Lanceurs d’alerte : un nécessaire cadre de protection

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Simple citoyen ou scientifique travaillant dans le domaine publique ou privé, le lanceur d’alerte est une personne qui se trouve à un moment donné, confrontée à un fait pouvant constituer un danger potentiel pour l’homme ou son environnement, et décide dès lors de porter ce fait au regard de la société civile et des pouvoirs publics. Malheureusement, le temps que le risque soit publiquement reconnu et s’il est effectivement pris en compte, il est souvent trop tard. Les conséquences pour le lanceur d’alerte, qui agit à titre individuel parce qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de dispositif de traitement des alertes, peuvent être graves : du licenciement jusqu’à la « mise au placard », il se retrouve directement exposé aux représailles dans un système hiérarchique qui ne le soutient pas car souvent subordonné à des intérêts financiers ou politiques.

Quel statut faut-il donner aux « lanceurs d’alerte » ?

Ce jeudi 27 mars, à Paris, la Fondation Sciences citoyennes, a organisé un colloque consacré à la législation à mettre en place pour les protéger. (voir les propositions de la Fondation Sciences citoyenne )

Le Grenelle de l’environnement avait déjà inscrit à l’unanimité dans ses conclusions la proposition d’une loi instituant la protection des lanceurs d’alerte. Ces derniers « sont devenus des acteurs centraux en matière de risque sanitaire », a expliqué le président de la Fondation Sciences citoyennes. Plusieurs lanceurs d’alerte sont venus témoigner des difficultés, tracasseries, voire du harcèlement qu’ils ont endurés depuis qu’ils ont donné l’alarme. « Il faut protéger l’alerte et protéger l’expertise ».

Car la question de l’expertise scientifique, destinée à évaluer un risque éventuel, et de son indépendance à l’égard des intérêts particuliers, est naturellement soulevée. L’information du public en matière d’environnement est un devoir, ce qui implique dès lors un « devoir d’alerte », accompagné de la création d’un « délit de rétention d’information quand le risque est avéré ». Seraient concernés par exemple les cigarettiers qui, disposant d’études sur les dangers du tabac, les ont dissimulées alors que le tabagisme passif est le facteur environnemental le plus « efficace » en matière de cancers et décès liés aux cancers.

Mais comment être sûr de la qualité de l’expertise, comment associer la société civile au débat et comment gérer les conflits d’intérêts ? Il est important de toujours savoir exactement qui parle, pour qui cet expert travaille et comment a été financée sa recherche. Une expertise pluridisciplinaire assise sur le débat contradictoire est la seule façon de garantir une certaine autonomie.
Comme l’ont défendu plusieurs orateurs lors du colloque, il a également été proposé la création d’une Haute Autorité de l’expertise, qui aurait à charge de traiter les alertes externalisées du cadre du travail en respectant la confidentialité. Elle aurait à évaluer dans quelle mesure l’alerte ne résulte pas d’une volonté de nuire. En cas d’abus, « ce qui ne veut pas dire toute alerte infondée », la procédure relative aux dénonciations calomnieuses pourrait être utilisée.

Dans plusieurs pays anglo-saxons : la protection de ce « droit fondamental » existe

Un article paru dans le journal Le Monde fin mars 2008 précise que plusieurs pays ont adopté des dispositions pour protéger les lanceurs d’alerte. C’est le cas des Etats-Unis, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, de la Grande-Bretagne ou encore de l’Afrique du Sud. Leurs lois reconnaissent comme fondamental le droit d’alerte et définissent une procédure précise.
« En Grande-Bretagne, la protection est accordée à toute personne travaillant pour une autre, même s’il n’existe pas de contrat de travail, comme dans le cas d’un étudiant thésard ». Cette protection s’applique en Nouvelle-Zélande et en Angleterre à tout risque sérieux en matière de santé, de sécurité ou d’environnement.

Aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande, l’émetteur de l’alerte doit s’identifier, mais son identité demeure confidentielle. La loi américaine est complexe car, selon le domaine concerné, le lanceur d’alerte doit s’adresser à une entité administrative différente. Enfin, s’agissant d’une alerte auprès des médias, la loi britannique la conçoit comme un recours en cas d’échec des autres procédures.

Pour aller plus loin

La Coordination Nationale Médicale Santé Environnement (CNMSE) en France, institue déjà d’une certaine manière l’implication du secteur médical en matière de santé environnementale (lire l’article sur le portail Santé-Environnement) et les propositions détaillées du corps médical à destination du groupe de travail « Instaurer un environnement respectueux de la santé » du Grenelle de l’environnement. En effet, aucun collège de médecins n’ayant été constitué au sein du Grenelle, les représentants du corps médical se trouvaient dans l’incapacité de prendre part aux négociations…

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