Élevages industriels : défaillance et impuissance

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De nombreux projets d’élevages industriels sont en cours d’étude d’incidences et devraient bientôt arriver à l’enquête publique. Or, l’une des première études réalisées depuis la fin du moratoire sur les élevages industriels mis en place lors de la législature précédente vient d’être retirée par le demandeur au terme de l’enquête publique. Un retrait indispensable au vu de la piètre qualité de l’étude d’incidences. Mais ce cas a également « mis en évidence » les insuffisances législatives existantes en Région wallonne et la caducité des conditions édictées par les communes pour limiter leur impact environnemental. C’est donc, relativement à ces projets, le permis d’environnement qui est mis sur la sellette.

Études d’incidences: théorie

Une étude d’incidences sur l’environnement est une étude technique et scientifique approfondie des impacts d’un projet sur l’air, le sol, les eaux de surface et souterraines, la faune et la flore, la production de déchets, les émissions sonores… Cette étude doit apporter une description du projet, identifier, décrire et évaluer ses impacts. Mais l’étude doit également étudier les solutions de substitution, proposer des mesures d’atténuation et fournir des recommandations en vue d’améliorer le suivi. Pour les élevages industriels, le bureau d’études doit aussi s’assurer que le projet minimise à la source les pollutions en proposant au demandeur l’utilisation des meilleures techniques disponibles (directive IPPC) pour les éviter.

Études d’incidences: pratique

Dans les faits, les études d’incidences pour les élevages industriels sous-évaluent systématiquement les impacts des projets car les bureaux d’études considèrent trop souvent que le respect des législations et des normes existantes est une garantie suffisante. Ainsi, le respect du Programme de Gestion Durable de l’Azote en Agriculture est considéré comme suffisant en soi. Un raccourci inacceptable car le PGDA, qui, selon nous, est insuffisant, ne peut et n’a pas pour vocation de prendre en compte les spécificités locales. Cet aspect doit être analysé à travers le permis d’environnement, démarche bien comprise en France par exemple, où le permis porte explicitement sur les terres d’épandage.

De plus, dans les études d’incidences, certaines émissions ne sont pas prises en compte par les bureaux d’études et leur impact n’est tout simplement pas évalué… Dernièrement, une étude d’incidence a simplement  »oublié » de prendre en compte la directive IPPC et donc la mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles pour limiter les pollutions.

Vers des délocalisations « environnementales »

Si l’on peut difficilement comprendre de tels oublis de la part de bureaux d’études, il n’est reste pas moins étonnant que les demandeurs, au nombre desquels les intégrateurs sont de plus en plus représentés, déposent des études aussi lacunaires. Hasard? Pas sûr: l’utilisation des meilleures techniques disponibles conduit aussi à des surcoûts conséquents. Notons simplement que ces surcoûts sont acceptés en Flandre malgré un coût déjà élevé pour de la gestion des effluents, saturation en lisier oblige…

Une responsabilité endossée par les communes

Face à la spécificité et la technicité de ces projets, les administrations communales sont démunies. Et, pour peu que les dossiers passent un peu trop vite au sein de l’administration régionale tenue à des délais de rigueur, elles endossent toute la responsabilité. L’absence de conditions sectorielles définies par le gouvernement devient, de ce point de vue,réellement inacceptable.

La législation wallonne est source d’insécurité juridique pour les communes. Les conditions particulières qu’elles joignent au permis d’environnement, indispensables pour compléter l’absence de conditions sectorielles, sont souvent caduques pour tout ce qui touche à la gestion des effluents… En effet, la jurisprudence du Conseil d’Etat tend à considérer qu’il existe une indépendance entre la police administrative relative à la gestion de l’azote et celle régissant le permis d’environnement. Les conditions particulières édictées par la commune en lien avec la gestion des épandages les rendent donc caduques. Ces dispositions pourraient être contestées par les exploitants… laissant les communes sans moyen pour assurer la protection des captages, la biodiversité et la qualité de vie en milieu rural.

Une situation intolérable alors que les projets d’élevages industriels se sont multipliés en Région Wallonne depuis la sortie, de fait, du moratoire.

Crédit photographique: www.cdch.be

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité