Enfin une taxe sur les billets d’avion! (Aéroports wallons et Ryanair grondent…)

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Dans le cadre de son travail d’équilibre budgétaire, le Gouvernement wallon a décidé l’instauration d’une taxe de trois euros sur les billets d’avion au départ des aéroports de Gosselies (« South Brussels ») et de Liège-Bierset.
Réclamant de longue date la mise en place d’une fiscalité sur un mode de transport aussi polluant que favorisé par les pouvoirs publics (pas de TVA sur les billets, non-taxation du kérosène sans parler des généreuses aides en tous genres consenties pour le développement des infrastructures aériennes régionale), IEW ne peut évidemment que se féliciter d’une telle mesure. On regrettera néanmoins qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une recherche de rentrées supplémentaires et ne résulte pas d’une volonté claire et assumée de pénaliser les comportement nuisibles à l’environnement. De même, il eut été souhaitable que les recettes générées par cette taxe nouvelle ne serve pas à combler un déficit budgétaire mais plutôt à soutenir des politiques engageant la Wallonie dans une économie pauvre en carbone.

Comme on peut s’en douter, les opérateurs aériens et aéroportuaires ne partagent pas notre satisfaction. La RTBF fait ainsi état des réactions courroucées des uns et des autres.

«C’est une réaction de totale incompréhension quand on sait que la plupart des autres pays qui avaient lancé ce type de taxe ont fait marche arrière vu l’impact hyper négatif sur le développement» lance l’administrateur délégué du Brussels South Charleroi Airport. «A partir du moment où on a un modèle low cost, les prix ont beaucoup d’influence. Quand je vois déjà comment les parking pirates se développent, que les gens pour quelques euros vont se garer ailleurs, et bien ça se passera comme ça pour l’aviation aussi.» Jean-Jacques Cloquet espère un revirement du gouvernement. «Ces questions ont été abordées au niveau du fédéral et je pense que le fédéral a réagi en se disant que cela allait avoir un effet néfaste. Donc le fédéral n’a pas pris de position.» Et de se demander dès lors pourquoi la région wallonne devrait prendre ce genre de décision. «On va en plus être défavorisés par rapport à d’autres aéroports tout proches.»«Pour moi ce n’est pas une bonne décision,» conclut Jean-Jacques Cloquet. «C’est une décision qui fera beaucoup de tort à la région de Charleroi.»

Le directeur général de Liege Airport, Luc Partoune, estime pour sa part que la taxe crée une nouvelle insécurité juridique. Il dénonce une absence totale de concertation dans ce dossier et juge cette taxe contraire à la réglementation en vigueur. Il souligne enfin que cette taxe s’élèvera en réalité à 6 euros par passager, puisque elle serait réclamée d’après lui tant à l’embarquement que lors du débarquement. «Les aéroports wallons étaient considérés comme des pôles de reconversion et de développement économique. Les différents niveaux de pouvoir les perçoivent aujourd’hui comme des poules aux oeufs d’or», commente Luc Partoune. Celui-ci dénonce avant tout le principe d’instaurer une taxe sans concertation préalable. «Les accords négociés avec les compagnies aériennes sont chamboulés car cette taxe n’a pas été annoncée. Cela crée une nouvelle fois une insécurité juridique, après celle liée à la gestion du dossier des panneaux photovoltaïques. Je n’ai vent d’aucun projet de taxe et la surprise est donc totale. Dans d’autres secteurs, on organise des concertations», s’indigne-t-il. M. Partoune estime que la décision du gouvernement wallon ne respecterait pas une réglementation de 2009 qui octroie aux sociétés de gestion, en l’occurrence les aéroports eux-mêmes, le privilège de fixer librement les redevances. Selon lui, une taxe de 3 euros par billet fragiliserait les aéroports wallons, dans un contexte concurrentiel déjà rude. «Nous sommes même considérés comme concurrent déloyal par Brussels Airport», épingle le CEO de Liege Airport.

Connaissant le caractère bouillonnant de son directeur, il évident que Ryanair ne manquerait pas de réagir à la mesure. La compagnie a ainsi menacé de réduire de 17% sa capacité à sa base de Charleroi si le gouvernement maintenait sa taxe. Selon le transporteur «ultra low cost», ceci se traduirait par une perte d’un million de passagers par an et donc une perte de 1000 emplois. La compagnie cite à l’appui l’exemple d’autres Etats de l’Union européenne qui ont décidé une taxe similaire et rappelle que depuis l’abandon de projet de taxe au niveau fédéral, le trafic de Ryanair a plus que doublé à Charleroi. «Le gouvernement belge a abandonné en 2008 le projet d’une taxe similaire en 2008 et depuis lors, le trafic de Ryanair à Brussels Charleroi a plus que doublé, passant de 2,5 millions à plus de 6 millions de passagers en 2013. Une taxe par passager introduite aux Pays-Bas en 2008 a été abandonnée par le gouvernement néerlandais en 2009 (…). Le Danemark a également abandonné sa taxe par passager et par la suite renoué avec la croissance», explique la compagnie irlandaise dans un communiqué.

Ironie du sort, c’est le «père» et plus fervent défenseur des aéroport wallons qui est monté au créneau pour défendre la décision du Gouvernement régional. «Je rappelle que la Wallonie a investi dans les deux aéroports régionaux (Liège et Charleroi) plus d’un milliard, avec à la clef un succès prodigieux. Il y a dix ans nous étions à moins d’un million de passagers, nous sommes actuellement à 6,7 millions de passagers annuels pour les deux aéroports.» «En outre, Ryanair vient de réaliser des bénéfices considérables, exceptionnels, dont s’est félicité Monsieur O’Leary (patron de Ryanair, ndlr). Or, ici, il n’y a aucune pénalité pour Ryanair, tout au plus, là où ils demandaient une trentaine d’euros pour des vols, et bien ils devront ajouter trois euros», a également tenu à faire remarquer le ministre wallon du Budget. Ryanair prétend qu’on met en jeu 1000 emplois et un million de passagers? Le ministre Antoine balaie cet argumentaire d’un revers de main et indique que «la redevance d’atterrissage est de 2,3 euros à Charleroi alors qu’est autour de 28 euros à Zaventem. Même en ajoutant trois euros, je pense que M. O’Leary aura vite fait ses comptes entre les deux aéroports».