Crises et sortie de crises

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Dans le cadre de sa Semaine Sociale, le MOC a organisé les 16 et 17 avril dernier, deux journées de réflexion autour du thème « Crises et sortie de crises ». Les participants se sont attachés non seulement à poser les constats des crises en cours mais aussi et surtout à interroger les perspectives de sortie de crise(s). Ce qui a conduit à une remise en question des modèles de croissance et de développement au profit d’une société plus juste et respectueuse de l’environnement.

«Crises et sortie de crises», en voilà un sujet vaste… Le MOC a décidé de l’attaquer sous trois angles, allant de la compréhension de la crise au débat sur le modèle de développement souhaitable, en passant par les enjeux propres au mouvement social.

Des constats aux remises en question

Crise globale versus crises multiples

Faut-il le rappeler, la crise qui nous frappe apparaît globale, systémique et ne semble épargner personne, touchant pays développés comme pays émergents dans tous les domaines (financier, énergétique, alimentaire, économique).

Les effets de la crise se sont faits ressentir chez nous fin 2008. Pourtant, cette crise puise ses racines bien antérieurement, dans une succession continue de crises qui ont traversé les décennies précédentes : les chocs pétroliers, l’éclatement de la bulle internet ou encore l’envol du prix des denrées alimentaires en sont quelques exemples.

Il s’agit certes d’une crise mondiale mais ses effets n’en sont pas moins ressentis à diversement, pays pauvres et franges de population fragilisées des pays riches se trouvant aux premières loges du séisme.

Quelles origines ?

Limiter les causes de la crise aux seuls subprimes américains serait réducteur. Dans ce cas d’espèce, le système financier (américain) apparaît basé sur l’exploitation des pauvres, sur leur incapacité de remboursement immédiat, dans un contexte dénué de toute régulation. Et les banques tirent largement leur épingle du jeu : d’une part, en encaissant sur plusieurs années les remboursements mensuels des ménages précarisés et, d’autre part, en bénéficiant, en cas de crash, de biens dont la valeur avait doublé en quelques années seulement.

Bien au-delà des origines avancées par maintes institutions «conventionnelles», il y a dans ce phénomène la faillite d’un système, capitaliste de son état, avec à sa base des inégalités sans cesse croissantes. Inégalités multiples parce que constatées tant entre pays du Nord et pays du Sud qu’au sein même de ces pays. Rappelons à cet égard le triste constat dressé par le PNUD, selon lequel les 500 personnes les plus riches du monde gagnaient, en 2005, autant que les 416 millions les plus pauvres… Interpellant, non?

La crise est donc avant tout une crise de répartition. Sans crédit, et donc d’endettement, la croissance ne peut suivre sa courbe exponentielle. En d’autres termes, le capitalisme financier se nourrit et se développe de travailleurs mal payés, précarisés, insécurisés mais surtout surendettés de sorte à pouvoir consommer tant et plus tel que le dicte la sacro-sainte croissance, en vertu de laquelle bien-être rime avec accumulation de biens.

Mais par ailleurs, la leçon vitale de la crise pourrait résider dans le fait, dont nous prenons de plus en plus conscience, que nos modes de production et de consommation nous mènent inéluctablement à une impasse, celle-là même de la finitude de nos ressources naturelles.

Contours d’une sortie de crise(s)

Les deux dimensions, environnementale et sociale, de la crise que nous traversons nous invite à une stratégie de sortie de crise qui ne peut nous renvoyer à un modèle au sein duquel les inégalités entre les êtres humains seraient encore exacerbées et les ressources terrestres exploitées à outrance.

Le libéralisme, au nom duquel la compétition – et de surcroît les inégalités – constitue le moteur du développement et le bien-être de chacun se réalise au travers de la liberté individuelle, ne peut en aucun cas être relancé. Penser que le libéralisme pourrait suppléer aux inégalités et défis environnementaux est un leurre. Au contraire, il nous faut résolument changer de paradigme, oser remettre fondamentalement en cause notre modèle de croissance.

De l’urgence sociale…

Le mouvement social ne peut toutefois faire l’impasse sur le court terme, lequel nécessite de pallier à une situation d’urgence sociale avec des emplois à préserver et la sécurité d’existence de la population à garantir. Toute la difficulté est là : articuler court et moyen (et long) termes.

Ainsi, l’innovation sociale devrait supplanter l’innovation financière, de nouvelles formules de redistribution de l’emploi et des richesses devant émerger.

Si ces réponses court-termistes à des défis sociaux sont cruciales aux yeux des militants de gauche, il n’en est pas moins de la vision lointaine que l’on doit avoir dès aujourd’hui et qui doit nous pousser à oser interroger notre modèle économique…

… à la nécessité de définir un nouveau modèle de développement

Le défi auquel nous faisons face nous impose de revoir notre développement économique. Ce qui ne peut se faire sans instaurer un nouveau paradigme au sein des arcanes décisionnelles.

Aujourd’hui, toutes les institutions se forcent à croire que seule une économie dynamique est à même de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux. Or, cette vision doit impérativement, dans une perspective de société durable, être inversée, la promotion de la cohésion sociale et la protection de l’environnement devant se trouver en amont. Ceci présuppose une mise à nu de nos modes de production, de consommation, auxquels serait intégrée, comme prérequis, la notion de justice sociale.

Une telle démarche est indispensable. Sans cela, nos dirigeants ne feront que tenter d’ajuster le capitalisme immédiat, s’éloignant fortement de ce qu’impose une démarche de développement durable[Source : ETUI (2009), Changer de paradigme : la justice sociale comme prérequis au développement durable. Téléchargeable sur [www.etui.org/publications.]]. Il est en effet temps de sortir du capitalisme vert où voitures soi-disant «propres», agrocarburants ô pourtant combien contestés, etc. se voient inondés de cadeaux fiscaux.

Trois outils d’action chers à la mouvance sociale

– L’outil fiscal, un impératif

Face à la situation économique, aux plans de relance, l’Etat n’aura d’autre choix que de trouver de nouveaux moyens financiers. Mais pas question que cela se fasse par le biais d’une fiscalité inéquitable, tel qu’aujourd’hui où le fossé entre hauts et bas salaires ne cesse de s’accroître.

Dès lors, il y a lieu en premier chef de combattre la fraude fiscale, ensuite de rendre l’impôt plus juste et plus progressif et, enfin, de mettre en place une taxation correcte et suffisante des revenus du capital.

– La pérennisation de la sécurité sociale

Qui dit crise économique dit diminution de travailleurs cotisants et, ce faisant, baisse significative des recettes alimentant notre système de sécurité sociale. Face à cela, le mouvement social, rallié par les organisations syndicales, appelle à un élargissement de l’assiette de financement de la sécurité sociale, financement qui serait alimenté sur l’ensemble des revenus, en ce compris ceux du capital.

– Le rôle de l’État

L’État, en tant que garant du bien-être de ses citoyens, a un devoir d’orientation judicieuse des deniers publics. Cela implique d’offrir aux citoyens des services publics de qualité et en suffisance, d’assurer un contrôle réel du système financier, de soutenir et développer les services non-marchands (notamment dans l’accueil de l’enfance, dans l’accompagnement des personnes âgées et handicapées). Mais aussi de stimuler et accompagner les comportements de la population vers davantage de durabilité.