasse de la libérale démocratie, l’homme a fait table rase de ces positionnements renvoyés au passé, considérant de facto que tout ça, c’est du pareil au même, kif-kif bourricot et qu’importe la doctrine pourvu qu’on aie la croissance. Au diable, donc, le socialisme et le libéralisme, les centristes de droite et les radicaux de gauche, la gauche caviar et la droite populaire, les Verts pâles et les Roses vifs : l’économie ne peut suivre qu’un seul chemin, social-démocrate-libéral-réformiste et idéalement écolo compatible, pas que ce soit fondamental mais ça fait toujours bien.
Rien de vraiment neuf, certes, mais cela a au moins le mérite de lever les équivoques.

Constatons tout d’abord qu’on ne pouvait trouver mieux que Magic Hollande pour gommer les spécificités, aplanir les divergences voire concilier l’inconciliable. La « synthèse », c’est son truc, sa marque de fabrique, ce qui fit sa réputation et son succès à la tête du PS hexagonal où, pendant onze années, il excella à faire cohabiter courants contraires, motions antagonistes, fédérations rivales et égos concurrents. Il n’y a pas de doute, cela vous définit un caractère. Pas étonnant dès lors que ce soit lui qui procède à la mise en bière du clivage historique entre une gauche sociale et une droite économiciste désormais unies au service de la compétitivité. « Groupons-nous et, demain, l’ultra-libéral sera le genre humain… »

Car Président François l’a décrété dans sa conférence de presse « historique »[[Conférence de presse du mardi 14 janvier 2014]] : « Il faut réduire les charges et lever les contraintes sur les entreprises. » Et d’appeler à un « Pacte de responsabilité » avec le patronat invité, en échange d’un « geste » à cinquante milliards d’euros financés par une réduction équivalente des dépenses publiques, à « créer de l’emploi ».

Qui suis-je pour juger… ? Ni un énarque, ni un expert en quoi que ce soit. Le simple bon sens m’autorise toutefois à considérer, d’une part, que pareil discours émanant de Sakorzy ou de ses aficionados politiques aurait déclenché les cris d’orfraie d’une opposition misant encore sur son étiquette socialiste et, d’autre part, que ce couple mixte public-privé recèle dans ses gênes un cocu pathétique. D’ailleurs, la bonne parole présidentielle à peine prononcée, les membres du MEDEF (Mouvement des entreprises de France) appelés à la commenter ne manquèrent de pondérer leur enthousiasme – « Enfin, les socialistes entendent la voix de la raison ! » – en s’offusquant de l’évocation d’un « Observatoire des contreparties » en charge de vérifier que les largesses consenties par l’Etat ne restent pas sans retombées positives sur l’emploi. Et les même de dénoncer – il faut oser vu les discours tenus par ailleurs ! – « la vision étatique consistant à croire qu’il suffit de baisser les charges pour obtenir automatiquement des créations d’emplois en retour ». Autant de sorties laissant la très désagréable impression que le cocufiage avait eu lieu avant même la nuit de noce et que, pour reprendre l’expression d’un chroniqueur de « Libération », c’était « Toujours « donne-moi ta montre, je te donnerai l’heure », toujours « ce qui est à toi est à moi, ce qui est à moi ne te regarde pas »… »[[Pierre Marcelle, « Hollande, social traître, tout simplement… » in « Libération » du 23 janvier 2014]]

On pourra m’objecter le procès d’intention ou la présomption d’innocence mais l’expérience incite plus à la lucidité perplexe qu’à la naïveté enthousiaste. Voyez ce qu’il en fut de la baisse de la TVA dans la restauration. Pendant des années, les restaurateurs français réclamèrent à corps et à cris une réduction du taux appliqué à leur secteur arguant que cela boosterait l’activité et leur permettrait de « créer des centaines de milliers d’emplois ». Le 1er juillet 2009, ils virent leur revendication exaucée : le taux passa de 19,6% à 5,5%. Impact sur l’emploi ? Néant. Et les consommateurs ne bénéficièrent pas plus de la mesure, la majorité des établissements ne répercutant pas cette baisse sur leur carte.

Plus globalement, il apparaît difficile de considérer que les politiques de réduction des charges et diminution des contraintes sur les entreprises menées un peu partout depuis des décennies se soient soldées par des résultats positifs en terme de créations d’emploi. Mais on me rétorquera sans doute qu’elles ont permis de ne pas en perdre davantage en évitant des faillites et/ou des délocalisations. Ce qui revient in fine à confirmer l’échec de cette politique économique pourtant devenue (quasi-)unique : seule l’intervention de l’Etat permet d’en atténuer les dommages. Pourtant, plutôt que d’entériner l’échec du remède et essayer autre chose, on en augmente sans cesse la dose. En niant qui plus est les effets secondaires. Car si, pas plus que la réduction des charges, la diminution des contraintes ne crée de l’emploi, elle affaiblit par contre les politiques tantôt sociales, tantôt environnementales qui ont présidé à la mise en place desdites contraintes. Rappelons à cet égard la saillie du ministre français du Redressement productif, le vibrionnant Arnaud Montebourg : « Nous sommes en discussion pour démanteler un certain nombre de ces règles, les normes environnementales, qui empoisonnent la vie sur le terrain de tous ceux qui essaient de travailler et de vivre au pays, comme on dit ».[[« La Matinale » de France-Inter, 13 novembre 2013]] Une autre illustration de cette régression est fournie par les objectifs a minima du projet de « paquet énergie – climat 2030 » présenté il y a quelques jours par la Commission européenne et dont le manque d’ambition coupable au regard de l’enjeu climatique fut « justifié » par la nécessité d’être « réaliste » en terme de contraintes imposées aux entreprises.

L’adhésion/soumission quasi-unanime des forces politiques à un système économique dont l’impasse s’affirme chaque jour davantage a quelque chose de surréaliste mais aussi d’inquiétant.

Surréaliste car on échoue à comprendre comment des décideurs politiques peuvent s’enfermer dans un déni des évidences parfois proche de la schizophrénie. Surréaliste d’entendre le ministre grec des finances se réjouir d’une « année 2013 meilleure qu’escomptée » et d’un « processus sur la bonne voie » alors que les ONG actives dans le pays alertent sur une société en totale déliquescence où on fait la file aux soupes populaires, où l’accès aux soins de santé est devenu un luxe impayable, où les enfants s’endorment sur les bancs de l’école pour cause d’inanition. Surréaliste de voir le Forum de Davos, temple voué au culte du modèle économique triomphant à travers le monde, celui-là même qui crée et distribue la richesse, acter benoîtement dans son rapport annuel que « le fossé persistant entre les revenus des citoyens les plus riches et ceux des pays les plus pauvres est considéré comme le risque susceptible de provoquer les dégâts les plus graves dans le monde au cours de la prochaine décennie ». Hé, les gars, le fossé, qui est-ce qui le creuse ???

Surréaliste, cet unanimisme aveugle, mais aussi inquiétant en raison de la perte des repères qu’il induit.

Il y avait déjà ceux votant pour Monsieur Chose « parce qu’il est tellement sympathique » ou pour le Parti Machin parce « qu’on a toujours été rouges/bleus/oranges/verts* dans la famille ». Si les « étiquettes » ne signifient plus rien, les discours n’ont plus d’autre valeur que marketing (il est éloquent de constater que le parti francophone belge ayant choisi de s’afficher comme « radical » est… centriste !), les alternatives semblent impossibles, on risque d’avoir également demain des citoyens désarçonnés qui se désintéresseront de la chose politique ou combattront leur désarroi en se réfugiant dans des extrêmes désormais seuls à assumer leur différence et leur volonté de rupture.

* biffez les mentions inutiles

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