Tourisme durable : manque d’ambition et de cohérence

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2017 était consacrée « Année du tourisme durable » sur le plan international. En Wallonie, divers acteurs privés et certaines instances publiques se sont intéressés à la thématique mais le gouvernement est passé à côté de l’opportunité d’en faire un thème porteur et fédérateur qui aurait pu se traduire dans une programmation budgétaire concrète et cohérente pour l’année 2018.

Le budget prévu pour les aéroports, annoncé par le Ministre du Climat, Jean-Luc Crucke, dans le cadre de sa note d’orientation ministérielle 2018, sera près de 10 fois plus élevé que celui accordé à la politique cyclable en Wallonie, alors que plusieurs études démontrent le potentiel économique que représente le tourisme à vélo et le fait que le secteur du transport représente actuellement près de 80% des émissions de CO2 du tourisme. Cela tient-il du surréalisme ou de la schizophrénie ?

Et ces investissements serviront, entre autres choses, à des aménagements à l’aéroport de Charleroi, dès mi-2018, pour que les avions longs courriers puissent venir étoffer une offre déjà bien développée. Pourtant les principaux marchés touristiques de la Wallonie, les Belges, Hollandais et Français, ne viennent généralement pas chez nous en avion. L’idée est-elle de leur donner les moyens d’aller consommer ailleurs pendant leurs vacances ou leurs longs week-ends ?

La Résolution Climat adoptée au Parlement wallon fin 2017 est une étape dont on peut réellement se réjouir. Pourtant, les mesures qui y figurent pour réduire le développement du secteur aérien y sont peu nombreuses (point 5.20 relatif à l’encouragement du renouvellement de la flotte aérienne et point 5.17 visant implicitement le transport aérien comme mode de transport à éviter au maximum, avec le transport par camions, dans le cadre du transport de marchandises). Le texte fait mention d’un outil à développer et mettre à disposition via une application informatique – smartphone, par exemple – pour que chaque particulier puisse évaluer son empreinte carbone. Par souci de cohérence, il conviendra de s’assurer que le calcul tienne compte de l’empreinte des voyages réalisés notamment en avion.

Limiter le développement de l’aérien et renforcer l’attractivité de la destination Wallonie via des produits plus durables devrait avoir du sens non seulement au niveau environnemental mais aussi sur le plan économique.

Donc, quid d’une offre touristique durable, conséquente, accessible, cohérente et bien promue ?

Plusieurs projets mentionnés par le Ministre du Tourisme, René Collin, dans le cadre de sa note d’orientation ministérielle s’inscrivent clairement dans cette perspective. Ils concernent essentiellement les questions relatives à l’accessibilité :

  • le projet « NATUR’ACCESSIBLE », qui prévoit le développement et l’aménagement d’un circuit accessible aux personnes en situation de handicap et/ou à mobilité réduite dans les 10 Parcs naturels de Wallonie – différents types d’handicaps seront ciblés à travers ce projet ;
  • l’appel à projets, lancé en septembre 2017, « Osez le Tourisme », visant à encourager les partenaires touristiques wallons afin qu’ils développent des collaborations avec les structures d’accompagnement social ou de lutte contre l’exclusion ;
  • la poursuite du projet « Osez la détente », qui consiste en la publication d’une brochure recensant l’ensemble de l’offre des attractions naturelles, récréatives et culturelles proposant des tarifs démocratiques pour l’ensemble de la population ainsi que celles proposant des réductions.

Par contre, une mention explicite de la durabilité sur les plans environnemental et social est absente d’autres grandes annonces, comme par exemple :

  • celle qui concerne la mobilisation d’une enveloppe de financement alternatif pour soutenir des grands projets et des investissements touristiques structurants dans le cadre du champ d’intervention du CRAC (Centre Régional d’Aide aux Communes). Dans quelle mesure ces projets seront-ils exemplaires sur le plan de la durabilité (notamment au niveau de leur bâti et de leur localisation/accessibilité) ? En quoi ces projets prendront-il en considération les intérêts des communautés locales et viendront-ils alimenter une offre touristique plus durable et de proximité ?
  • celle qui en réfère à l’accent mis sur l’offre touristique « insolite » en Wallonie, en lien avec la compétence du Patrimoine, et via la création d’une série d’outils et d’évènements. Comment cette initiative va-t-elle renforcer effectivement la préservation du patrimoine, y compris le patrimoine naturel, le développement d’un tourisme de proximité qui se pratique via des modes de transport moins polluants et des hébergements plus durables ? L’expérience montre qu’introduire la durabilité dans les produits touristiques développés dans le cadre des années à thèmes demande que cela fasse l’objet d’une politique consciente, assumée et pérennisée.

Alors que la Wallonie dispose d’un patrimoine naturel remarquable par rapport à des régions limitrophes, qu’il y a une demande pour des produits touristiques plus durables – et notamment le tourisme à vélo – mais que ces produits doivent être cohérents et pouvoir être identifiés plus clairement, que près de 40% des Wallons n’ont pas les moyens de partir une semaine en vacances chaque année, que le réseau ferroviaire qui pourrait très utilement être utilisé à des fins touristiques est en train de s’étioler, qu’un voyage en avion à lui seul peut miner tous les efforts réalisés par un individu sur une année pour réduire son empreinte écologique, etc, il semble que la politique du gouvernement wallon en matière de tourisme durable devrait être clairement renforcée et mériterait des investissements plus importants.