Energie : efficacité + sobriété = sécurité + rentabilité. Exemple…

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Suite à la découverte, l’été passé, de fissures dans les réacteurs de Doel-3 et de Tihange-2, l’AFCN a décidé de la mise à l’arrêt de ces installations. Certaines voix se sont alors élevées mues par la crainte de subir des coupures d’électricité cet hiver du fait de la mise à l’arrêt de cette capacité de production. Jusqu’ici il n’en a rien été…

Pour rappel, la loi de sortie du nucléaire votée en 2003, prévoyait une sortie progressive de l’atome pour 2015. Cette loi a ensuite été remaniée sous le gouvernement Di Rupo et prévoit un arrêt progressif dès 2016 pour un abandon total en 2025. Cet arrêt définitif du nucléaire dans notre pays, tout comme le faible investissement dans les autres capacités de production soulèvent certaines questions relatives à notre approvisionnement futur en électricité. Cette inquiétude n’a donc pas uniquement pour origine la sortie du nucléaire mais aussi, comme l’a souligné la CREG depuis plusieurs années aux autorités politiques belges, le déficit structurel d’investissements dans de nouvelles centrales électriques suite aux défaillances du marché et au climat d’investissement incertain dans notre pays[[Voir notamment l’étude de la CREG (F)070927-CDC-715: Étude relative à la sous-capacité de production d’électricité en Belgique]].

De longue date, les associations environnementales prônent une démarche avant tout basée sur la sobriété et l’efficacité énergétiques. Si la demande en électricité baisse, il faut diminuer les capacités de production : nous dépendrons ainsi moins des importations et risqueront moins de coupures. Le potentiel d’économies d’énergies est très important en Belgique. Une étude de 2006[ [Étude du bureau d’études E-STER, 2006]] a chiffré que sur une période de trois ans, il existe un potentiel d’économie de 9,5 milliards de kWh par an, ce qui représente 12% de la consommation totale d’électricité actuelle. Ce potentiel est cependant très peu pris en compte par les autorités, préférant massivement subsidier la production d’énergies renouvelables au détriment des mesures d’économies.

Suite à ce peu d’intérêt, le WWF, Greenpeace, le Bond Beter Leefmilieu et Inter-Environnement Wallonie ont commandé une étude au bureau 3E sur ce potentiel d’efficacité énergétique et particulièrement son impact sur la gestion des pics de demande (voir 5220). En effet, si des problèmes d’approvisionnement devaient se poser, ils se produiraient essentiellement pendant les périodes de surcharge, c’est-à-dire les débuts de soirées en hiver, lorsque la demande en énergie est la plus élevée. Trois applications électriques ont été sélectionnées, chacune relevant d’un secteur principal: l’éclairage dans le secteur des services, le chauffage électrique dans le résidentiel et les moteurs électriques des pompes et ventilateurs dans l’industrie. Pour chacune de ces trois applications, outre l’impact des pics de demande, l’économie annuelle en électricité ainsi que le coût de l’investissement et son délai de récupération ont également été étudiés.

Le chauffage électrique dans le secteur résidentiel

Vu le peu de données disponibles sur le nombre d’appareils de chauffage électrique installés, un sondage a été mené pour déterminer leur quantité et leur période d’utilisation. Il en ressort que 53% des Belges ont un chauffage électrique. Parmi ceux-ci, 98% ont un ou plusieurs appareils de chauffage et 6% ont des appareils de chauffage par accumulation[[Contrairement aux appareils de chauffage par accumulation, qui se chargent en dehors des heures de pointe, les appareils de chauffage électrique direct sont surtout utilisés pendant les heures de pointe.]]. Sur la base de l’enquête et des données statistiques, nous pouvons estimer qu’il existe en Belgique 3,6 millions d’appareils de chauffage direct, avec une capacité totale de 5360 MW. En comparaison, toutes les centrales nucléaires en Belgique offrent une capacité de 5927MWe. Ces appareils sont surtout utilisés en soirée. L’étude se base sur un remplacement de 25% du parc de chauffages électriques :

  • pour le chauffage direct dans les ménages :
    • le remplacement de 25% du chauffage direct peut faire baisser les pics de demande de 152 MW ;
    • sur une base annuelle, la consommation d’électricité par les ménages peut diminuer de 1,1%, soit 0,25%de la consommation belge totale ;
  • pour le chauffage par accumulation dans les ménages :
    • un remplacement de 25% n’entraîne pas de baisse des pics de demande parce que les appareils se rechargent après 22h00 ;
    • par contre, il y a une importante économie annuelle de 2,2% de la consommation par les ménages et de 0,5%de la consommation belge totale.

Éclairage dans le secteur des services

L’étude table sur la réalisation d’une économie de 40% dans 75% des installations d’éclairage, ce qui donne les résultats suivants :

  • une baisse particulièrement importante des pics de demande de 812 MW (en comparaison: Doel-1 et Doel-2 représentent conjointement 866 MW) ;
  • une économie annuelle en électricité de 2,41 milliards de kWh, soit 11% de la consommation électrique totale du secteur des services.

Pompes et ventilateurs dans l’industrie

Les moteurs électriques représentent 68% de l’ensemble de la consommation industrielle en électricité. Parmi ces moteurs, 38% sont ceux de pompes et ventilateurs. Il existe donc un potentiel particulièrement important dans ce secteur qui permettrait une amélioration moyenne de l’efficacité de l’ordre de 29%. Il est alors possible d’arriver aux résultats suivants :

  • une baisse de 151 MW du pic de demande pendant les jours d’hiver ;
  • soit une économie annuelle en électricité de 1,08 milliard de kWh ou 2,8% de la consommation industrielle.

Résultats dans les trois secteurs confondus

Pour la réduction de la demande en hiver
La réduction totale du pic de demande de 1116 MW un jour d’hiver, soit 8,5% du pic de demande totale hivernal, est significative. Elle est ainsi supérieure à la capacité des réacteurs de Doel-1 et Doel-2 (866 MW cumulés). Par ailleurs, l’implémentation de ces trois mesures étudiées permet déjà d’éviter entre la moitié et le tiers de la dépendance belge vis-à-vis des importations.
Économies annuelles en électricité
Les trois mesures préconisées par l’étude permettent une réduction de 4, 12 TWh soit 5% de la consommation électrique belge.
Le coût ?
Ces mesures ont évidemment un coût. Elles représentent un investissement estimé à 2,07 milliards d’euros. Cependant, grâce à la réduction de la demande en électricité, elles permettent une économie de plus de 3 milliards d’euros. C’est-à-dire que chaque euro investit rapporte 1.56€[[En tenant compte de 4% de facteur d’actualisation pour le secteur résidentiel, 10% de facteur d’actualisation pour le secteur tertiaire et pour l’industrie. L’étude se base sur 2% de hausse annuelle du prix de l’électricité et une période d’amortissement des investissements de 15 ans.]].

Conclusion

Cette étude montre clairement qu’une une politique d’investissement et de soutien envers des mesures d’efficacités énergétiques ciblées permet une baisse globale de la consommation d’électricité et une diminution des pics de consommations hivernaux.
Les pouvoirs publics ne peuvent plus se permettre d’attendre et doivent mettre en place un plan global d’efficacité énergétique.