Du radon au Parlement wallon

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Le radon, gaz naturellement présent dans les sols, est responsable, à certaines concentrations, de dommages pour la santé. Si des actions concrètes ont déjà vu le jour pour lutter contre les effets de ce gaz, notamment à l’initiative des Provinces à travers les « ambulances vertes », beaucoup reste à faire. La commission « santé » du Parlement wallon a pointé la nécessité d’organiser une meilleure collaboration entre les différents pouvoirs publics concernés (Fédéral, Régional, Provincial, Santé, Environnement, Logement) pour proposer des outils de prévention et de remédiation concrets et efficaces pour tous, harmoniser les pratiques et disposer de l’ensemble des données.

Le radon en bref

Le radon est un gaz d’origine naturelle, inodore, incolore, radioactif qui provient de la désintégration de l’uranium et du thorium présents naturellement en proportion variable dans la croûte terrestre. Les concentrations élevées sont généralement associées aux roches granitiques, à certaines roches volcaniques et à certains schistes. En Belgique, c’est donc surtout le sud du pays qui y est exposé, mais pas uniquement.

À l’air libre, la quantité de radon gazeux est tellement minime qu’elle ne présente aucun risque pour la santé. Ce n’est plus le cas dans un espace confiné où le radon peut s’accumuler pour atteindre une concentration élevée. Ce risque se rencontre notamment dans les caves peu ventilées suite à des infiltrations par des fissures. Dans une même région, deux maisons voisines peuvent donc présenter des concentrations très différentes en fonction du terrain sur lequel elles sont bâties (présence de filon minéralisé et de fractures), du mode de construction et de la ventilation des lieux.

L’intensité du dégagement de radon dépend également des conditions atmosphériques et de la température. C’est à l’automne que le dégagement est le plus intense après le réchauffement du sous-sol pendant tout l’été. Il y a aussi des fluctuations au cours de la journée : le maximum est atteint après le réchauffement du sol, donc la nuit.

Quels sont les degrés d’exposition et leurs risques ?

La concentration de radon se mesure en Becquerel [[Becquerel : Unité de mesure de la radioactivité d’un corps. (1 Bq = une désintégration ou rayonnement alpha, beta ou gamma par seconde).]] par m3. La concentration moyenne est de 40 Bq/m3 pour la Flandre et de 80 Bq/m3 pour la Wallonie. On estime que 1% des maisons wallonnes dépassent 400 Bq/m3 mais ce taux atteindrait 10% dans la province du Luxembourg où 4% des maisons seraient même au dessus de 1000 Bq/m3. En France, 6,5% des habitats français présenteraient des niveaux de radon compris entre 200 et 400 Bq/m3 et 2 % des niveaux de radon supérieurs à 400 Bq/m3.
Etant radioactif, les atomes de radon se désintègrent pour donner des descendants à vie courte, émetteurs de rayonnements ionisants. Ces produits de désintégration sont également radioactifs et s’associent aux poussières véhiculées par l’air que nous respirons. Ils émettent des particules alpha dont l’énergie est absorbée par les surfaces qu’ils heurtent. La peau est suffisamment épaisse pour ne pas être affectée, mais ce n’est pas le cas des tissus mous, des bronches et des poumons. Les produits de désintégration du radon s’accumulent dans le tissu pulmonaire et l’irradient. Des décennies peuvent s’écouler entre l’irradiation et l’apparition d’un cancer. Le risque du cancer du poumon augmente avec le nombre d’atomes de radon présents dans l’air d’un espace clos et avec la durée pendant laquelle on respire cet air. Il existe un effet de synergie tabac + radon. En effet, à exposition égale le risque d’avoir un cancer du poumon est vingt-cinq fois plus élevé pour un fumeur que pour un non fumeur.
Les résultats récents des études épidémiologiques effectuées sur les continents américain et européen confirment bien l’existence d’une augmentation du risque de cancer du poumon en rapport avec l’exposition au radon dans l’habitat [[Darby S et coll. Radon in homes and risk of lung cancer: Collaborative analysis of individual data from 13 European case-control studies. BMJ. British Medical Journal. 330, 223 – 227. 2005 et Krewski D et coll. Residential radon and risk of lung cancer: a combined analysis of 7 North American case-control studies. Epidemiology. 16:137-45. 2005]]. Selon les estimations de cette grande étude épidémiologique européenne le risque de cancer du poumon augmenterait de 16% chaque fois que les niveaux moyens de radon auxquels on est exposé dans sa maison augmentent de 100 Bq/m3.
Pour l’heure, seule une directive européenne précise que le taux ne devrait pas dépasser le niveau de 400 Bq/m3 dans les habitations existantes et de 200 Bq/m3 pour les bâtiments à construire.

Que faire pour sa maison ?

Avant la construction : se renseigner sur le risque d’avoir de fortes concentrations de radon et effectuer, le cas échéant, des mesures de radon (à même le sol) ainsi que des mesures de perméabilité du sol. Si nécessaire, adopter des mesures de protection appropriées. Elles se réduisent souvent à l’installation dans les fondations d’un film plastique imperméable.
Pour une maison existante : effectuer des tests permettant de mesurer la concentration de radon dans les différentes pièces du bâtiment (surtout sous-sol). Si les tests indiquent une concentration élevée de radon (>400Bq/m3), adopter des mesures de remédiation. Quand la totalité de la surface du bâtiment est pourvue de caves, il y a une possibilité de l’équiper d’un système de ventilation pour évacuer le radon qui y est piégé. Il est conseillé de faire appel au centre radon de sa province qui pourra utilement recommander des entrepreneurs compétents.

Que fait la Région wallonne ?

Le radon est une des priorités retenues par le Gouvernement wallon le 2 juin 2005 dans le cadre de l’élaboration de sa stratégie régionale en matière de santé environnementale. Le Cabinet de la ministre Vienne (ministre wallonne de la santé) et l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) examinent la question de l’identification des habitations touchées dans les zones à risque, du seuil au-delà duquel des mesures de remédiation s’imposent ainsi que des mesures de prévention susceptibles d’être mises en oeuvre dans les zones à risque.
Depuis début 2006, une étude sur les concentrations de ce gaz est menée de concert par le Service d’Analyse des Milieux Intérieurs (SAMI) de la Province de Luxembourg et l’AFCN qui prête son matériel pour mener à bien ces mesures. Les résultats sur cinq communes (Betrix, Libramont, Neufchateau, Paliseul, Saint-Hubert) montrent des taux élevés qui concerneraient 10.000 habitants (subissant plus de 400 Bq/m3) et plus de 1.000 habitants (concentrations supérieurs à 800 Bq/M3). En 2007 et 2008, onze nouvelles communes devraient normalement bénéficier de cette action. Une cartographie détaillée est annoncée pour fin 2008.
Au niveau du Gouvernement wallon, même si dans le cadre des primes à la réhabilitation le radon a déjà une place, des discussions sont en cours pour que cette dimension puisse être intégrée, à terme, dans les régimes d’aide existants (au logement) de manière à permettre aux personnes à faibles revenus de bénéficier d’une aide à la remédiation. Par ailleurs, le radon pourrait être pris en compte dans le cadre du 9ème critère de salubrité pour les logements (à définir). Enfin, des mesures de précaution, telle la pose d’une bâche d’étanchéité, devraient être intégrées dans la règlementation relative au permis d’urbanisme. Enfin, une concertation est programmée prochainement au fédéral par le Ministre de l’Intérieur en vue d’examiner les modalités d’assainissement, notamment par le biais d’un fonds public « radon ».

Mais encore ?

Une caractérisation objective des expositions et des risques doit être encouragée. Parallèlement la recherche devrait veiller à améliorer les connaissances concernant la nocivité pour d’autres organes que les poumons, les effets sur la santé du radon potentiellement présent dans l’eau, les effets lors d’une exposition dans l’enfance…
D’une manière plus globale, il serait nécessaire de généraliser les collaborations entres les observatoires provinciaux de la Santé pour présenter une approche unique. Les Provinces ont développé une expertise en matière de pollutions intérieures à travers les « ambulances vertes ». Il est nécessaire de mettre en place un véritable partenariat visant à harmoniser les pratiques et à disposer de données relatives aux observations effectuées afin de rendre encore plus efficientes les politiques en matière de santé-environnement.

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