Givet : l’incinérateur (dé)masqué !

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Si vous habitez le sud namurois, vous avez sans doute entendu parler d’un projet d’usine de production d’électricité et de chaleur “vertes”, issues de la biomasse, qui devrait s’implanter chez nos voisins français, près de Givet. Ce projet a déjà fait couler beaucoup d’encre, et une enquête publique est d’ailleurs attendue (prochainement?) à Doische et Hastière, deux communes limitrophes confrontées aux incidences transfrontalières et donc informées par enquête publique du projet français.

Sur fond d’informations lacunaires, la polémique enfle, et l’article publié récemment par la revue Incidence (n°332 du 27/12/2010), mettant en cause l’aspect “vert” du projet et la crédibilité de son concepteur, ne calmera probablement pas les esprits. Il faut dire qu’il existe pour l’instant très peu d’informations relatives à la « matière première » qui sera brûlée pour produire de l’énergie, et ce que l’on peut en découvrir dans la presse a de quoi laisser perplexe et songeur : va-t-on construire une installation de cogénération alimentée par de la biomasse ou un incinérateur de déchets ?

L’APIC (c’est le nom commercial du combustible qui serait utilisé) est sensé être un nouveau combustible composé de biomasse. Qu’est-ce que la biomasse? De la matière organique utilisable entre autre comme source d’énergie. L’APIC, apprend-on en fouillant les articles de presse, serait constitué de vieux papiers, venus de France et d’autres pays européens dont la Belgique, compactés sous forme de briquettes avant d’être brûlés. Si les fibres de papier sont bien végétales et donc issues de la biomasse, il ne faut pas oublier que les additifs du papier (charges minérales, colles…) ne le sont pas. L’appellation biomasse ne concerne donc qu’un pourcentage de ce « combustible vert ». Si la presse parle à certains moments de 95% de déchets de papier, il n’y a aucune information fiable à ce sujet aujourd’hui.
Ce que nous avons pu découvrir n’a rien de rassurant. En effet,
Le coordinateur du projet, Patrice Loubet, a posté des informations via un forum internet (aujourd’hui mystérieusement inaccessible… sauf en caché). Il y précise l’origine des déchets: « Refus séparés mécaniquement provenant du broyage de déchets de papier et de carton”, soit le code déchet 03.03.07; le même qui finit en CET à l’heure actuelle. Dans la législation wallonne, ce code est reconnu comme « B » (biodégradable et donc prochainement interdit de mise en décharge).

Reprenons : le broyage de déchets de papier et de carton contient des impuretés (métaux, plastiques, colles, encres) qui sont triées mécaniquement. L’objectif étant de perdre le moins de fibres papier, ce tri est relativement poussé d’autant plus que le refus devra trouver une destination moins « valorisante » (déchet interdit de mise en décharge, taxé lourdement…). On voit donc mal comment les rejets du procédé de tri contiendraient beaucoup de papier… Dès lors, l’appellation « biomasse » relèverait de l’usurpation ! Ou les entreprises qui fourniront ces déchets trient très mal leurs déchets en laissant passer de grandes quantités de papier ! De deux choses l’une : ou bien l’incinérateur (il faut bien l’appeler ainsi…) brûle un résidu pauvre en fibres papier, auquel cas on ne peut plus parler de biomasse mais d’incinération de plastiques et autre matières diverses, ou bien il brûle des vieux papiers issus d’usines de tri où les processus de récupération de fibres sont peu performants. Mais dans ce cas, il serait beaucoup plus judicieux à la fois pour l’industrie et pour l’environnement de tenter de réduire la fraction de fibres dans ce refus de tri, et donc d’augmenter la quantité de papier effectivement recyclé, plutôt que de leur offrir une voie royale vers l’incinération. Rappelons d’ailleurs que la Directive déchets UE/2008/98 impose de n’utiliser la valorisation énergétique que si les déchets n’ont pu être recyclés sous forme de matière.

Ce flou autour de l’APIC est exemplatif de l’ensemble du dossier: les informations sont parcellaires, très peu nombreuses, parfois contradictoires, ce qui n’augure rien de bon si ce projet devait être amené à se concrétiser.

La Fédération Inter environnement Wallonie suivra donc avec attention l’enquête publique; et elle reste par ailleurs en contact avec son homologue française pour plus d’informations.

Extrait de nIEWs (n°86, du 20 janvier au 3 février 2011),

la Lettre d’information de la Fédération.

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