Une couche de vert ne suffira pas…

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Depuis que la crise financière a mis le système économique mondial le nez dans son caca, politiques, économistes et médias nous vendent du vert dans tous ses dégradés. C’est dit, répété et asséné avec la conviction d’un bénédicité : l’avenir sera vert ou ne sera pas ! La révolution a changé de couleur. Fini le rouge des combats d’antan. Désormais, la victoire se conquiert à coups de Ripolin Pantone 369. Une petite coloration et le problème devient solution : fiscalité verte, emplois verts, voitures vertes, chimie verte (sisi !), maisons vertes, économie verte… Green is beautifull et sauvera la Planète, ses habitants et ses entreprises.

L’unanimité et la conviction sont telles qu’il devient difficile de porter un regard critique sans paraître peine à jouir. Et c’est d’autant plus vrai qu’après avoir tiré vainement la sonnette d’alarme environnementale pendant des décennies, on devrait être à la fois soulagé et ravi de cette marée verte déferlant sur les esprits. Pourtant, le discours ambiant aux relents de chlorophylle recèle trop de simplisme(s) pour être avalisé tout cru.

Certes, il est primordial, capital et vital de repenser nos modes de production et de consommation au regard de leurs atteintes à notre environnement. Mais cette remise en cause ne pourra se limiter à repeindre les murs d’un système dont les fondations sont minées. Nous ne pouvons nous passer d’une remise en cause totale, d’une analyse en profondeur de notre rapport au monde et aux choses. Le risque est grand de voir les efforts porter sur la seule réduction des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre les changements climatiques en ignorant ou occultant d’autres enjeux majeurs[[Des voitures n’émettant plus le moindre gramme de CO2 resteront un problème de mobilité si elles sont trop nombreuses et continueront à être gourmande en énergie grise ; une maison passive construite au milieu de nulle part ne vaudra jamais mieux qu’un appartement à isolation moyenne situé en cœur de ville… Et la bétonisation des littoraux, l’industrialisation de l’agriculture ou le pillage des richesses naturelles du Sud, etc. sont des problématiques au-delà de l’urgence climatique.]].

Croire qu’il suffira de produire « propre » sans rien changer d’autre dans notre système économique serait la pire des erreurs car ce serait faire fi de la finitude du monde dans lequel nous évoluons et des ressources que nous y prélevons. Par-delà le « comment » produire et consommer, il y a aussi et surtout le « combien », à quelles fins, pour subvenir à quels besoins, dans le soucis de tous ou la préservation du statut de certains ? Or, on peine à déceler cette (r)évolution philosophique dans les approches plus ou moins absconses qui fleurissent ici et là. Entre « green deal » et « new sustainable deal », on ne sait trop quels sont les termes du marché que l’on nous propose pour sauver l’avenir. Quant à la « société en transition » et au « nouveau paradigme », ils relèvent d’une novlangue dont on peine à saisir le sens (la transition importe moins que la destination finale… qui reste mystérieuse et le dictionnaire laisse perplexe sur ce paradigme[[Définition de « paradigme » dans Le Petit Robert : 1. GRAMM. Mot-type qui est donné comme modèle pour une déclinaison, une conjugaison 2.LING. Ensemble de points substituables situés en un même point de la chaîne parlée.]] que l’on veut nouveau).

Avant de nous réjouir que le vert soit mis (à toutes les sauces), assurons-nous donc qu’il nous ouvre réellement la voie d’un futur acceptable, d’une société en rupture avec les tares l’ayant conduite dans une impasse dont le mur se rapproche dangereusement. Sans cela, nous continuerons à aller droit dedans…

Billet d’humeur publié dans la dernière livraison de nIEWs, la newletter de la Fédération.

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