Compenser nos émissions? Non, les réduire!

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Les scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ont officiellement présenté début février l’état des connaissances concernant les aspects scientifiques du système climatique et de l’évolution du climat. Sans surprise, leurs conclusions sont alarmantes: très peu de doutes subsistent quant à la responsabilité de l’homme dans le réchauffement aujourd’hui observé [[notre responsabilité est « très probable » selon le GIEC, alors que le terme « probable » était utilisé dans le rapport précédent, datant de 2001.
pour rappel, un Belge moyen émet chaque année 15 tonnes de CO2eq, contre moins d’une tonne pour l’habitant du Bengladesh.]], et l’ampleur de celui-ci semble être plus importante encore que les estimations réalisées par les modèles précédents.

Le message adressé la semaine dernière par les scientifiques aux responsables politiques est sans équivoque: après les discours, place aux actes! Et le gouvernement français se lance modestement: il s’engage à ce que les 1100 tonnes de CO2 (soit l’équivalent de ce que 75 belges « moyens » consomment en 1 an) émises pour permettre aux 500 scientifiques de se rendre dans la «ville lumière», seraient intégralement compensées.
Compensées? Paris financera l’installation de foyers de cuissons à haut rendement en Erythrée, ce qui permettra aux populations de réduire leurs consommations de bois. Les 360 nouveaux fours permettront ainsi de limiter l’impact sur le climat à hauteur des émissions générées par la conférence de Paris. Et de contribuer au développement local de populations en difficultés. Ce type de démarche bénéficie d’un important effet de mode depuis peu: organisations, particuliers, responsables politiques recourrent de plus en plus à ce mécanisme de compensation afin de faire valoir leur impact « neutre » sur le réchauffement global. Une société de taxis londoniens se présentent ainsi depuis peu comme la première compagnie de taxis « neutre en CO2 ». Dans notre pays également, les entreprises se montrent de plus en plus intéressées par ce mécanisme qui leur permettrait de « relooker » quelque peu leur image.

La démarche est séduisante. Pourtant, la plus grande prudence est de rigueur. Certains projets proposés par des organismes de compensation méritent un minimum d’analyse critique: la plantation d’arbres, par exemple, figure souvent en très bonne place dans leur « catalogue ». Or, ces plantations ne constituent pas une solution durable, la compensation n’étant que temporaire: lorsque l’arbre meurt (ou est abattu) le CO2 stocké est rendu dans l’atmosphère. D’autres organismes proposent des projets de développement dans les pays du Sud. Mais comment s’assurer que le financement accordé donnera effectivement lieu à des réductions d’émissions équivalentes aux émissions compensées? La plupart de ces projets ne bénéficient en effet pas d’une certification reconnue, telle que les « Gold Standards » définis par le WWF. Un autre risque inhérent à ce type de pratique est celui de déresponsabiliser ou déculpabiliser les citoyens qui en ont les moyens en leur permettant de racheter leurs émissions (en payant quelques euros supplementaires à son vol « low-cost » lors d’un week-end à Barcelone par exemple). Les indulgences ne sont pas très loin, qui permettaient de racheter ses péchés en monnaies sonnantes et trébuchantes.

Ne l’oublions pas, le message principal qui doit être adressé aujourd’hui est celui d’une réduction de nos propres émissions.

Pour que la démarche CO2 équitable soit pleinement positive, avant de s’y engager, il convient de vous poser quelques questions :

• Le calcul de mes émissions est-il fiable ?

• Ne vais-je pas financer des puits de carbone ?

• Par-delà leur impact environnemental positif, les projets que je finance sont-ils également respectueux des droits humains et sociaux, du développement durable ?

• Si je fais le choix d’acheter des « crédits carbone », suis-je certain que ceux-ci sont certifiés par un organisme compétent ?

Mais avant tout, avant de poursuivre une telle démarche, demandez-vous si ces émissions ne pourraient pas simplement être évitées au lieu d’être compensées!

Pour plus d’infos :

Compte-rendu de la Conférence du GT1 du GIEC à Paris(en anglais).

Pages Web d’Inter-Environnement Wallonie sur la compensation des émissions.

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