Agriculture durable et biodiversité – peu d’adhésion malgré l’urgence …

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Agriculture
  • Temps de lecture :8 min de lecture
You are currently viewing Agriculture durable et biodiversité – peu d’adhésion malgré l’urgence …

A travers la rédaction d’un pacte écologique belge, les associations d’environnement ont concocté 36 propositions pour répondre à l’urgence écologique, propositions qu’elles ont soumises à l’avis des différents partis démocratiques. Six d’entre elles concernaient l’agriculture et la biodiversité . Compte rendu !

A l’analyse des réponses, il ressort que l’urgence est encore mal perçue par certains partis politiques traditionnels. Sur les propositions liées à l’agriculture, Ecolo caracole en tête, le cdH et le PS sont au coude à coude, tandis que le MR est à la traîne. En matière de biodiversité, Ecolo et le cdH avancent presque en tandem, bien devant le PS tandis que le MR, pour cette étape, a déclaré forfait.

1 ° Plaidoyer pour une agriculture durable

Posant sur le constat d’une agriculture qui échappe aux agriculteurs et à la société, mondialisée et cernée tant en amont qu’en aval par quelques transnationales, conduisant à des modes de production non durable basés sur l’utilisation des ressources rares et limitées (sol, énergie et minéraux) au détriment de l’environnement et de la paysannerie, les associations d’environnement ont soutenu, à travers le pacte écologique, trois mesures phares pour réorienter l’agriculture afin de répondre à l’urgence écologique. Ces trois mesures visent l’émergence d’un modèle agricole durable, créateur d’emploi au profit de production locale de qualité.

Des aides agricole au service de l’emploi, dans le respect de l’environnement

Comme première mesure, les associations ont proposé de réviser le système d’octroi des aides agricoles (20 % des agriculteurs bénéficient de 80 % des aides) en fonction des unités de travail effectives sur l’exploitation plutôt qu’en fonction des superficies ou du bétail détenu comme c’est le cas actuellement, et ce, sur base du respect de critères de l’agriculture durable. Une façon aussi de privilégier la production de qualité plutôt que les quantités produites.

Deux partis sont favorables à cette proposition. Ecolo est très précis quand aux modalités de mise en ½uvre alors que le PS s’accorde seulement sur l’objectif. Le MR quand à lui est favorable au plafonnement des aides « les plus élevées », afin de soutenir l’agriculture familiale. Le cdH souhaite, lui, une harmonisation du soutien en fonction des superficies, indépendamment de la région ou de la spéculation concernée.

Redéployer une agriculture de qualité, ancrée dans son terroir

Répondre aux enjeux climatiques, c’est aussi redéployer une agriculture de proximité, peu exigeante en besoin énergétique et en transport. Pour promouvoir son émergence, les associations ont proposé de réorienter une partie des aides agricoles au soutien de filière liées à la restauration collective et à l’Horeca. Cela, par le biais de contrats locaux, basés sur le respect d’un cahier des charges définit à l’échelon local sur base des critères d’agriculture durable. Il s’agit donc de recréer des circuits courts de qualité, là où la PAC et la mondialisation ont conduit à la standardisation de notre alimentation. C’est également une réorientation qui prend en compte les enjeux de santé et énergétique (revalorisation des produits de saisons et des filières moins énergivores).

Trois partis sont favorables à l’objectif mais seul Ecolo soutien le principe d’utiliser des fonds pour lancer des filières courtes dans la restauration collective. Ecolo va plus loin encore proposant d’imposer un certain pourcentage de produits agricoles durables et locaux dans les ventes de la grande distribution et des centrales d’achats. Par ailleurs, Ecolo et le CDH sont favorables à une TVA réduite pour les produits issus d’une agriculture durable (biologique, …).

Soutenir une agriculture plus autonome

Le pouvoir des transnationales limite de plus en plus l’autonomie des agriculteurs alors qu’elles deviennent leur interlocuteur principal… Que ce soit pour l’utilisation de semences OGM, les engrais, les pesticides ou même pour les élevages « clef sur porte », ces firmes orientent la production agricole. Pourtant leurs choix ne répondent en rien aux attentes des consommateurs ni même des producteurs. Les coûts et les risques, par contre, tant en santé publique, que du point de vue environnemental et économique, pèsent tant sur les agriculteurs que sur la société. Pour limiter cette emprise les associations ont proposé l’interdiction de culture des OGM et un encadrement accru de la vente des intrants utilisés en agriculture en responsabilisant les vendeurs autant que les agriculteurs.

A propos des OGM, le cdH et Ecolo ont un discours clair, rejetant l’utilisation agricole des OGM. Le PS est écartelé entre un discours scientiste et une certaine fermeté en matière de coexistence. Le MR est convaincu que l’avenir, c’est les OGM en tant que solution à la faim dans le monde… Avec de telles affirmations, on est pas loin de l’obscurantisme technoscientiste. Pour ce qui concerne les intrants, le PS soutient plutôt leur taxation, ce qui participe au même objectif, tandis que le cdH propose de renforcer la sensibilisation des acteurs, soit le statut-quo. Ecolo quand à lui va beaucoup plus loin et propose de nombreuses mesures visant à renforcer l’autonomie des exploitations agricoles. Le MR n’aborde pas ces questions.

2° Vers la 6ème extinction de masse !

En régression partout, menacée par la pression des activités humaines et par l’ampleur des changements climatiques, l’Homme pourrait être à l’origine de la 6ème extinction de masse. Des mesures s’imposent, ici et maintenant, d’urgence pour assurer la capacité des écosystèmes à maintenir les services dont nous bénéficions (eau, alimentation, diversité génétique, …). Le pacte écologique propose de dédier rapidement plus de surface à la nature, de traduire cet objectif en moyens financiers et d’intégrer cette préoccupation dans les politiques sectorielles. Des revendications qui ne s’arrêtent bien entendu pas là puisque le souci principal de ce pacte est de réduire notre empreinte écologique afin de céder un peu de place à la biodiversité.

De l’espace pour la nature

Les associations ont proposé de dédier 5 % du territoire, en priorité, à la protection de la biodiversité, que ce soit en milieu agricole par le biais d’un équilibre proportionné entre obligations (conditionnalité) et incitants (les mesures agroenvironnementales) ou en milieu forestier, en introduisant des normes plus contraignantes dans le code forestier en contrepartie de la suppression annoncée des droits de succession.

Sur ce point, les partis ne se sont prononcés que sur le volet forestier de la proposition. Le cdH et Ecolo approuvent tout deux l’objectif et font des propositions concrètes et argumentées pour le mettre en ½uvre. Soulignons tout de même que le cdH, introduirait cette proposition dans le cadre de la révision en cours du code forestier. Une bonne nouvelle donc ! Le PS ne rejette pas la proposition mais ne propose rien de concret pour sa mise en ½uvre tandis que le MR n’aborde pas la question de la biodiversité dans son programme: éliminé donc!

Des moyens à la hauteur des enjeux !

Les associations ont également plaidé pour un refinancement des politiques de protection de la biodiversité. Le budget pour l’acquisition de réserves naturelles ne dépasse pas aujourd’hui celui de… la construction d’un rond point! Les associations ont proposés de refinancer ces politiques par l’activation d’un fond « nature » alimenté par le biais de prélèvement sur le « sport nature » (pêche, chasse, kayak,…), les taxes sur les pesticides, les plus-values foncières, …

Sur cette question aussi, nous retrouvons, toujours au coude à coude, Ecolo et le cdH. Les sources de financement sont un peu différentes: le cdH propose de financer le fonds nature par le biais des sanctions administratives ayant une incidence sur la protection de la biodiversité et en cas de non respect des normes d’émissions existantes (bruits, substances chimiques, …). Ecolo propose de financer le fonds par le biais des amendes perçues par l’Unité Anti-Braconnage et par un prélèvement sur les activités de « sport nature/aventure ». Le PS ne retient pas la nécessité de refinancer les politiques de conservation de la nature. Le MR a oublié de s’inscrire…

Des politiques sectorielles à réviser

Les associations ont visé plus particulièrement 2 domaines ayant un impact important et exemplatif sur la biodiversité : la gestion des espaces publics et la chasse. La gestion des espaces publics doit être réorientée vers des modes de gestion plus doux, où la nature peut s’exprimer en étant préservée donc de tout pesticide. Une petite révolution culturelle en somme que la Flandre a déjà réalisée. En matière de chasse, l’enjeu est lié à la pression croissante du gibier dont les populations ont explosé. Une gestion plus stricte de ces populations s’impose. Les associations plaident pour une responsabilisation accrue des chasseurs mais aussi des propriétaires, bien souvent nos communes. Les populations de grands gibiers doivent rapidement être contrôlées et limitées pour aboutir à terme à l’interdiction du nourrissage.

Sur ces propositions concrètes, Ecolo caracole en tête, soutient explicitement nos propositions et y répond de manière claire. Le PS et le cdH répondent de manière plus générale et/ou non pertinente par rapports aux propositions. Le MR reste, c’est devenu malheureusement une habitude, hors jeu.

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité