Electricité: Antoine tente de « booster » les certificats verts.

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23 % d’électricité verte dès 2010. Soit près de 6 milliards de kWh. L’équivalent de la consommation actuelle des ménages wallons. Tel est l’objectif du Plan wallon pour la maîtrise durable de l’énergie. A côté des aides à l’investissement, d’éventuelles conditions favorables de raccordement au réseau, et de certaines obligations de rachat, le marché « virtuel » des certificats verts (CV) constitue sans conteste le premier outil de promotion de techniques de production d’électricité innovantes comme la cogénération, la biométhanisation l’éolien ou les centrales bois, sans parler de l’énergie hydraulique déjà largement exploitée. Pour chaque 456 kg de CO2 évités (en comparaison d’installations classiques), et pendant une durée de 10 ans [[Une des nouvelles mesures annoncées par Antoine consiste à relever à 15 ans cette garantie d’octroi, probablement pour la cogénération à partir de biomasse humide et pour le photovoltaïque, filières qui en ont aujourd’hui besoin.]], les producteurs se voient accorder un certificat vert (CV) que les fournisseurs d’électricité sont tenus d’acheter dans des proportions croissantes. Pour chaque centaine de millier de kWh vendus à leurs clients, les fournisseurs doivent en effet remplir un quota de 6 CV en 2006, 7 CV en 2007,…. « Et, ainsi de suite », vient de décider le gouvernement wallon. Ce qui nous mènera à 12 CV en 2012.

Or, le niveau des quotas détermine largement la masse financière « pompée » sur l’ensemble des consommateurs d’électricité pour financer le développement de ces filières.

Ainsi, en 2005, 90 millions d’euros [[Ce chiffre considère le prix moyen des transactions observées par la Cwape. Il valorise donc le certificat vert au prix du marché, ce qui ne correspond ni au surcoût réel des installations de productions d’électricité verte, ni au prix « arbitraire » fixés entre fournisseurs et producteurs appartenant au même groupe financier. Ce chiffre, comme les suivants, correspond donc à une évaluation maximale du surcoût supporté par les consommateurs finaux.]] ont été redistribués en faveur des producteurs d’électricité verte, tandis que 13 millions d’amendes pour non respect de quota ont alimenté le fonds énergie et qu’une réduction de quota de 16 millions a été accordée aux industries ayant passé un accord de branche. En 2010, un quota de 10 CV par 100 000 kWh fournis, ferait passer ce transfert à 185 millions d’euros, et le « cadeau » consenti aux industriels à 42 millions. Pour autant bien sûr, que le marché des CV continue de les valoriser à 90 euros et que de nouveaux accords de branche ne soient pas signés.

185 millions d’euros ! Près de dix fois le (maigre) budget de la Division de l’énergie. Près de dix fois le budget du fonds énergie, actuellement majoré des amendes. Une somme jugée inadmissible par les industries énergivores qui verraient de ce fait augmenter le prix de leur kWh. Celles-ci réclament donc une réduction supplémentaire des quotas imposés à leurs fournisseurs. En vain, le gouvernement ayant décidé de remettre à 2009 la possibilité d’une telle nouvelle exonération. N’empêche que leurs pressions ont poussé le gouvernement à définir des quotas « minimalistes ». Pour 2012, l’Apere [[Association (membre d’IEW) pour la promotion des énergies renouvelables.]] réclamait 22 CV, et Edora [[Fédération des producteurs d’électricité verte.]] 17 ! Soit, pour 2010, des budgets respectifs de 290 et 235 millions d’euros. Nous ne leur donnons pas tort, car la coquette somme de 185 millions d’euros est insuffisante pour nous permettre d’atteindre les objectifs du Plan. Sur base des projections de la Cwape un quota de 10 CV en 2010 ne permettrait en effet d’atteindre que 11% d’électricité verte. On est donc très loin de l’objectif de 23%.

On en serait probablement resté là si de nombreuses voix ne s’étaient élevées pour dénoncer le fait que plusieurs producteurs d’électricité verte bénéficient de certificats verts pour des installations qui n’en ont pas besoin pour être rentables. Il s’agit essentiellement des barrages hydrauliques déjà amortis et de la centrale des Awirs qu’Electrabel a tout récemment adaptée pour fonctionner au bois plutôt qu’au charbon. Or, attribuer des CV à des installations qui n’en ont pas besoin, limite d’autant le nombre de CV disponibles pour de nouveaux projets qui ne pourraient voir le jour sans cela. En outre, les fournisseurs « nouveaux entrants » se plaignent de l’entrave à la concurrence que constitue cet octroi « abusif ». Alors que ces derniers doivent supporter l’achat de CV à 90 euros, les fournisseurs associés aux producteurs historiques bénéficient évidemment de coûts plus faibles, leurs centrales étant déjà amorties.

D’où l’excellent projet du Ministre de l’énergie de ne plus autoriser de telles largesses. Une façon d’améliorer l’efficience du mécanisme des CV. Pour un même quota, et pour un même coût supporté par les consommateurs, la Wallonie disposera de plus d’électricité verte. Si le projet se concrétise, on pourrait ainsi espérer passer de 11 à 13 % d’électricité verte en 2010. On se rapproche donc un peu plus des objectifs du Plan. Reste donc à imaginer et mettre en place les mesures complémentaires permettant de soutenir ces nouvelles filières, en visant tout spécialement la cogénération dont le décollage se fait tardif. En la matière, un coup de pouce du fédéral serait bienvenu, celui-ci disposant des outils nécessaires à une meilleure valorisation des kWh produits par de telles installations performantes.

Reste enfin que l’octroi abusif de certificats verts ne constitue qu’une partie des bien réelles  entraves à la concurrence. Alors que la Cwape a chiffré cet avantage  à 20 millions d’euros par an, l’amortissement accéléré des centrales nucléaire (et charbon dans une moindre mesure) constitue aujourd’hui un avantage de plus de 150 millions d’euros par an pour Electrabel, rien que pour la Wallonie [[Voir Eric de Keuleneer sur  http://www.electrospector.com/  L’ancien comité de contrôle (des prix) avait consenti à un amortissement rapide des centrales nucléaire, arguant que les consommateurs bénéficieraient ensuite de prix meilleurs marchés. Comme les coûts de fonctionnement des centrales nucléaire sont très faibles, et que le prix du kWh est aujourd’hui un prix de marché, Electrabel engrange de colossaux bénéfices. La vieille promesse du comité de contrôle de prix ultérieurs meilleur marchés est aujourd’hui sapée par la libéralisation..]] Aussi, une proposition  de Bart Martens (sénateur SPA) vise à taxer à 23% les bénéfices exceptionnels réalisés grâce à des centrales amorties, histoire de restaurer des conditions correctes de concurrence et de faire baisser les prix. Un usage alternatif de tels budgets permettraient, comme cela s’est fait aux Pays-Bas, de financer les quelques 10 % d’électricité verte qui risquent bien de nous faire défaut en 2010….

Thibaud De Menten

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Crédit photographique : http://energie.wallonie.be/

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