Climat : leçons de l’accord (?) de Varsovie

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Le dernier sommet de l’ONU sur le climat s’est terminé à Varsovie ce 23 novembre sur un accord « a minima » arraché de justesse après deux semaines de négociations ardues. Malgré la déclaration univoque des auteurs du 5e rapport du GIEC sur l’origine anthropique des changements climatiques, malgré le désastre humanitaire laissé par le passage du typhon Haiyan aux Philippines et malgré la forte mobilisation des ONG (et ici), les négociateurs n’ont toujours pas pris la mesure de la menace que représentent les changements climatiques. Ils ont préféré une fois de plus écouter la voix d’intérêts particuliers, comme les lobbys des énergies fossiles qui ont sponsorisé ce sommet, plutôt que celle de l’intérêt général.

Les principaux résultats

Le sommet n’est pas un échec total non plus puisqu’une série de décisions ont pu être prises.

Un premier résultat concret consiste en un maigre programme de travail pour préparer l’accord global qui devrait être conclu à Paris en 2015. Les pays devront mettre sur la table pour début 2015 (si possible) leurs contributions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre après 2020. C’est à peu près tout. L’annexe qui contenait une liste d’éléments possibles pour le futur accord a été supprimée. Sous la pression des pays émergents, le texte a été affaibli à la dernière minute et parle de « contributions » et plus « d’engagements ». Ces contributions seront définies nationalement. Aucun processus d’évaluation de ces contributions au regard de l’objectif global des 2°C, comme demandé par l’UE, n’est prévu à ce stade. Or, les engagements volontaires pour 2020 mis sur la table après Copenhague ont démontré que cette approche ne fonctionne pas. La somme des objectifs de réduction pour 2020 nous menent donc tout droit sur la voie d’un monde à +3° voire +4°C.

Parmi les avancées obtenues à Varsovie, on note aussi la création d’un nouveau mécanisme international sur les « pertes et préjudices ». On désigne sous ce terme les conséquences des changements climatiques auxquelles on ne peut pas s’adapter, comme par exemple l’érosion des sols lié à la montée des mers, la désertification, les évènements climatiques extrêmes,… Les pays du Sud demandent depuis des années que les victimes puissent s’en référer à un mécanisme international d’assistance. La création de ce mécanisme est une avancée car il représente une reconnaissance par les pays industrialisés de l’ampleur des dommages causés dès aujourd’hui par les changements climatiques. Mais le mécanisme devra être renforcé à l’avenir pour ne pas se contenter d’échanger des informations et des bonnes pratiques mais offrir également une aide concrète aux victimes.

Concernant les deux autres enjeux principaux de ces négociations à savoir le caractère insuffisant des réductions d’émissions annoncées pour 2020 et les financements « climat » pour les pays en développement, les textes de Varsovie répètent une fois de plus la nécessité d’augmenter le niveau d’ambition et décide… qu’on continuera à en parler l’année prochaine faute de pouvoir se mettre d’accord sur un calendrier, des objectifs précis ou des actions concrètes. Seul le fonds pour l’adaptation, chroniquement sous financé, s’est vu renfloué pour un montant de 100 millions de dollars, avec une participation de la Belgique de 4,45 millions d’euros. Il s’agit de gestes encourageants mais qui restent symboliques. Pour rappel, la communauté internationale s’était engagée à Copenhague à donner 100 milliards de dollars par an d’ici 2020. Quant à la Belgique, elle avait promis 50 millions d’euros pour 2013.

Au milieu de ce tableau plutôt sombre, une touche de lumière est apportée par les décisions prises en matière de protection des forêts. Après des années de négociations, les ONG saluent l’adoption de plusieurs décisions techniques pour opérationnaliser le mécanisme REDD+ qui doit offrit des compensations aux pays tropicaux pour la protection de leurs forêts. Il ne reste plus qu’à décider d’où viendra l’argent…

La dynamique des négociations

Les négociations de Varsovie ont été marquées par une absence de leardership, y compris de l’Union européenne. Les pays industrialisés, qui devraient en premier s’engager pour la cause climatique, sont venus « les mains vides » : sans mesures concrètes pour réduire davantage leurs émissions d’ici 2020 ni clarifications sur la manière dont ils comptent mobiliser les 100 milliards de dollars annuels promis d’ici 2020. Pire, l’Australie, le Japon et le Canada ont adopté une attitude très négative dans ces négociations. L’Australie n’a pas pris la peine d’envoyer son ministre de l’Environnement pour la représenter, celui étant resté au pays pour supprimer la taxe carbone. Quant au Canada, il a salué la décision de l’Australie et publiquement incité les autres pays à n’envoyer qu’un représentant subalterne. Le Japon de son côté a annoncé qu’il révisait à la baisse ses engagements de réduction des émissions de CO2. Au lieu des 25% promis d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990, le Japon se limitera à 3.8% de réduction – et par rapport aux niveaux de 2005, soit une augmentation de 3,1% par rapport à 1990 !

Face au manque flagrant d’ambition des pays industrialisés, les pays en développement ont évidemment été peu enclins à avancer sur un accord global contraignant « applicable à tous ». Les pays émergents ont d’ailleurs pesé de tout leur poids à Varsovie pour réintroduire dans la feuille de route pour Paris, la séparation entre pays industrialisés et en développement, telle qu’elle existe pour le protocole de Kyoto où seuls les pays industrialisés se sont engagés à réduire leurs émissions. Sans vraiment y parvenir face à un refus catégorique des Etats-Unis et de l’Europe.

Il reste deux ans pour conclure un accord global, ambitieux et contraignant à Paris. Les négociateurs vont devoir passer à la vitesse supérieure s’ils ne veulent pas faire de Paris un Copenhague bis. L’Union européenne a une chance de reprendre son leadership dans la lutte contre les changements climatiques en adoptant au printemps prochain un paquet énergie-climat ambitieux pour 2030. Les ONG environnementales demandent au moins 55% de réduction en interne des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 pour que l’Europe fasse sa part du boulot.

Il est grand temps que la communauté internationale réalise que personne ne sortira gagnant de la course actuelle au « moins disant », et que ce seront les populations les plus vulnérables qui paieront la facture de notre inaction.

Cécile de Schoutheete

Anciennement: Développement durable & Énergie