Eutrophisation de l’eau : une politique wallonne sans balise !

Alors que les teneurs en nitrates des eaux de surfaces s’améliorent et que les teneurs dans les eaux souterraines montrent les premiers signes de progrès, la Région wallonne doit  répondre aux manquements relevés par la Cour Européenne de Justice quant à la transposition de la directive « nitrate » en révisant, pas à pas, son programme de gestion durable de l’azote (PGDA).

Constat relativement positif donc, mais…

Pour les eaux de surfaces, l’amélioration observée dans les nappes les plus superficielles vient principalement des efforts réalisés dans le domaine non agricole. Les  tendances observées dans les eaux souterraines résultent, elles, des effets conjoints de la diminution des épandages d’engrais minéraux et des normes environnementales imposées par le PGDA.  Cette tendance, bien insuffisante pour atteindre la valeur guide en nitrate de 25 mg/litre, ne s’observe en outre que dans les nappes superficielles au temps de recharge court. .

Le suivi de l’évolution de la qualité des eaux de recharge des nappes est un moyen simple et efficace d’apprécier l’impact des pratiques agricoles et de leur évolution sur la qualité de notre « or bleu ».  Mais il n’y a aujourd’hui ni imposition (par l’Europe), ni demande en la matière (des producteurs d’eau) : Et de volonté politique, point ! Pourtant, en réalisant un monitoring annuel de ces teneurs en azote potentiellement lessivable nous pourrions connaître l’effet réel des politiques mises en oeuvre. Mais on préfère faire aveuglément confiance aux normes imposées par le PGDA, souvent  incontrôlables et dont le respect ne permetpas non plus de s’assurer que l’on rencontrera effectivement l’objectif environnemental.

Les pays qui contrôlent les résidus en nitrates après les cultures ont, eux, amélioré rapidement la qualité des eaux de recharges des nappes. Ils ont non seulement rempli les obligations imposées par la directive, mais ils ont atteint son objectif. Ainsi, le Land du Bade-Wurtemberg, en Allemagne, prescrit une teneur maximale en APL et contrôle les résultats en champs. Cette teneur est fixée pour garantir la qualité des eaux qui rechargeront les nappes phréatiques.  En Wallonie, sans monitoring, nous connaîtrons seulement l’effet des politiques mises en œuvre aujourd’hui … dans 20 à 30 ans.  !

Une politique wallonne au coup par coup

Pour ce conformer à la directive, le Ministre Lutgen vient de mettre un terme au statut privilégié et particulier du pays de Herve, devenu enfin une zone vulnérable comme les autres. Si cette décision s’imposait, elle illustre cependant l’option prise pour répondre aux différents manquements de la directive : une révision ab minima, négociée avec la Commission européenne pour rentrer une fois de plus dans les « cordes » de la directive.

Suivront très probablement l’agrandissement demandé par la Commission des zones vulnérables du Sud Namurois et du Crétacé de Hesbaye. Ensuite, la Région devra désigner une zone vulnérable pour l’eutrophisation de la mer du Nord. Toute la région wallonne étant située dans les bassins des fleuves favorisant cetteeutrophisation, on créera un autre type de zone vulnérable, plus étendue cette fois. Ajoutons pour compléter le puzzle, les zones de prévention de captage ! Ne gagnerait-on pas en simplicité en désignant la totalité de la Région wallonne en zone vulnérable, voie choisie par de nombreux pays à l’agriculture parfois moins intensive qu’en Région wallonne.

Mais pourquoi faire simple ?

 

Vous lirez ci-dessous la politique du land de Bade-Württemberg

ALLEMAGNE — BADE-WÜRTTEMBERG («SCHALVO»)

Ce Land allemand a une superficie de 36 000 km2 et une densité démographique de 293 habitants par km2. La superficie agricole s’élève à un million et demi d’hectares (soit à peu près 45 % de la superficie totale), dont 1 million d’hectares de terres arables (maïs inclus) et 0,6 million d’hectare de prairies. La densité de l’élevage a baissé entre 1990 et 1999, passant de 1,04 à 0,92 UGB par hectare.

Environ 80 % de l’eau potable du Bade-Wurttemberg provient de sources souterraines. Le gouvernement allemand projette de renforcer la protection des eaux en faisant passer le pourcentage des terres protégées de 21 % à 27 % au cours des prochaines années.

Les premières actions remontent à 1976 (programme d’investissement concernant le stockage du lisier) et 1988 (décret pour la protection des bassins versants). L’adoption de méthodes d’épandage d’effluents organiques moins polluantes a été en outre rendue obligatoire en 1995. Certaines actions récentes visent à renforcer les actions de conseil donnés sur place et à faire passer à 100 000 le nombre des contrôles effectués annuellement pour mesurer la teneur en azote des sols durant la période automnale, afin de vérifier les résultats obtenus par les agriculteurs en matière de bilan de fertilisation. Les mesures obligatoires suivantes sont également appliquées:

— extension des zones consacrées aux prairies permanentes;

— fertilisation azotée interdite en dehors de la saison de croissance ;

— réduction de 20% de la dose d’azote conseillée ;

— travail du sol réduit au minimum à l’automne.

En soutien de ces mesures, 75 conseillers ont été nommés pour aider les agriculteurs et 55 000 à 80 000 échantillons sont prélevés à différentes profondeurs durant l’automne (0-30, 30-60 et 60-90 cm) afin de vérifier les pratiques de fertilisation. La quantité maximale de nitrates (nitrates résiduels à l’automne) admise dans le sol s’élève à 45 kg par hectare (plus une tolérance supplémentaire de 25 kg/ha, limite au-delà de laquelle l’agriculteur est passible d’une amende). Une amende est infligée aux agriculteurs lorsque les valeurs sont plus élevées et des primes leur sont accordées lorsque l’azote résiduel a baissé.

Le programme est entièrement financé par un impôt prélevé sur la consommation d’eau «Wasserpfennig»). Les résultats communiqués par les autorités montrent que la teneur en azote dans le sol du bassin versant a été réduite de 40 à 60 % entre 1988 et 1999 suivant le type de culture (de 60 à 30 kg par hectare pour e blé et de 120 à 40 kg par hectare pour le maïs, par exemple) et que la concentration en nitrates dans les eaux souterraines décroît ou reste stable dans la plupart des zones.

crédit photographique: http://fr.wikipedia.org/wiki/Eutrophisation

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité