Tarmac électoral

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A l’heure où les chantiers se multiplient sur nos routes, dans nos villes et villages, nous avons interviewé un conducteur de chantier d’une entreprise spécialisée dans ce type de travaux. Petit aperçu d’un secteur vu de l’intérieur.

On constate beaucoup de chantiers sur les routes actuellement. Y a-t-il un lien avec l’approche des élections comme on l’entend parfois ?

Il faut distinguer deux types de chantiers. Ceux qui sont cofinancés par la Région et les communes, ainsi que par des organismes tels que l’AIDE ou la SPGE. Ces chantiers importants sont planifiés de longue date et n’ont pas de rapport particulier avec le calendrier électoral.
Pour les chantiers financés sur fonds propres par les communes, la situation est différente. Quand on approche des élections, nous voyons la différence. A quelques mois de celles-ci, on constate qu’un certain nombre de communes nous appellent pour refaire le tapis (revêtement de surface) d’une série de routes. Chez nous, on appelle parfois cela le « tarmac électoral ».

Mais de toutes façons, il est utile de réparer les routes, non ?

Oui, mais quand on refait juste le tapis d’une route, c’est un entretien superficiel qui tiendra peut-être une dizaine d’années. C’est beaucoup moins longtemps qu’un entretien en profondeur, où on peut aussi refaire le coffre de route, les filets d’eau, etc. Évidemment les coûts sont tout à fait différents. Donc c’est en fonction de l’état de la route qu’il faut choisir entre un entretien de surface ou un entretien en profondeur.
Parfois aussi, un entretien plus rapide permettrait de faire des économies. Par exemple, un simple avaloir bouché peut causer d’importants dégâts si on laisse l’eau s’écouler sur la route. Autre exemple, une petite fissure non colmatée dans laquelle l’eau s’infiltre, gèle puis dégèle, risque fort de faire éclater la couche d’usure et de s’agrandir en nid-de-poule.

Les moyens disponibles pour l’entretien sont-ils suffisants ?

Il n’y a jamais assez de moyens ! (rires) On peut toujours investir plus dans les routes[Pour une analyse du coût extrêmement important que représente l’entretient du réseau routier wallon, voir notre article «[La dette de la route »]]. Maintenant les budgets sont limités : ce qu’on investit dans les routes, on ne le fait pas dans les écoles, dans la sécurité sociale ou dans d’autres domaines. Donc à un moment donné, il faut faire un choix, et ça c’est le rôle des politiques.

Remarquez-vous une plus grande prise en compte de la mobilité douce (piétons, cyclistes) de la part des pouvoirs publics dans les aménagements demandés ?

Il y a une dizaine d’années, on voyait de larges routes, où on pouvait « rouler »… Maintenant, on fait marche arrière : on rétrécit au maximum les voiries pour pouvoir créer des trottoirs, des pistes cyclables. Le piéton est plus mis en avant, surtout dans les chantiers subsidiés [par la Région]. Sur des voiries où les gens étaient obligés de marcher sur la route, on réalise des accotements ou des trottoirs, des ralentisseurs. Il y a donc un gros changement pour les piétons depuis une dizaine d’années. Pour les cyclistes, on le sens moins par contre.

Et au niveau des transports en commun ?

Nous on est en milieu rural, donc on s’occupe peu des bus, si ce n’est l’aménagement des arrêts, qui devient mieux pensé pour les personnes à mobilité réduite et pour les piétons.

Votre secteur est encore promis à un bel avenir, non ?

Oui, pour autant qu’il y ait des moyens au niveau des pouvoirs publics… ! Cela dit, on a aussi des contrats pour les lotissements qui fleurissent un peu partout. Dans ce cas, c’est le promoteur privé qui paie pour les voiries et les impétrants. Ensuite, la commune peut reprendre la propriété de ces voiries et leur entretien passe donc à sa charge.
Mais de manière générale, j’aime mon métier car c’est un secteur en constante évolution : la législation et les règles urbanistiques changent, car on se rend compte des erreurs qu’on a faites.