Alain Geerts répond à 10 questions très personnelles sur l’espace public

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Echelle Humaine souhaite vous fournir des témoignages vivants sur la situation durant la période de pandémie, en lien avec le thème de chaque numéro. Dans ce cas-ci, 10 questions sur l’espace public.

Alain Geerts

Alain Geerts est chargé de mission chez IEW, il se partage entre la Communication (service Presse, publication des nIEWs bimensuelles, événements) et le plaidoyer en matière de Mobilité. Il a accepté de se prêter au jeu d’une interview centrée sur le ressenti. 

Pour faire société ensemble, c’est indispensable de faire mieux connaissance avec les autres. Cette nouvelle rubrique a l’ambition de vous y aider. Chacun ressent à sa façon et de manière fluctuante ; lire les réactions des autres permet de mieux comprendre ce qui se passe en eux – et ce qui se passe en nous.

– Quel est votre premier souvenir (ou un très ancien) lié à l’espace public ?

Très longtemps, pour moi, l’espace public, c’était ma rue. Elle faisait 800 mètres qui se terminaient sur la place du village. Elle était sinueuse, recouverte de petits pavés de 10X10X10 et j’en connaissais chaque cm² ! Je passais devant le brasseur, puis la ferme de la vieille Juliette dont le chien passait la tête en aboyant furieusement sous l’immense porte cochère, puis le château «des handicapés », le monument aux morts, la cabine électrique haute tension, le petit bois de sapins devant lequel, le soir tombant, j’accélérais de peur d’être kidnappé, la maison de mon copain Philippe… J’y jouais, on y faisait des courses de vélo, j’y passais et repassais…

– Votre rapport à l’espace public a-t-il changé lors du début du confinement ?

 Oui et non. Habitant Louvain-la-Neuve, le début du confinement ressemblait pour moi à ce qu’était cette ville il y a 30 ans, les fins de semaine, lorsque les étudiant·e·s étaient parti.e.s et qu’il y avait peu de résident·e·s. Mais, désormais, c’était 7 jours sur 7. 

– Avez-vous remarqué une évolution dans votre perception de l’espace public sur cette période d’un an de confinement ?

Oui, je suis devenu beaucoup plus attentif à la qualité de l’espace public et aux nuisances dont il est continuellement l’objet, essentiellement du fait de son envahissement par l’automobile et son « système » (routes, concessionnaires, pompes à essence…).

– Faites-vous attention aux panneaux de signalisation, lesquels en particulier ? Donnez un ou des exemples de panneaux qui vous font rire, ou vous touchent.

Je suis devenu très attentif aux panneaux qui indiquent un cul-de-sac ou une voie sans issue et qui, depuis une action de l’asbl sentiers.be (Alain passe, tu passes !), peuvent être « augmentés » de petits ajouts signifiant que le passage existe en réalité, mais exclusivement pour les piétons, les vélos, les chevaux. La présence de ces ajouts sur les panneaux me permet de voir si la commune est attentive aux sentiers, aux modes actifs comme la marche et le vélo. 

– Décrivez un aménagement d’espace public qui vous a particulièrement marqué et pourquoi il vous a marqué.

L’aménagement d’un espace public qui me marque beaucoup est celui du quartier de la Baraque, à Louvain-la-Neuve, où je vis depuis presque 40 ans. Cet espace s’est progressivement créé en fonction de la vie des habitants et en fonction de la présence de la nature. Si un arbre s’y développe, par exemple, jamais (ou presque) on ne le coupera pour placer une habitation. Le contraste est terrible avec le développement du dernier quartier en date de la ville qui a imposé l’abattage d’arbres magnifiques. Des châtaigniers centenaires sont aussi en danger pour l’instant parce qu’on veut construire des maisons à front de rue (une petite impasse, dans les faits) sur un terrain qui autoriserait pourtant un peu de recul pour conserver ces merveilles de la nature. Qu’on arrête de dire qu’il suffit de compenser en replantant ! C’est très loin d’être aussi simple : c’est ne rien comprendre à ce qu’est l’arbre que l’on va abattre. 

– La nature qui est déjà là : comment contribue-t-elle à rendre les espaces publics accueillants pour nous tous, qui que l’on soit ?

L’ombre d’un arbre pour se protéger du soleil, une haie pour jouer à cache-cache, un arbuste pour lever la patte… Quel plaisir qu’un espace public qui a su préserver la nature existante ! Ce qui contraste d’ailleurs avec des espaces publics où l’on a ajouté de la « nature » pour les verdir. 

 – Concernant les îlots de chaleur, avez-vous des exemples d’îlots de fraîcheur qui sont déjà installés, des propositions pour en cultiver ?

Je n’ai pas d’exemple qui me vienne, ou j’en ai 10.000 ! L’îlot de fraîcheur doit devenir une constante, partout, sans exception !

– Une œuvre d’art à laquelle vous avez pensé pendant cette interview. Comment pourrait-elle aider à améliorer l’espace public ? 

J’aime beaucoup Richard Serra dont les œuvres monumentales en métal sont un réel plus dans l’espace public tant urbain qu’en pleine nature. 

– Avez-vous une lecture à nous recommander ?

J’ai une tendresse et un admiration particulière pour le travail de fin d’étude en architecture de mon fils Gaspard, consacré au quartier de la Baraque et son rapport à la ville de Louvain-la-Neuve. Une petite recension est disponible ici.

Gaspard Geerts, « Ce qui devait être une page blanche, La Baraque, une autre manière de faire la ville », Travail de fin d’études sous la direction de Michael Ghyoot, Faculté d’Architecture La Cambre-Horta, Année académique 2017-2018, 194 pages. 

– Faites-nous voyager : pensez à un endroit dans le monde où vous vous sentez bien dans l’espace public. Quels sont les ingrédients qui y contribuent ?

J’aime me promener sur les quais ou bords de fleuves, de rivières, de canaux qui traversent les villes ou la campagne, pour autant que la voiture n’y ait plus accès. Les reflets toujours changeants au gré de la lumière, la fraîcheur offerte par la proximité de l’eau, la vie sur l’eau aussi, tant  des non-humains que des humains (péniches, plaisance…), contribuent notamment à la détente que me procurent ces lieux.