Hotton: quand les rêves d’un promoteur viennent heurter Natura 2000

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Les commissions régionales d’avis ont eu récemment à connaître d’un dossier de village de vacances à Hotton. Il s’agit de rénover le domaine dit « de la reine Pédauque », anciennement propriété des métallos FGTB et aujourd’hui centre d’accueil de réfugiés, et surtout de le compléter par la construction de 220 habitations dans une première phase (à terme l’ensemble pourrait comporter jusqu’à 391 habitations). Alors que le projet est présenté comme un village de vacances, il se confirme, au fil du dossier, que les maisons, munies chacune d’un jardinet, seraient vendues et non pas louées, de sorte qu’on pourrait bien se retrouver avec un « village bis » fait de résidences secondaires voire principales.

Ce projet pourrait donc accueillir à terme entre 1000 et 2000 personnes (cela dépend évidemment de ce qu’il sera finalement : infrastructure permanente ou de vacances, celle-ci plus fréquentée mais de manière plus ponctuelle que celle-là). Il est remarquablement enclavé dans des périmètres Natura 2000 : au sud-ouest, il est longé par le site BE34003 -Vallée de l’Ourthe entre Hotton et Barvaux- et au nord-ouest, par le périmètre BE 34004 -Massifs forestiers famenniens entre Hotton et Barvaux-sur-Ourthe. Il s’agit là de sites majeurs sur le plan du patrimoine naturel : l’hirondelle de rivage et le martin-pêcheur fréquentent le bord de la rivière, et l’Ourthe moyenne est le seul endroit de la Région wallonne où la loutre est parfois signalée. Ces sites abritent aussi trois habitats prioritaires : pelouses rupicoles calcaires, pelouses sèches et forêt alluviale.

Ce n’est pas tout : un site de grand intérêt biologique (Thier Louis et Sor Gesse), occupe la partie du site destinée à accueillir la phase 3 du village de vacances. Cette zone, humide sur la plus grande partie de sa surface, est d’une grande richesse : outre qu’elle accueille la Rousserolle effarvatte, le Cincle plongeur et autre Chevalier guignette, elle est une aire de nidification pour la Locustelle tachetée et est également visitée par la Loutre. Ce SGIB, qui comporte aussi deux habitats prioritaires, n’est pas repris dans le périmètre Natura 2000 BE 34003 alors qu’il en est de toute évidence la prolongation. D’un intéressant courrier émanant de la DPA et figurant au dossier, on apprend en effet ce qui suit : (…) le site SGIB 809 est bien dans le périmètre de la zone de loisir. Il était initialement prévu de le reprendre au sein du réseau Natura 2000, au vu de sa très grande valeur écologique, mais le Gouvernement wallon a décidé de sortir toutes les zones de loisir du réseau Natura 200, ce qui explique qu’il n’y figure finalement pas.

Le village de vacances est, faut-il le dire, totalement incompatible avec la protection de ces sites : si des personnes souhaitent s’établir à cet endroit, c’est évidemment pour profiter des berges de l’Ourthe et des bois alentours ; et la fréquentation, par un tel nombre de personnes, des berges -où le projet prévoit notamment d’établir une plage- et même des sentiers forestiers ne manquera pas d’y faire des ravages. Prudentes, les études recommandent de canaliser le public en l’informant, mais une telle recommandation relève de l’angélisme, à moins de clôturer les sites, ce qui aurait pour effet de transformer le village en camp retranché. La seule décision logique est le refus pur et simple du projet, qu’IEW et Natagora ont sollicité conjointement des autorités compétentes.

Moralité : la logique de la RW qui a voulu le beurre -la protection de la biodivesité- et l’argent du beurre -la conservation des zones de loisirs – est absurde, et conduit les promoteurs à présenter des projets qui s’avèrent impraticables au regard de la législation sur la conservation de la nature. Nous comptons fermement que dans cette affaire-ci, c’est l’intérêt « nature » qui l’emporte: les habitats prioritaires qu’abritent ces sites sont des perles à l’échelle européenne, des écosystèmes que l’Europe place au premier rang des milieux à préserver et qui malheureusement sont le plus souvent aussi au premier rang en termes de
vulnérabilité. L’enjeu est donc sérieux.

Canopea