Urgence climatique, une urgence politique ?

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Le 13 avril dernier le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publiait le troisième volet de son 5e rapport d’évaluation qui dresse l’état des lieux des connaissances scientifiques sur le réchauffement du climat. Quelles sont les principales conclusions du GIEC ? Celles-ci sont-elles intégrées par les différents politiques dans leur programme? Les mesures proposées sont-elles adéquates ? Voici quelques éléments de réponses.

Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler les principales conclusions à tirer de cinquième rapport d’évaluation du GIEC [Les rapports complets ainsi que leur « résumé pour les décideurs » sont disponibles sur le [site du GIEC. Un « résumé du résumé » en français a été réalisé par le SPF Environnement avec Belspo et se trouve sur le site www.climat.be]]

 Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s’est élevé et les concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté.

 Il est extrêmement probable (probabilité supérieure à 95%) que l’influence de l’homme est la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle.

 Les effets du changement climatique se font déjà sentir sur tous les continents et à travers les océans. Ils affectent l’agriculture, la santé humaine, les écosystèmes, l’approvisionnement en eau, et les moyens de subsistance de certaines populations.

 L’Europe n’est pas épargnée. Les principaux risques identifiés concernent : les événements climatiques extrêmes (inondations, canicules, sécheresses), les restrictions en eau, ainsi que des extinctions locales d’espèces, la disparition de certains habitats naturels et l’introduction et l’expansion d’espèces invasives.

 Il ne sera pas possible de s’adapter à tout. L’atténuation des émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines décennies peut réduire considérablement les risques des changements climatiques dans la seconde moitié du 21ème siècle, et réduire l’ampleur et le coût des mesures d’adaptation requises.

 Les scénarios susceptibles (probabilité supérieure à 66%) de maintenir le réchauffement mondial sous la barre des 2°C impliquent des réductions des émissions anthropiques de gaz à effet de serre de 40 à 70% en 2050 par rapport à 2010 et un niveau proche de zéro en 2100. Ces scénarios nécessitent des changements à grande échelle dans les systèmes énergétiques et potentiellement dans l’utilisation des terres.

 Pour une telle transition, les options technologiques existent.

 Mais les efforts de réduction actuels sont largement insuffisants : la croissance des émissions de GES s’est accélérée la dernière décennie, et ce malgré la crise économique.

 Si la tendance actuelle se poursuit, l’augmentation de la température atteindra 3,7°à 4,8° d’ici la fin du siècle.

Bref, l’heure est grave, décisive même. Il est encore temps d’éviter un réchauffement dangereux du climat. Les changements à opérer sont profonds et doivent être initiés rapidement. Le défi à relever est donc colossal…

Analysons maintenant les réponses des partis politiques à la question que nous leur avons proposée :

Votre parti fait-il de la lutte contre les changements climatiques un enjeu central ?

En très résumé :

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En détail (indispensable pour comprendre le résumé ci-dessus!

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Citations du programme qui répondent à la question

Le cdH propose de (…) développer une « Stratégie de développement bas carbone » belge pour gérer la transition vers une économie faible en carbone et des réductions de CO2 de 80% à 95% en 2050 et améliorer la gouvernance de la politique climatique en Belgique ; agir en faveur d’une réduction de 30% en matière de réduction du CO2 à l’horizon 2020 au niveau européen et continuer de plaider pour une limitation à 2°C du réchauffement climatique ; définir une stratégie internationale juridiquement contraignante lors du Sommet de Paris en 2015 ; définir la trajectoire pour la contribution belge au financement de la politique climatique pour les pays en voie de développement (…) sans attendre le Sommet de Paris sur le climat et l’accord qui devrait en résulter.  

Voilà pourquoi nous proposons de mettre en œuvre au niveau local, régional, national et européen des « agendas 1234 », c’est-à-dire des plans d’action pluriannuels, comprenant des mesures dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la mobilité, de la santé, de l’habitat ou encore de l’agriculture, pour s’adapter à une hausse des températures de 1, 2, 3 ou 4°C.

Dans le cadre du Paquet Energie/climat à l’horizon 2030, doter l’Union européenne d’objectifs à atteindre (…). Il faut réduire d’au moins 50% nos émissions de GES, introduire une part de renouvelables de 35% dans notre mix énergétique et viser une baisse de notre consommation d’énergie de 40%.

Commentaire d’IEW

La lutte contre le changement climatique ne fait pas partie des 100 propositions phares du CDH même si le parti y consacre trois propositions spécifiques. Le CDH reconnaît la gravité de l’enjeu climatique, formule un certain nombre d’objectifs ambitieux en matière de limitation des émissions et mentionne explicitement la nécessité d’adaptation. Le CDH reste cependant plus au niveau des principes que des mesures concrètes et l’enjeu climatique est très peu décliné de façon transversale dans les autres thématiques.

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Citations du programme qui répondent à la question

La régression des ressources biologiques et leur exploitation intensive constituent, avec les changements climatiques, une des plus graves menaces actuelles pour l’humanité.
Il est donc clair aujourd’hui que le choix ne peut être l’inaction ni l’ajournement, et que le réchauffement climatique est tant un problème environnemental qu’économique et social. 
(…) l’objectif européen doit être de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 60 % en 2030 et de 90 % à l’horizon 2050
objectifs et trajectoires contraignants pour 2030 : -60 % GES; 45% Eff. Énergétique, 45% d’énergie renouvelables
La Belgique doit ainsi jouer un rôle moteur dans les négociations internationales, telle que la Conférence des Parties sur le climat COP 20 en 2015, en visant à limiter le réchauffement climatique à + 2°c par rapport à la période préindustrielle et à prévoir les conséquences du réchauffement climatique sur les populations.
 
Commentaire d’IEW

La question climatique figure comme une priorité dans le programme d’Ecolo. Cet enjeu est décliné à travers l’ensemble des autres politiques (économie, fiscalité, énergie, recherche, mobilité,…). Ecolo propose des objectifs très ambitieux : 100% des logements isolés, -60% de GES en 2030… et pas mal de mesures concrètes sur les différents niveaux de pouvoir (UE > Fédéral > régional). Le terme « changement climatique » (ou assimilé) apparaît plus d’une centaine de fois à travers tout le programme.

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Citations du programme qui répondent à la question

Le Conseil européen du 17 juin 2010 a adopté la Stratégie Europe 2020 a défini en matière de climat et d’énergie. Ce sont les objectifs dits « 20/20/20 ».

Commentaire d’IEW

L’enjeu climatique ne figure pas parmi les axes majeurs du programme du FDF. Le mot « climat » apparaît seulement deux fois dans tout le programme régional, et le programme fédéral ne fait aucune mention à une politique climatique. La question climatique est davantage décrite comme une contrainte imposée par l’UE  et semble s’arrêter à l’horizon 2020.

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Citations du programme qui répondent à la question

Compte tenu de notre petite taille et du caractère international de l’enjeu climatique, la politique de taxation du CO2 doit en effet être menée au niveau le plus élevé possible.
Satisfaire aux objectifs européens en matière de réduction des émissions mais pas plus. La volonté de se montrer premier de classe est préjudiciable à l’économie, la population et aux générations futures.
(…) sélectionner parmi les mesures potentielles de réduction de CO2 celles qui sont les plus rentables. Il faut toujours, avant d’adopter une mesure, se poser la question de savoir combien coûte cette dernière par tonne de CO2 économisée. C’est là un critère important car les ressources que l’Etat peut consacrer à ce combat ne sont pas illimitées.
En parallèle, l’agriculture devra apporter une contribution significative à la lutte contre les changements climatiques.
(…) non pas consommer moins mais consommer mieux. Il ne s’agit pas de réduire notre consommation mais de trouver des modes de consommation moins énergivores (…). 
(…) une politique climatique réaliste qui permet à l’Europe de parler d’une seule voix et de favoriser un accord avec des objectifs contraignants lors de la conférence sur le climat (COP21) en décembre 2015 à Paris.


Commentaire d’IEW

Les changements climatiques sont absents des constats dressés par le MR dans son programme. Les propositions qui en découlent sont lointaines, reportées à l’échelon international. L’appel à faire le minimum et l’affirmation du caractère préjudiciable pour l’économie d’actions de réduction des émissions de GES sont choquants pour les environnementalistes.
Pour le MR, seule l’agriculture est le secteur qui pourrait contribuer à la lutte contre les changements climatiques.

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Citations du programme qui répondent à la question

La protection de l’environnement et du climat sont des enjeux majeurs pour le PS (…). Bien entendu, cette légitime volonté de préserver l’environnement et le climat ne doit pas mener à de nouvelles inégalités sociales ni freiner le redéploiement économique.

Le PS propose de : contribuer à la conclusion d’un accord climatique mondial contraignant en 2015 en vue de limiter l’augmentation de la température globale à maximum 1,5°C à 2°C et veiller au succès du sommet de Paris en 2015 ; inscrire au cœur du futur accord mondial l’objectif d’une transition juste et durable (…) ; définir une stratégie climatique ambitieuse et réaliste, avec des étapes intermédiaires en 2030 et 2040, jusqu’en 2050 qui permette de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Europe de 80 à 95% en 2050 par rapport à 1990 (…) se concentrer sur la trajectoire et les actions les plus efficaces au meilleur coût (…) ; viser en particulier les bâtiments, les transports, les entreprises, l’agriculture, l’énergie et l’aménagement du territoire (…) ; concrétiser le soutien aux pays en développement afin de les aider à faire face aux conséquences du réchauffement climatique (…) ; préparer dès à présent les mesures d’adaptation aux changements climatiques.

Commentaire d’IEW

L’enjeu climatique est bien présent, tout en restant subordonné aux enjeux économiques et sociaux. Il est décliné de façon transversale dans d’autres politiques.
Dans la thématique Climat, les mesures concrètes concernent davantage la « gouvernance climatique » que des actions précises de réduction d’émission… Par ailleurs, Le PS propose notamment de développer le transport aérien comme levier de développement ou de traiter les énergies renouvelables sur un pied d’égalité par rapport aux autres sources d’énergie tant pour l’accès au réseau que pour le soutien public. Ces ambiguïtés rendent l’analyse difficile.

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Citations du programme qui répondent à la question

Selon le GIEC, pour 2020, les pays industrialisés comme la Belgique doivent réduire leurs rejets de gaz à effet de serre d’au moins 30 % par rapport à 1990, et de préférence de 45 %. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons limiter à 2 °C le réchauffement terrestre. En 2050, nos émissions devront se situer à 95 % en dessous du niveau de 1990.Les engagements contractés par la Belgique sont nettement en dessous de ces chiffres ; Pour réaliser les objectifs du GIEC, un plan climatique est nécessaire, avec des objectifs intermédiaires clairs et un plan d’équipement clair pour la production d’énergie ; C’est pourquoi nous voulons confier à la collectivité les leviers d’une révolution verte.
Cette transition n’est possible qu’en tournant le dos aux mécanismes du marché (…) cette révolution verte n’est possible que si nous mettons hors-jeu les multinationale de l’énergie ;
On ne peut pas sauver le climat s’il existe un marché carbone

Commentaire d’IEW

Le programme du PTB-Go décrit sérieusement les enjeux climatiques et le volet « Climat » apparaît en bonne place dans le programme.
Le parti tisse des liens très justes entre climat, énergie et transports. Cependant, le PTB-GO ne propose qu’une seule voie pour relever cet enjeu climatique : que tous les investissements (production d’énergie, efficacité énergétique, transports…) soient aux mains de la collectivité. Les mesures concrètes visant la réduction des émissions font défaut.

Vous pouvez retrouver l’analyse par IEW de la prise en compte d’autres questions environnementales dans les programmes de partis soit en consultant les 9 autres articles de cette niews (vous bénéficierez dans ce cas d’une mise en contexte de la mesure), soit à partir du communiqué de presse est disponible ici.

Cécile de Schoutheete

Anciennement: Développement durable & Énergie