Demain, la gouvernance participative

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Face à l’effroi provoqué par les attentats de Bruxelles, les mots nous manquent pour qualifier la barbarie qui a brisé au moins 31 vies et traumatisé des centaines d’autres en ce funeste 22 mars. Toutes nos pensées sont d’abord dirigées vers les victimes et leurs proches. Si le chagrin des Belges est immense, aujourd’hui, c’est aussi parce que les commanditaires de cette tuerie veulent saper les fondements de notre vivre ensemble et de nos libertés. En tant que démocrates nous devons nous interroger sur ce qui est à notre portée pour mieux comprendre et agir sur les formes d’obscurantisme et de haine qui peuvent conduire à la négation de l’autre et in fine de la vie. Ne pas céder à la terreur et poursuivre un idéal de progrès humain, de société ouverte et de bien-être partagé demeurent sans doute les meilleures réponses à apporter aux sinistres disciples de Daesh.

Dans ce contexte, le débat sur le renouveau démocratique en Wallonie peut être porteur de sens. Car la capacité de notre démocratie à répondre à des enjeux complexes qui touchent, d’une manière ou d’une autre, à la cohésion sociale, passe aussi par une réinvention de nos institutions et de leur manière d’être en relation avec les citoyens.

A cet égard, la volonté de l’actuelle majorité gouvernementale PS-CDH, appuyée par le MR, de mettre en oeuvre la consultation populaire à l’échelle régionale est à souligner. Certes, le texte proposé n’ouvre pas son possible champ d’action à des matières internationales comme le traité TTIP, qui mériterait un large débat public en soi. Mais il permettrait, par exemple, de consulter la population sur l’acceptation d’un objectif ambitieux en matière de développement éolien sur le territoire wallon. Or, ce développement crucial pour la Wallonie est bloqué, aujourd’hui, par l’absence d’initiative de cette même majorité gouvernementale…

Outil de la démocratie directe, la consultation populaire – qui n’est pas à l’abri de dérives de récupérations politiques comme on l’a vu récemment dans le cas namurois[« [Parc Léopold : le pot de sève contre le pot de fer »]] – n’est pas une baguette magique. Cette consultation ne (re)construira pas, à elle seule, les ponts qu’il convient de bâtir pour combler le fossé entre citoyens et pouvoirs publics (et vice versa). Mais c’est un embryon, au même titre que le droit de pétition ou de consultations publiques initiés par le Parlement, d’une nouvelle configuration de la participation qui pourrait voir le jour en Wallonie.

Mise en oeuvre de panels citoyens sur la transition, création de forums participatifs sur les grands enjeux à l’échelle des bassins de vie, élaboration de commissions mixtes “élus-citoyens tirés au sort” sur des enjeux de société, mise en route de l’e-participation avec l’administration, budgets participatifs à l’échelle communale, inclusion des groupes majeurs (femmes, jeunes, associations,…) au Conseil économique et social de Wallonie… Les initiatives pour revivifier la démocratie directe et indirecte ne manquent guère dans le paysage européen. D’une manière ou d’une autre, elles témoignent des réponses innovantes face au désenchantement démocratique[ [Démocratie, vers la fin d’un modèle ? Diagnostic et remèdes.]].

Il serait dès lors regrettable que la Wallonie se limite à la question du cumul des mandats et à la mise en oeuvre de la consultation populaire pour solder la réflexion initiée par le Parlement sur le renouveau démocratique. Loin des jeux de pouvoir et de la particratie habituelle, de nombreux citoyens se tournent aujourd’hui vers les solutions à leur portée. C’est le chemin indiqué par le succès phénoménal du film “Demain”, dont les séances se clôturent par les salves d’applaudissements aux quatre coins de la francophonie. Une nouvelle gouvernance participative constituerait le meilleur prolongement de cette aspiration à réinventer l’avenir. Cet engouement citoyen constitue un formidable levier pour améliorer “l’état de la Wallonie”, dont le ministre-président wallon devrait dresser le second bilan ce jeudi et pour répondre à des enjeux aussi complexes que les changements climatiques. Car sans minimiser la gravité du contexte que traverse la Belgique aujourd’hui à travers le deuil auquel elle est confrontée, il est utile de rappeler que l’enjeu climatique constitue une menace au moins aussi importante que le terrorisme pour la sécurité internationale. Il est urgent que nos responsables politiques situent ce défi au niveau 4 de l’échelle des priorités.

Christophe Schoune

Anciennement: Secrétaire général