Fastoche de changer de fournisseur d’énergie ? Mon oeil, monsieur le ministre !

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« Il faut arrêter de se plaindre, il faut bouger »[[Vers l’Avenir 30 mai 2012]]. Voici ce qu’a récemment déclaré Melchior Wathelet, Secrétaire d’État en charge de l’énergie. Le contexte ? Sa réaction quand on lui évoque les 30% de ménages wallons et bruxellois qui n’ont pas encore été actifs dans le choix de leur fournisseur d’énergie. Tentons de voir, au-delà du caractère abrupt de cette déclaration, ce que représente ces 30% de fainéants ! Dans un souci didactique et pratique (et non par paresse !), concentrons-nous sur les ménages wallons.

Il est vrai que depuis la libéralisation totale du marché de l’énergie en 2007, beaucoup de particuliers n’ont pas saisi l’opportunité de faire jouer la concurrence dans le choix de leur fournisseur d’énergie. On peut regretter cette inertie, qui, dans un marché ouvert à la concurrence, n’incite pas les opérateurs à baisser leurs prix. Cependant, la déclaration du Secrétaire d’État constitue un raccourci un peu simpliste. On pourrait tout de go lui rétorquer : « avez-vous déjà essayé de changer de fournisseur d’énergie » ?

J’entends déjà « les spécialistes » nous dire « rien de plus simple, vous vous rendez sur le site d’un simulateur tarifaire, entrez vos données de consommations, votre adresse et vous n’avez plus qu’à faire votre choix ». Est-ce réellement aussi facile ? Voici les aventures d’un particulier lambda qui, en citoyen modèle, tente de suivre les recommandations de son ministre et entreprend les démarches pour changer de fournisseur d’électricité (si nécessaire, bien sûr).

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Pour pouvoir comparer les différentes offres, il faut tout d’abord connaître sa consommation d’électricité et ce qu’on paie à son fournisseur. Comme première étape, notre citoyen commence donc par consulter ses factures. Il prend sa facture mensuelle, sur laquelle se trouve le montant qu’il acquitte chaque mois pour être alimenté en électricité. Il cherche alors, sur cette même facture, sa consommation mensuelle, en vain ! En effet, les factures mensuelles, ne sont que des provisions, calculées, plus ou moins correctement, par votre fournisseur et cela en fonction de votre consommation réelle des années précédentes. Elles ne donnent donc aucune information quant à la consommation réelle du mois écoulé mais une estimation, plus ou moins fidèle, sur base de votre consommation passée[[Les compteurs intelligents peuvent être une solution pour pouvoir facturer mensuellement la consommation réelle mais ces appareils sont encore fort controversés en raison de leur efficacité. Notre réflexion ne porte donc pas sur ces appareils « intelligents ».]]. Pour connaître sa consommation réelle et le montant total versé à votre fournisseur, il faut alors consulter sa facture annuelle, dite de régularisation. Celle-ci tient évidemment en une page A4, les informations nécessaires et importantes y sont toutes facilement accessibles et compréhensibles. Ah, tiens, non !… Une facture de régularisation est un peu plus complexe que cela. Elle décompose en effet le prix final que vous payez en différentes tranches.

Vous y trouvez ainsi,

  • le prix du kWh qui vous est fourni, il s’agit du prix fixé par votre fournisseur ;
  • le coût du transport et de la distribution : ces tarifs ne sont pas soumis à la concurrence et sont identiques quel que soit le fournisseur ; ils dépendent de la commune dans laquelle vous habitez ;
  • les surcharges régionales et fédérales : il s’agit des taxes imposées par les autorités.

Cette quantité exhaustive d’informations qui vous est livrée répond sans nul doute à un louable souci « d’éducation citoyenne », dont l’objectif serait de faire de tous des citoyens réfléchis, mais on se permet de douter de l’intérêt des ménages à disposer « en vrac » de l’ensemble de ces données qui ne fait qu’apporter du flou au flou et qui a donc plutôt tendance à « noyer le poisson » qu’à réellement aider à faire un choix éclairé.

Le citoyen, tenace, qui dispose maintenant de sa consommation réelle et du montant qu’elle représente chez son fournisseur actuel, arrive alors à la seconde étape : comparer les différents fournisseurs ainsi que les différentes offres qu’ils proposent. Une nouvelle fois rien de plus facile, vous pouvez vous rendre sur le site internet de la CWaPE, le régulateur wallon, où vous trouvez un simulateur. Vous entrez alors votre consommation annuelle, votre type de compteur (mono-horaire, bi-horaire, exclusif nuit), votre commune et vous trouvez les différentes offres qui vous sont accessibles. Là encore, la complexité est au rendez-vous. Vous trouvez des contrats soit avec des tarifs fixes soit avec des tarifs variables, appelés également semi-fixe et vous avez le choix entre des contrats de 1, 2 ou 3 ans. Vous vous trouvez donc face à un choix cornélien. Que faut-il choisir entre ces différentes offres ? Quelles sont les plus avantageuses financièrement ? Au bout d’une longue réflexion votre choix s’arrête enfin sur une offre qui vous semble avantageuse.

En citoyen consciencieux, et quitte à avoir déjà fait tous ces efforts, vous décidez de vous rendre sur d’autres simulateurs comme celui de Test-Achats ou sur www.monenergie.be pour vérifiez les estimations qui vous été données par le régulateur wallon. Vous rentrez à nouveau l’ensemble de vos informations et attendez les résultats. Bardaf, vous vous trouvez avec des résultats différents de ceux fournis par la CWaPE. Il est alors facile pour un consommateur de se dire que cela ne sert à rien de changer de fournisseurs, car vous ne serez de toute façon pas certain de faire des économies, sachant que selon le simulateur vous obtenez des résultats différents.

Les consommateurs infatigables (ou têtu ?), qui n’ont toujours pas laissé tomber les bras se retrouvent encore devant un nouveau dilemme, vert ou pas vert ?
En effet, vous avez également entendu qu’il était mieux pour la planète de choisir un « fournisseur vert ». Là encore vous vous trouvez devant un choix difficile : quelle électricité est réellement verte[À ce sujet, Greenpeeace a réalisé un classement des différentes offres de fournisseurs. Vous pouvez trouvez toutes les infos à l’adresse suivante : [http://www.greenpeace.org/belgium/fr/electricite-verte/]]? Vous êtes perdu entre les noms des différentes offres de fournisseurs, plus alléchantes, plus vertes les unes que les autres. Vous voyez également que vous pouvez devenir membre d’une coopérative. Mais dans ce cas vous devez acheter une part pour devenir coopérateur et ensuite vous bénéficierez d’une offre verte et économique.

Il est vrai que dans les conditions d’un marché de l’énergie libéralisé, une plus grande mobilité des clients et donc une plus grande concurrence entre opérateurs énergétiques entrainerait une diminution des prix. Il est cependant un peu léger de la part d’un ministre de rejeter la faute sur les ménages quand on voit la complexité de la démarche nécessaire pour changer de fournisseur. C’est le rôle du politique de soutenir les citoyens, soit directement soit via des intermédiaires (ASBL, CPAS) dans leurs démarches administratives. Ce n’est en effet pas le citoyen qui est responsable de l’échec de la libéralisation du marché de l’énergie en Belgique. Par ailleurs, des structures existent déjà tel que « proenergie » ou « inforgazelec » (juste pour les bruxellois), elles vous aident dans vos démarches de changement de fournisseur pour trouver l’offre qui vous convient le mieux.

Changer de fournisseur est un acte qui peut vous permettre de réduire votre facture d’énergie tout en « militant » pour une énergie renouvelable. Mais la meilleure façon qui existe pour faire baisser sa facture est encore de consommer moins !

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