Waste Free Oceans: l’industrie du plastique fait son greenwashing

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Le 8 novembre dernier, à grand renfort de presse et d’invités distingués, l’opération « Waste Free Oceans » a été lancée par la fondation du même nom. Son but? A l’aide d’un chalutier spécialement équipé, ramasser les déchets flottants à la surface de la mer du Nord, le long de la côte belge. Une bien bonne idée, de prime abord: après tout, selon l’université de Gand, ce sont chaque année 20 000 tonnes de déchets, majoritairement des plastiques, qui se retrouvent dans la mer du nord, le long de la côte belge.

Mais en y regardant de plus près, l’enthousiasme retombe vite. En effet, Waste Free Oceans est une bien drôle de fondation, dirigée par un lobbyiste européen et une europarlementaire danoise (ce qui pose déjà clairement question en termes de collusion). Qui finance? Pas de grand mystère là-dessus, il suffit de se rendre sur leur site internet. Accrochez-vous: l’industrie de transformation européenne des plastiques. Oui, ceux-là même dont on trouve la production à la surface de la mer… Alors pourquoi pas, se dit-on, au moins les pollueurs paient pour éliminer leurs déchets. Mais rien n’est moins sûr…

Les chiffres relevés par l’université de Gand et présentés dans un article de presse (La Libre, 10 novembre 2011) sont éloquents. Chaque année, donc, 20 000 tonnes de déchets arrivent dans les eaux maritimes belges. De cela, 75% coulent, 10% flottent, 15% arrivent sur la côte. Tout d’un coup, il ne s’agit donc plus que de 10% de ces déchets qui peuvent être collectés par le chalutier. Encore faut-il qu’il les récupère, car si l’on trouve bien 1,1 kg de macro-déchets par km2 à la surface de l’eau, on y trouve surtout 7,7kg de microdéchets, bien plus difficiles à piéger dans un filet. Pire encore, ces chiffres sont à mettre en relation avec les déchets qui coulent: par km2, ce sont 23 kg de déchets de moins d’1mm qui se trouvent au fond de la mer du Nord, contre 0,75% de macro-déchets.

La part de déchets collectés par le chalutier n’est donc qu’une minuscule fraction de ce que la mer du nord contient en terme de dépotoir à plastique. Qui plus est, ce ne sont pas ces gros déchets, si déplaisants à l’½il soient-ils, qui posent le plus de problèmes dans l’écosystème, mais bien les déchets les plus petits, ceux qui passent directement à travers les mailles des filets. En effet, les plastiques ont la faculté d’adsorber divers polluants à leur surface: polluants organiques persistants et autres molécules viennent se coller à ces plastiques. Par conséquent, les déchets les plus petits, qui présentent une surface proportionnellement plus élevée que les plus gros, sont les vecteurs de pollution les plus importants. Ce sont eux aussi qui sont susceptibles d’être avalés par des poissons, faisant ainsi entrer les polluants en question dans la chaine alimentaire, laquelle les ramène dans nos assiettes.

L’opération menée en mer du Nord est donc bien une opération à visée esthétique: l’effet sur la biodiversité et sur le contrôle de la pollution au sein de la chaîne alimentaire est non-existant. Alors que faire? Empêcher les plastiques de se retrouver dans l’eau? Difficile à contrôler, vu la taille de l’espace maritime mondial. Il y a bien une autre solution, mais nul doute que Waste Free Oceans ne fera pas de lobby pour celle-la: diminuer, voire arrêter la production d’emballages plastiques à tout va, qui non seulement sont une source importante et croissante de pollution maritime, mais qui ne sont aussi que du pétrole amélioré pour lequel on peut penser à quelques utilisations bien plus intelligentes que de polluer les mers.

Il est vrai qu’à 25 000 euros l’équipement de chalutier, Waste Free Oceans ne met pas en danger l’industrie des plastiques, laquelle génère chaque année 280 milliards d’euros de chiffre d’affaire. Voilà donc une opération de greenwashing à peu de frais!