Biocarburants : mirage ou opportunité?

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Dans un contexte où l’actualité énergétique chargée soulève des préoccupations de plus en plus vives, la biomasse est régulièrement présentée parmi les solutions à envisager afin d’adapter notre système énergétique dont la dépendance envers les sources d’énergie non renouvelables avoisine les 100% en Belgique. Les biocarburants, en particulier, sont très souvent présentés comme la panacée afin de réduire nos émissions de gaz à effet de serre liées au secteur des transports, relancer un secteur agricole en perte de vitesse et réduire notre dépendance envers le pétrole. Alors que la Commission européenne impose à ses Etats-membres d’introduire progressivement des biocarburants à la pompe, afin d’atteindre un taux de 5,75 % en 2010, trois organisations environnementales européennes ont organisé le 7 juin dernier une conférence destinée à faire le point sur les atouts et inconvénients de ces combustibles qui connaissent une expansion colossale. 
Le message adressé au Commissaire européen de l’environnement Stavros Dimas présent à l’issue du colloque, est sans équivoque : la stratégie européenne sur les biocarburants, destinée à promouvoir leur utilisation, ne peut conduire à un déplacement des pressions exercées sur l’environnement. La production des carburants « verts » n’est en effet pas sans conséquences sur les plans social et environnemental : citons, pêle-mêle, la concurrence entre cultures énergétiques et vivrières, le développement de l’agriculture intensive, les impacts sur la biodiversité, l’utilisation accrue de pesticides, une modification de l’affectation des sols, etc.
Un recours massif aux biocarburants (bien supérieur aux 5,75% annoncés pour 2010) serait en effet nécessaire pour induire un réel impact sur les émissions de gaz à effet de serre liées au transport (lesquelles ont augmenté en Belgique de près de 30% depuis 1990), puisque la filière dans son ensemble est responsable d’émissions non négligeables. Une telle politique aurait évidemment de lourdes conséquences pour le secteur agricole : ce sont en effet entre 14 et 27% des terres agricoles européennes qui devraient être consacrées à la production de biocarburants si l’UE ambitionnait d’atteindre son objectif exclusivement au moyen d’une production domestique ! Outre le caractère peu réaliste d’une telle proportion, celle-ci apparaît difficilement compatible avec un autre objectif fixé par l’Europe : consacrer d’ici 2010 de 5 à 7% de la superficie agricole à des prestations écologiques en vue d’enrayer le déclin de la biodiversité. A la lumière de ces chiffres, il est évident que la contribution potentielle des biocarburants à résoudre les problèmes énergétiques est extrêmement limitée, et qu’ils ne constitueront donc, tout au plus, qu’une partie de la solution. 
Il apparaît donc que l’Europe sera indubitablement contrainte de recourir à l’importation de biocarburants ; il est indispensable que cela se fasse en respect de critères stricts en matière d’impacts sociaux et environnementaux. Car il serait inadmissible qu’une partie significative de terres cultivées dans les pays non industrialisés soit destinée à satisfaire le mode de vie non-durable des pays européens. 

Pour plus d’informations concernant la conférence organisée par T&E, Birdlife et le BEE :
http://www.transportenvironment.org/Article186.html
http://www.eeb.org/activities/agriculture/conferenceresultsAsustainablepathforbiofuelsintheEU.htm
Pour plus d’informations sur le bilan des biocarburants en matière d’émissions de CO2, lire les études réalisées par l’Institut pour un Développement durable
http://www.iddweb.be

Voir également le dossier de Carbusters N°27; Fueling an obsession, Beyond the Hype About Biofuels. (l’illustration de l’article est leur 4è de couverture)

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