CO2 des transports : comment l’UE peut aider les Etats

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Dans le cadre de son paquet Energie Climat 2030, l’Union européenne (UE) a défini un objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour les secteurs « non-ETS » (soit, principalement, le chauffage des bâtiments, l’agriculture et les transports) de 30% par rapport à 2005. La future directive ESD (pour « Effort Sharing Directive » – directive relative au partage des efforts) précisera l’objectif assigné à chaque Etat membre. Des politiques de rupture seront clairement nécessaires – notamment en matière de maîtrise de la demande de transport – pour atteindre ces objectifs qui s’inscrivent à contre-courant des tendances observées durant les dernières décennies.

L’UE à la rescousse

La bonne nouvelle pour les Etats est que l’UE peut contribuer de manière significative à l’effort à produire en légiférant pour accélérer le rythme de l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules. En 2005, les transports européens émettaient 971 MtCO2éq[Millions de tonnes d’équivalent CO2]] de gaz à effet de serre[[Source: [EU transport in figures, Statistical pocketbook 2014 ]]. Les réduire de 30%, c’est émettre environ 290 MtCO2éq en moins. Des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 des voitures et camionnettes pourraient faire baisser les émissions de 73,6 MtCO2éq en 2030 selon les calculs de la fédération européenne Transport and Environment (T&E). Des objectifs similaires appliqués aux camions et bus pourraient générer une économie supplémentaire de 36,7 MtCO2éq. C’est donc de 110 MtCO2éq qu’une législation européenne en adéquation avec les objectifs de l’ESD pourrait faire baisser les émissions du secteur des transports.

T&E souligne que des voitures qui consomment moins sont non seulement bénéfiques pour l’environnement mais également pour (1) les conducteurs (factures de carburant moins élevées), (2) l’économie (balance commerciale mieux équilibrée du fait de la diminution des importations de pétrole, dépenses des citoyens orientées vers des biens et services plus intensifs en main d’œuvre) et (3) la sécurité énergétique (diminution de la dépendance aux importations). Quelle motivation pourrait dès lors pousser les autorités européennes à l’inaction ? Une trop grande perméabilité aux arguments de l’industrie automobile, bien sûr. Et celle-ci dispose (elle l’a démontré à maintes reprises) des moyens de se faire entendre, même lorsqu’elle raconte n’importe quoi.

Pauvres constructeurs !

En 2007, la Commission européenne proposait un objectif de 130 g/km pour la moyenne des émissions de CO2 des voitures neuves vendues en Europe en 2012. Sergio Marchionne, qui était alors président de l’ACEA (association des constructeurs européens d’automobiles) et CEO de Fiat déclara avec des trémolos dans la voix que les propositions de la Commission européenne « étaient trop coûteuses et chasseraient l’industrie hors d’Europe »[ACEA 2007,[ Annual reception speech ]]. L’objectif a finalement été reporté en 2015 – mais atteint en 2013 (année pour laquelle la moyenne des émissions de CO2 des voitures neuves vendues en Europe s’est établie à 126,7 g/km[[http://www.eea.europa.eu/publications/monitoring-co2-emissions-from-passenger]]). Le discours de l’ACEA relevait donc d’un subtil mélange de désinformation et de délire paranoïaque – le genre de discours que l’on ne peut tenir que lorsqu’on a pignon sur rue.

Les constructeurs, cependant, se sont débrouillés pour donner partiellement raison à Monsieur Marchionne. L’objectif n’a pas été véritablement atteint : la moitié des réductions d’émissions annoncées n’existe que sur papier et résulte de l’exploitation des faiblesses et échappatoires des procédures de test. La législation présente en effet de nombreuses failles dans lesquelles les constructeurs se sont engouffrés, sur base du principe selon lequel ce qui n’est pas précisément interdit est autorisé[[Voir ici : http://www.iew.be/spip.php?article5378 et ici : http://www.iew.be/spip.php?article5654]]. L’écart entre les chiffres annoncés par les constructeurs et la réalité du terrain se creuse d’année en année : il était de 17% en 2008 et de 31% en 2013[[http://www.iew.be/spip.php?article7282]] !

Des voitures plus légères en 2025 ?

Craignent-ils de ne plus pouvoir augmenter la triche et de devoir, dès lors, se mettre sérieusement au travail ? Toujours est-il que les constructeurs refusent obstinément l’idée de se voir assigner, dans la lignée des objectifs 2015 et 2020, un objectif pour 2025 : pas avant 2030, clament-ils en cœur. Ils tentent par ailleurs de retarder l’entrée en vigueur du nouveau cycle de test et d’intégrer dans les nouvelles procédures les échappatoires actuelles.

Or, les réductions d’émissions envisagées (objectif de l’ordre de 70 gCO2/km en 2025) sont raisonnables et peuvent être réalisées sans induire de surcoûts importants. Une récente étude menée pour le compte de la Commission européenne a identifié 34 technologies différentes pour améliorer l’efficacité énergétique des véhicules conventionnels[[DG Climate Action, 2015, Delphi Study 2015]]. Au premier rang de celles-ci, l’allégement des véhicules, qui est une évidence pour qui possède des rudiments de physique[[http://www.iew.be/spip.php?article6344]]. Hélas, la législation européenne encourage les constructeurs à produire des voitures plus lourdes (plus la masse des voitures vendues par un constructeur est élevée, moins l’objectif CO2 qui lui est assigné est contraignant[[http://www.iew.be/spip.php?article7282]]). Modifier le règlement européen pour baser les objectifs sur la taille des véhicules et non sur leur masse permettrait d’encourager les constructeurs à produire des voitures plus légères[[ICCT 2013, Mass reduction impacts on EU cost curves; http://www.theicct.org/mass-reduction-impacts-eu-cost-curves]].

Etats membres et Commission : même combat !

Pour atteindre les objectifs de l’ESD en 2030, les Etats membres européens devront mettre en place des politiques de rupture : diminution de la demande de mobilité et investissements massifs dans les modes de transport alternatifs. L’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules, qui relève des compétences européennes, les aidera grandement. Face à la volonté clairement exprimée par les constructeurs automobiles de limiter autant que faire se peut les contraintes légales, les Etats ont dès lors tout intérêt à faire pression sur la Commission pour que celle-ci :

 propose un objectif 2025 tout à la fois ambitieux et raisonnable : 70 g/km pour la moyenne des émissions de CO2 des voitures neuves

 modifie la législation pour baser l’objectif spécifique assigné à chaque constructeur sur l’empreinte au sol (surface déterminée par les points de contact des 4 roues) de ses véhicules et non sur leur masse

 introduise dès 2017 le nouveau cycle de test WLTP

 limite au maximum la possibilité de tricher sur les nouvelles procédures de test.