Table-ronde « Santé, Environnement, Précarité »: synthèse

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La santé des habitants peut-être affectée par différents éléments relatifs à leur mode de vie dont ceux liés à l’état de salubrité de leurs habitations et les pollutions intérieures. Par ailleurs, il apparaît que les personnes vivant dans des conditions précaires habitent souvent dans un environnement de mauvaise qualité (proximité d’industries, de sites pollués, d’infrastructures de transport entraînant du bruit, des pollutions de l’air, du sol…).

Notre Fédération a souhaité poursuivre son travail exploratoire suite à l’étude qu’elle a réalisé courant 2006 sur les inégalités écologiques en Wallonie (en particulier en terme de nuisances sonores). Les résultats de cette étude[Lejeune M., Thibaut A. Inégalités écologiques en Wallonie. Nuisances sonores et inégalités sociales. IEW (mars 2007)]] ont été présentés dans la [n-iew-s 25. Les résultats étaient sans appel : il existe bel et bien des inégalités écologiques dans notre région et, sans surprise, ce sont bien les populations urbaines (et précarisées) qui de façon générale sont plus exposées aux nuisances sonores que les populations rurales. De plus, cette étude montre que les nuisances sonores se cumulent souvent avec d’autres nuisances environnementales. Le bruit, comme d’autres facteurs environnementaux ont des impacts sur la santé et la qualité de vie des habitants.
Nous avons organisé en juin 2007 une Table-ronde réunissant différents acteurs de la santé, de la protection de l’environnement et de la solidarité avec les personnes précarisées et les plus pauvres. Les participants ont été amenés à découvrir la représentation que chaque secteur se faisait de : « l’environnement », « la santé » « la précarité » et d’analyser les liens existants entre ces trois pôles. Et force est de constater que les perceptions étaient vraiment différentes au sein des organisations présentes.

L’environnement

Il est d’abord considéré comme « ce qu’on nous demande de protéger par des comportements responsables : en n’abandonnant pas ses déchets, en les triant, en économisant l’eau et l’énergie… ». Il est aussi définit comme étant « ce qui est vert », la nature, un lieu où certains retrouvent un goût / un lien à la vie. Les résidents permanents des zones de camping ayant fui le milieu urbain le vivent très clairement. Du point de vue de la santé en milieu populaire, on parle de santé physique, de santé psychique et de santé environnementale ou santé « relationnelle » (en lien avec son environnement). L’environnement se définit ici comme le quartier et l’identité socio-géographique qui s’y développe. Car même si au départ l’environnement n’a pas été choisi pour sa qualité (ce sont plus des raisons professionnelles ou familiales historiques) la population y reste attachée et vit un sentiment d’appartenance. Enfin, dans une perspective plus large, l’environnement est également perçu comme faisant un tout avec l’humain. L’être humain est acteur, bénéficiaire, victime et partie intégrante de l’environnement (perçu ici comme un grand écosystème). Le fait de parler de qualité de l‘environnement est donc perçu par certains comme son assimilation dans une logique marchande. Il devient un bien qui, de part sa rareté, sa « richesse », devient monnayable et donc accessible seulement à certains.

La précarité

Le sujet est très sensible et fort complexe ; en effet il touche des personnes fragilisées. Précarité, milieux populaire, grande pauvreté : certains travaillent plus avec les uns, d‘autres avec les autres… Il nous semble que la définition reprise sur le site de Lutte solidarité Travail (L.S.T) permet d’approcher la problématique telle qu’elle a été abordée lors de notre Table ronde du 22 juin : « la précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités – notamment l’emploi ou la possibilité d’exercer des activités – permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de leurs droits fondamentaux, de pouvoir les exercer . L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue, avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante et compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible ».

santé/environnement/précarité et logement: les liens?

Le lien mis en évidence dans l’étude réalisée par IEW (santé/environnement/précarité et logement) est théoriquement évident pour tous même si chacun y met un contenu différent et une priorité d’attachement différente. Par contre, sur le terrain ce lien est très rarement fait car dans les milieux précarisés et populaires, généralement il est d’abord question de survie. Au niveau médical, le facteur environnemental n’est recherché qu’en dernier recours, en cas de maladie grave pour trouver une cause au malheur qui afflige le patient et ses proches.
Par contre, la « cause » environnementale ou de santé-environnementale est souvent perçue par les secteurs précarisés comme un argument utilisé pour les marginaliser et les précariser encore davantage. Elle est considérée comme le prétexte qui -en définitive- ne pénalise que le plus pauvre. Par exemple, pour cause de santé environnementale (risque d’inondations, risques de pollution par des sols chargés en métaux lourds) on expulse des résidents permanents installés en bord de rivière ayant trouvé là leur dernier refuge… Ou on empêche des métiers séculaires artisanaux de se poursuivre au profit d’entreprises ayant les moyens de s’adapter aux normes environnementales (p.ex recyclage, réparation). Des familles sont éclatées et des parents se voient retirer leurs enfants du fait qu’ils habitent dans des constructions « non conformes »…
La conviction issue des discussions définit ce lien comme un triangle avec trois pôles : santé / environnement / logement où en son centre se trouve le niveau de richesse (la précarité). Eclairer et se focaliser sur un pôle peut en déstabiliser un autre et pénaliser les populations les plus précaires.
Enfin, c’est la notion de rythme qui a dominé lors des conclusions de cette matinée : pour établir, conforter et développer ces liens, il faut prendre en compte les rythmes d’approches, d’appropriations, de développement très différents suivant les groupes concernés.
Par exemple: la logique environnementale actuelle de développer des normes, des obligations, des modèles de bonnes conduites, par le rythme qu’elle induit, exclut toute une population déjà en marge de la dynamique socio-économique générale de notre système sociétal.

Un portail collaboratif « santé/environnement »

Mais des urgences environnementales (et de santé publique) existent. Il faut y faire face et se donner les moyens de les contrer : sans exclure aucune tranche de la population ; d’ici et d’ailleurs. Ce n’est pas de l’assistanat mais du développement durable dont le monde a besoin.
Cette réflexion se poursuivra sur le nouveau portail collaboratif « Santé-environnement » d’Inter environnement Wallonie qui sera très prochainement en ligne !

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