L’accès au foncier agricole doit impérativement évoluer !

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La crise actuelle que traverse le Gouvernement wallon pourrait mettre en péril la réforme du bail à ferme inscrite dans la Déclaration de Politique Régionale. Les organisations membres de la Plate-Forme Foncier Agricole (PFFA)[[La PFFA (Plate-Forme Foncier Agricole) est composée des associations suivantes : CNCD-11.11.11, FIAN Belgium, la FUGEA, IEW, le MAP, Natagora, Nature et Progrès, Terre-en-vue, UNAB.]] estiment qu’elle est pourtant indispensable et urgente pour permettre un accès à la terre, aujourd’hui quasi impossible, aux nouvelles générations de paysans. Sous le régime actuel, le coût des terres en propriété est démesuré et l’accès au marché locatif, perverti, est fermé. La terre disponible sert le plus souvent à l’agrandissement des fermes existantes plutôt qu’au démarrage de nouveaux projets agricoles, tendance qu’il faut inverser d’urgence !

Lettre ouverte PFFA aux parlementaires wallons – Juillet 2017

Des exploitations agricoles toujours plus grandes !

En trente ans, la Belgique a perdu 68 % de ses exploitations agricoles. En corollaire, la superficie moyenne des exploitations a presque triplé sur la même période[[« Chiffres clés de l’agriculture – L’agriculture en Belgique en chiffres – édition 2016 », Direction générale Statistique du SPF Economie P.M.E, Classes moyennes et Energie. http://statbel.fgov.be/fr/binaries/FR_Kerncijfers%20landbouw_2016_Web_tcm326-279479.pdf]]. Cette forte concentration des terres résulte notamment du modèle agricole induit par la Politique Agricole Commune (PAC) et ses différents régimes d’aide[[Le récent rapport intitulé « L’état des lieux de la concentration agricole dans l’Union européenne: comment faciliter l’accès des agriculteurs aux terres? » adopté par le Parlement Européen le 27 avril dernier, reconnaît le rôle négatif joué par la PAC dans l’accaparement de terres et la concentration foncière en Europe. http://www.eurovia.org/fr/kit-decvc-sur-laccaparement-des-terres-et-lacces-a-la-terre-en-europe/]]. Elle pousse les agriculteurs à privilégier les économies d’échelle et donc l’agrandissement et la spécialisation de leur exploitation pour survivre au détriment de stratégies liées à la valorisation de leur production ou à la diversification. Ces exploitations agricoles sont en outre orientées vers l’export et contribuent peu à l’autonomie alimentaire et à la résilience de notre pays.

L’urbanisation favorise la spéculation foncière

En Belgique, l’industrie, les loisirs mais surtout l’urbanisation entrainent une artificialisation rapide des sols à nouveau au détriment des terres agricoles. En trente ans, les terres artificialisées ont connu une croissance de 542 km² (soit + 26,5 %) en Wallonie[[« Artificialisation du sol » – IWEPS – Juin 2017. https://www.iweps.be/indicateur-statistique/artificialisation-du-sol/]]. Les différentiels de prix observés entre les terres destinées à l’agriculture et celles susceptibles d’être bâties sont très élevés et contribuent directement à la spéculation foncière. Résultat : en 10 ans, le prix des terres agricoles a été multiplié par 3[[Eurostat – Land prices and rents (2012) – http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=apri_ap_aland&lang=en]].

Un bail à ferme qui ne joue plus son rôle

En Belgique, deux tiers des terres agricoles exploitées (SAU[[Surface Agricole Utile.]]) sont sous le régime de la location. Le bail à ferme est donc un outil essentiel pour l’accès à la terre qui doit être adapté aux évolutions de l’agriculture.
Sous sa forme actuelle, il rend l’accès au foncier particulièrement difficile pour les candidats à l’installation non issus du milieu agricole. Ils doivent faire face à l’opacité du marché foncier et du système locatif qui ne joue plus son rôle : dessous de table, perte d’attractivité pour les propriétaires, etc. En conséquence, la disponibilité des terres pour les exploitations agricoles « familiales » se réduit et l’accès au foncier implique des coûts nettement plus lourds pour les nouveaux agriculteurs, fragilisant leur équilibre financier.
De même, les propriétaires fonciers, soucieux de l’état des terres agricoles et conscients des enjeux sociétaux qu’elles représentent (emplois locaux, circuits courts, biodiversité, paysage et environnement, etc.), ne peuvent mettre les terres à disposition d’une agriculture durable et s’assurer qu’il en sera ainsi sur le long terme.

D’autres propriétaires contournent le bail à ferme et la sécurité légitime qu’il doit assurer à l’agriculteur, en faisant appel à différents montages juridiques et à des sociétés qui soutiennent un modèle agricole désincarné, orienté vers les marchés mondiaux et peu soucieux des enjeux des territoires qu’il occupe.
L’efficacité du marché foncier locatif est indispensable pour limiter des investissements trop importants aux agriculteurs et assurer une confiance et un revenu équitable, encadré par la loi, aux propriétaires. Le bail à ferme est pour le paysan le principal moyen d’accéder à la terre et de transmettre son outil de travail à un repreneur (descendant, conjoint, nouvelle installation) selon des modalités idéalement négociées avec le(s) propriétaire(s).

Une réforme attendue

La nécessité d’une réforme du bail à ferme fait consensus parmi les nombreuses parties prenantes. La volonté de préserver les terres agricoles est en outre une préoccupation clairement identifiée dans les différents textes adoptés par le Gouvernement wallon : Code wallon de l’Agriculture (2014), Code du Développement Territorial (2017).
Les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer et doivent assurer que la terre est utilisée dans le respect des besoins sociaux à long terme, et garantir la préservation de l’usage agricole de la terre, la production durable d’une nourriture saine et de qualité, la conservation des ressources naturelles et la biodiversité, l’équilibre entre des territoires urbains et ruraux et des populations, le renouvellement des générations agricoles et la conservation du paysage.

Les organisations membres de la Plate-Forme Foncier Agricole exhortent donc les représentants politiques à faire aboutir des réformes indispensables pour assurer une agriculture durable aux générations futures.
La PFFA à des propositions constructives et espère bien les faire entendre au monde politique wallon.

Signataires :
CNCD-11.11.11, FIAN Belgium, la FUGEA, IEW, le MAP, Natagora, Nature et Progrès, Terre-en-vue, UNAB.

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