Agrocarburant: opposition citoyenne à une loi scélérate !

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Un citoyen a introduit auprès de la Cour Constitutionnelle un recours en annulation et en suspension de la Loi du 22 juillet 2009 relative à l’obligation d’incorporation de «“bio”carburants» dans les carburants fossiles mis en vente. Un acte de résistance civique qui s’appuie sur des arguments plein de bon sens.

Imaginez une nouvelle crise alimentaire, semblable à celle que l’on a traversé en 2007. Le prix des céréales flambe, les révoltes de la faim grondent dans les populations du Sud les plus fragilisées. Le prix des denrées alimentaires s’élève de 20 à 40 % chez nous, l’inflation suit. Et pendant ce temps là, nos moteurs tournent… aux céréales ou à l’huile de colza produite en Europe.

Et bien, quasi tous les éléments de cette fiction sont en place; reste une nouvelle poussée du prix des matières premières agricoles. Et elle arrivera, soyons-en certains, pour des raisons conjoncturelles et/ou structurelles: via une sécheresse en Chine et en Amazonie, ou plus progressivement, par le biais du détournement massif et progressif des productions agricoles vers les agrocarburants tel qu’il est programmé à travers le monde.

En cause, la Loi du 22 juillet 2009 relative à l’obligation d’incorporation de «“bio”carburants» dans les carburants fossiles mis en vente. Une obligation qui introduit une amende administrative de 0,9 ¤ par litre de biocarburant non incorporé. Cette loi valorise donc l’utilisation non alimentaire des matières premières agricoles à hauteur d’environ 0,5 ¤ par kg de céréales et de 0,8 EUR par litre d’huile, soit plus de 4 fois leur valeur actuelle. Une valorisation bien supérieure au cours des matières premières atteint lors de la précédente crise des matières premières agricoles. Un scénario, qui faut-il le rappeler, arrivera de lui-même avec la raréfaction des énergies fossiles.

Il faut cependant nuancer cette analyse dans le contexte actuel de marchés agricoles plutôt déprimés et pour lesquels les agrocarburants ont un effet positif sur les prix, bénéfique au revenu des agriculteurs au Nord comme au Sud. Mais tout est une question d’équilibre or, la loi ne prévoit pas de disposition pour éviter un effet sur les prix alimentaire en cas de crise alors que certaines dispositions auraient pu le prévoir (suppression de l’obligation en cas de diminution des stocks mondiaux, d’élévation des prix…).

Face à cette analyse, un citoyen – Eric Watteau – a introduit un recours en annulation et en suspension auprès de la Cour Constitutionnelle avec des arguments de fond plein de bon sens.

Vous trouverez ci-dessous, quelques-uns de ces arguments tels que résumés par la Cour qui, après avoir rejeté le recours en suspension, devra se prononcer sur le recours en annulation :

« L’obligation d’incorporation porte atteinte à sa liberté de conscience garantie par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il estime que la disposition attaquée le prive du droit de se procurer une marchandise qui ne heurte pas sa « conscience dans ses convictions les plus profondes ».
(…) Il considère aussi que la disposition attaquée viole le principe d’égalité garanti par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme, parce que, en l’empêchant d’acheter du carburant non mélangé à
des « agrocarburants », elle le rend victime d’une discrimination par rapport aux «non-pensants de la société de consommation». (…)

Il observe, à titre de comparaison, que, d’une part, l’Etat n’imposera jamais à la population de manger certains types de viandes par respect pour les
convictions religieuses de chacun et que, d’autre part, le marché de l’électricité permet aujourd’hui aux personnes intéressées de se procurer de l’« électricité verte », conformément à leurs convictions écologiques.

Le requérant précise que les « agrocarburants » le mettent mal à l’aise et heurtent profondément sa conscience pour des raisons économiques, sociales, politiques ou « géostratégiques », religieuses, juridiques et financières.

Il expose, à ce sujet, que l’utilisation de tels carburants provoque, sur le marché mondial des produits agricoles, une augmentation des prix de produits normalement destinés à l’alimentation, ce qui met en péril la sécurité alimentaire des individus les plus pauvres des pays en voie de développement. Il évoque, à cet égard, un rapport présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies par le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. Il rappelle ensuite le caractère sacré de la nourriture reconnu par diverses religions, en particulier la chrétienne.

Le requérant soutient aussi que les « agrocarburants » portent atteinte à sa « conscience des droits de l’Homme » (…) principalement dans la mesure où ils nuisent gravement au droit à l’alimentation des populations les plus
vulnérables garanti par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, fait à New-York le 19 décembre 1966.

Il indique encore avoir grandi dans une famille qui, marquée par les privations de la seconde guerre mondiale, estimait indécent de jeter de la nourriture alors qu’en d’autres lieux, beaucoup de gens souffraient de la faim.

En outre, le requérant fait part de ses craintes relatives aux sentiments de revanche et de haine qui animeront les populations affamées vis-à-vis d’une société occidentale qui utilise la nourriture pour faire rouler des véhicules.
 »

Face à ces arguments, il est difficile de ne pas évoquer la schizophrénie de nos institutions : pendant que le Parlement fédéral votait cette loi, le Sénat terminait un travail de fond sur les causes et remèdes à la crise alimentaire que l’on vient de traverser…

Si vous voulez soutenir cette démarche, voici une lettre type et ces coordonnées :
Éric Watteau
Chemin du grand sart, 32
1325 Bonlez Belgique
bs177671@skynet.be

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité