Des pesticides interdits toujours en circulation

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La législation européenne règle la mise sur le marché des produits phytosanitaires et notamment des substances actives qui y sont présentes. Il existe ainsi une « liste positive » dans laquelle on retrouve toutes les matières actives autorisées. Suite aux évaluations réalisées dans le cadre de cette législation, il arrive que l’autorisation de certaines molécules soit retirée. Ce fut notamment le cas du paraquat . Si tout semble fonctionner en théorie, lorsqu’on y regarde de plus près, le système présente pourtant quelques faiblesses.

L’administration en charge de l’application de la législation au sein du Service Public Fédéral Santé publique publie bien sur son site les décisions de retrait des molécules mises en cause. Cependant, il semblerait qu’entre la communication de l’interdiction d’une molécule et le moment de sa disparition du marché, il se passe au minimum… 18 mois. C’est-à-dire qu’un délai de six mois est laissé pour « liquider » les stocks et un autre délai de 12 mois supplémentaires est donné aux professionnels (notamment les agriculteurs) pour utiliser les produits achetés.

Quelle est en définitive la valeur légale de cette démarche? Il apparaît que l’AFSCA, l’organisme de contrôle de l’application de cette législation, n’a aucun moyen juridique de faire cesser l’utilisation des produits qui ont perdu leur agréation. En effet, la législation en vigueur et plus précisément l’article 7 de l’Arrêté royal du 28/2/1994 stipule qu’ « il est interdit de mettre sur le marché, de préparer, de transporter, d’importer, d’offrir, de mettre en vente, de détenir, d’acquérir ou d’utiliser un pesticide à usage agricole qui n’a pas été préalablement agréé par le ministre ». Cet article ne concernerait toutefois pas les produits qui ont reçu préalablement une agréation qui leur a été retirée par la suite (ces molécules ont bel et bien été préalablement agréées – même si elles ne le sont plus…). En clair, rien n’empêche un détenteur de produit agréé puis interdit d’utiliser l’ensemble des stocks qu’il détient.

Un tel vide juridique entraîne par conséquent une paralysie des capacités d’inspection des stocks existants chez les utilisateurs. En outre, la question se pose de la destination qu’on peut donner aux stocks saisis : des produits qui ne sont plus agréés et dont la détention a dépassé le délai accordé sont-ils ou doivent-ils être considérés comme des déchets dangereux? Et donc relèvent-ils de la législation régionale en vigueur? Il semble donc urgent de modifier cet article 7 afin qu’il prenne en compte la gestion des produits retirés de la vente.

Par ailleurs, lorsqu’un produit va perdre son agréation, le détenteur a intérêt à « liquider » sa production auprès des distributeurs, prétextant la future pénurie d’un produit « efficace » et à brader les prix pour écouler ses stocks. Le distributeur final se retrouve alors avec un stock du produit concerné sur les bras, le client final (souvent l’exploitant agricole) hésitant à constituer lui-même des stocks d’un produit qui sera prochainement interdit et dont il devra parfois remettre la partie non utilisée au distributeur .

Une fois de plus, il semble que l’application du principe du pollueur payeur pourrait remédier à la situation. Le détenteur d’agréation devrait reprendre l’ensemble des invendus (sur un délai restant à préciser par les autorités) et resterait de cette manière responsable des stocks qu’il met sur le marché.

Canopea