Politique énergétique ambitieuse : l’exemple allemand

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Peu de temps après la catastrophe de Fukushima, le gouvernement allemand a annoncé la fin anticipée du nucléaire civil pour 2022. S’il est vrai que l’Allemagne préparait depuis de longues années ce tournant énergétique, Angela Merkel avait accordé six mois avant la prolongation de 12 ans en moyenne des plus anciens réacteurs du pays[[La sortie du nucléaire avait été négociée en 2000 par une majorité socialiste-vert (SPD-Verts). Le plan prévoyait l’arrêt de la dernière centrale aux alentours de 2021]].. Cependant, cette décision va plus loin que le simple abandon de l’énergie nucléaire. Elle prévoit l’abandon du nucléaire en 2022, puis la réduction de 80 à 95% des émissions de gaz à effet de serre pour 2050. L’Allemagne devra donc produire son électricité en se passant presque complètement des énergies fossiles pour les remplacer à 80 % par des énergies renouvelables. Beaucoup de choses (et leur contraire) ont été dites sur le coût de cette transition, l’éventuel recours au charbon… Faire le point n’est donc pas inutile.

Voici quelques éléments pour se faire une idée de cette nouvelle politique énergétique, éléments qui, pourquoi pas, pourraient servir de modèle à la Belgique.

Sortir rapidement du nucléaire est possible. Sur l’année 2011, huit réacteurs ont été fermés sans qu’aucun problème de fourniture n’ait été à déplorer. Cette baisse de la production a été compensée par une baisse des exportations, une légère diminution de la consommation et une augmentation de la part du renouvelable. D’ici 2022, huit réacteurs devront encore être fermés.

En l’état technologique actuel, les énergies renouvelables ne devraient pas pouvoir compenser l’arrêt de l’ensemble du parc nucléaire. Si la part des énergies renouvelables a fortement augmenté ces dix dernières années, cette augmentation n’est désormais plus aussi importante. Ce ralentissement est notamment dû à une baisse du tarif de rachat de l’énergie solaire (le mode de soutien du photovoltaïque en Allemagne). Mais comme le constate le Centre d’analyse stratégique français, le problème principal vient du côté du réseau allemand qui manque encore de capacité pour absorber le courant produit par les sources d’énergies renouvelables. Cette mise en conformité du réseau aura un coût important – la somme de 45 milliards d’euros en 10 ans est évoquée – et elle prendra un temps relativement long.

Le fantasme principal sur la politique énergétique allemande est que l’électricité produite à partir du nucléaire est désormais remplacée par de l’énergie produite à base de charbon. Il est vrai qu’historiquement l’Allemagne utilise plus le charbon que d’autres pays européens pour produire son électricité[[En 1973, 75% de la production électrique provenait du charbon et de la lignite pour 42% actuellement.]]. La part du charbon dans la production électrique est pourtant restée stable depuis plusieurs années même si de nouvelles installations devraient entrer en fonction dans le futur du fait notamment des quotas alloués gratuitement.

En revanche, il reste beaucoup de travail à faire sur le volet « réduction de la consommation ». Elle n’a pas augmenté et tend même à se stabiliser mais comme dans la majorité des Etats européens, une politique ambitieuse d’utilisation rationnelle de l’énergie reste encore le parent pauvre de la transition énergétique.

Si cette (r)évolution a un coût qu’il est encore impossible d’estimer à l’heure actuelle, le coût de l’inaction devrait lui s’avérer nettement plus important. Le prix des énergies fossiles ne cesse de flamber sur les marchés mondiaux, poussé par les pays en développement, alors que la conjoncture économique actuelle est morose. Cependant, produire de façon moins énergivore peut se révéler un avantage important en matière de compétitivité. De toute façon, les énergies fossiles tout comme l’énergie nucléaire ne sont pas éternelles et dans le domaine énergétique comme dans bien d’autres, les premiers à s’adapter seront ceux qui résisteront le mieux à la fin des énergies « finies ».