Un nouveau gouvernement, une chance à saisir… pour sortir – vraiment! – du nucléaire.

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A quelque chose, malheur est bon… Parmi les nombreux dossiers restés en rade suite à la chute du gouvernement fédéral, il en est au moins un dont nous pouvons nous féliciter: le projet de loi “nucléaire” devant légaliser le protocole conclu en octobre dernier entre le gouvernement et GDF Suez n’a pas été déposé. Ce protocole (dont plusieurs de nos associations contestent la légalité en justice) entérinait la prolongation de dix ans de la durée de vie des réacteurs nucléaires de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1, dont la fermeture était programmée pour 2015. En contrepartie (bien que non assumée comme telle), Electrabel verserait une contribution financière… salvatrice pour le budget de l’Etat. Mais la chute du gouvernement remet cet accord en cause et, comme le soulignait lui-même le Ministre Magnette, «la prochaine majorité pourra tout reprendre à zéro si elle le souhaite». Il s’agit là d’une chance et nous ne pouvons pas la laisser passer! Car la remise en cause de la loi de sortie progressive du nucléaire votée en 2003 par la majorité arc-en-ciel constituait une erreur magistrale qu’il s’agira de ne pas reproduire.

Si on lit en filigrane les déclarations contradictoires qui se sont succédées dans la presse ces dernières semaines, il apparaît évident que le débat entre partisans et adversaires du respect de la loi de 2003 porte essentiellement voire exclusivement sur la garantie de notre approvisionnement énergétique. Or, soyons clairs: tous les chiffres attestent que les capacités de substitution permettant de compenser la fermeture, en 2015, des trois premiers réacteurs seront non seulement atteintes mais dépassées! Il ne saurait donc être question de remettre en cause ni la loi, ni son timing.

En réalité, le véritable enjeu pour le prochain gouvernement sera de préparer un développement à grande échelle des énergies renouvelables afin d’assurer entre 2015 et 2025 la transition vers un mix énergétique sans nucléaire.

Car là aussi, soyons clairs: «nucléaire et sobriété» tout comme
«nucléaire et sources d’énergie renouvelables» n’ont jamais fait bon ménage. Notre pays est dès lors très loin d’être un modèle en matières de sobriété énergétique et d’énergies renouvelables. Or, c’est très précisément là que se trouvent les véritables enjeux du futur. Tant pour répondre à l’indispensable réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’impose la lutte contre les changements climatiques que pour nous préparer à la disparition programmée des énergies fossiles, nous devons réduire nos consommations et développer la production à partir de sources renouvelables.

Avec des centrales depuis longtemps amorties et un processus de production l’obligeant à tourner en permanence à plein régime, la filière nucléaire maintient l’illusion d’une énergie abondante et peu chère, encourageant de facto le statu-quo et l’inaction. Ce qui dans le contexte environnemental et énergétique que nous connaissons constitue une véritable aberration.

Ajoutez-y les problèmes inhérents à l’atome (gestion des déchets radioactifs qui se heurte à l’absence de solutions sûres; ressources d’uranium épuisées dans tout au plus 65 ans… toutes choses étant égales par ailleurs, c’est-à-dire sans augmentation des capacités de production actuelles au niveau mondial; risque d’accident – qui augmente avec la durée de fonctionnement des réacteurs; etc.) et vous comprendrez qu’il est plus que difficile de voir dans le nucléaire un modèle d’avenir!

Alors, plutôt que de réouvrir un débat éculé – car déjà tranché – sur l’échéance de 2015, le prochain gouvernement devra se mettre immédiatement au travail pour préparer la sortie définitive du nucléaire en 2025. Avec en point de mire, à l’horizon 2050, une Belgique devenue une société neutre en carbone où les sources renouvelables et une consommation contrôlée seront la clé de voûte d’un système électrique véritablement durable et efficace.

La réalisation de cet objectif passera (entre autres) par l’adapation de notre réseau, aujourd’hui dominé par quelques centrales nucléaires et devant se muer en une structure de production décentralisée permettant aux utilisateurs non seulement de consommer de l’électricité mais aussi d’en produire. En matière de recherche et développement, les financements devront être prioritairement investis dans les énergies renouvelables et les technologies d’efficacité énergétique. La recherche nucléaire devra quant à elle se concentrer sur les options les plus sûres pour le stockage des déchets nucléaires et pour le démantèlement des centrales. Enfin, les bénéfices plantureux tirés de l’exploitation des centrales nucléaires – estimés récemment par la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz (CREG) à près de deux milliards d’euros – devront être captés et réinvestis dans un système énergétique tourné vers l’avenir.

Trop de temps a déjà été perdu. La valse-hésitation entretenue par les divers gouvernements depuis l’adoption de la loi de 2003 n’a fait que créer un climat d’incertitude ayant pour effet de freiner les investisseurs dans la réalisation des projets qui contribueraient précisément à la diversification et à la sécurité de notre approvisionnement énergétique. Il est grand temps d’être enfin clair, cohérent et tourné vers l’avenir en entamant sans nouveau délai notre sortie du nucléaire.

Signataires:
APERE (Association pour la Promotion des Energies Renouvelables)
Fédération Inter-Environnement Wallonie
GRAPPE (Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique)
Greenpeace
Les Amis de la Terre
Nature&Progrès

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