Villes nouvelles : nécessité ou facilité ?

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En matière de vision de développement territorial, s’il est bien un sujet que le Ministre Di Antonio, et le CDH de manière plus générale, a exploré ces derniers mois, c’est la création de villes nouvelles en Wallonie.

L’argument choc qui justifie un tel engouement pour voir sortir de terre ces villes venues de nulle part : le défi démographique auquel va devoir faire face notre région dans les prochaines décennies.

Le Bureau Fédéral du Plan annonce en effet une croissance démographique importante d’ici 2030. D’après ses dernières estimations (mars 2015), la Région Wallonne devrait accueillir 187.000 nouveaux ménages dans les 15 prochaines années, ce qui implique inévitablement la création d’autant de nouveaux logements. Par ailleurs, comme le rappelle le Centre d’études du CDH (le CEPESS), nous devrons également faire face à une forte demande de résidences secondaires et de kots dans notre région. La rénovation des logements existants n’étant pas suffisante pour répondre à cette demande croissante, le CEPESS estime donc que nous n’aurons d’autres choix que de construire çà et là de nouvelles villes sur notre territoire.

Il est clair que l’offre de logements en Wallonie doit impérativement tenir compte de cette évolution et même aller légèrement au-delà afin d’éviter une flambée des prix de l’immobilier. Cependant, la Fédération estime que le chemin entre besoin de logements supplémentaires et nécessité de créer des villes nouvelles est un peu court.

Tout d’abord, nous souhaiterions préciser que la rénovation ne doit pas uniquement concerner les constructions initialement conçues pour du logement. Il existe en effet partout en Wallonie de nombreux bâtiments vides, très mal entretenus, voir abandonnés, dont la fonction initiale ne sera plus jamais rencontrée pour des diverses raisons. Un ancien atelier, un vieux moulin, une école fermée, un hôtel abandonné, tous ces sites représentent des logements potentiels. En outre, ces sites peuvent parfois présenter un réel intérêt architectural et patrimonial qu’il serait triste d’abandonner. Si on ajoute à ces arguments le fait que ces sites peuvent également faire l’objet d’un attachement profond de la population, nous aurions vraiment tort de les oublier trop vite dans la vision du développement de logements supplémentaires en Wallonie.

Dans le même ordre d’idées, n’oublions pas non plus les friches et terrains vagues présents dans les centres urbains et ruraux existants pour lesquels la Région Wallonne investit déjà plusieurs millions par an via sa politique des SAR (Sites à réaménager). Connaissant le défi démographique décrit plus haut, espérons que les sites retenus concerneront prioritairement des projets de réhabilitation au logement. Au-delà de ces espaces post industriels, rappelons qu’il y a encore dans nos villages et dans certaines villes, des terrains non bâtis mais entourés de parcelles construites, ce que les urbanistes appellent « les dents creuses ».

Ceci étant dit, l’un n’empêche pas l’autre. Nous devons en effet tenir compte de ces divers éléments en vue de créer de nouveaux logements, mais il faudra, aussi, créer des villes nouvelles. Fort bien. Mais un point essentiel n’a pas encore été abordé dans cet article : l’aspect budgétaire. Or, nous savons que les budgets ne sont pas extensibles et qu’il faudra mettre des priorités dans les travaux à entreprendre pour répondre à ce besoin démographique. Pour IEW, cette priorité est impérativement à mettre sur la rénovation et la valorisation de l’existant. Et s’il est vrai que le budget d’une nouvelle construction peut parfois être plus faible qu’une rénovation, c’est sans tenir compte d’une série de coûts indirects qu’occasionneront inévitablement la création de nouvelles villes (nouvelles infrastructures au niveau mobilité, nouveaux aménagements d’espaces publics, coûts des impétrants…). Enfin, la Wallonie peut-elle vraiment allouer des budgets pharaoniques à la création de villes nouvelles lorsqu’on sait qu’il y a tant à faire pour les centres urbains et ruraux existants et leurs habitants ? Alors oui, les promoteurs immobiliers, architectes et métiers de la construction auront bien vite l’occasion travailler sur de nouveaux espaces, mais en attendant, plaidons pour qu’ils mettent tout leur talent, leur ingéniosité et leur créativité au service de toute friche, tout terrain ou tout bâtiment susceptible d’accueillir du logement dans les centres villes et ruraux que nous connaissons déjà.

En savoir plus

 http://www.cepess.be

 http://spw.wallonie.be/dgo4/site_colloques/QuartiersNouveaux/

Audrey Mathieu

Aménagement du territoire & Urbanisme