Huile de palme dans nos moteurs : le Gouvernement doit rectifier le tir !

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Les négociations relatives aux objectifs européens pour 2030 en matière de transport sont en cours. Une partie importante de cette discussion porte sur les agrocarburants, notamment ceux qui sont mélangés d’office dans les carburants traditionnels, soit 6% de biodiesel dans le diesel et près de 9% de bioéthanol dans l’essence en Belgique, sans que le consommateur ne s’en rende compte généralement. Quels sont les enjeux de ces négociations et comment la Belgique se positionne-t-elle dans ce dossier ?

Lorsqu’en 2008 l’UE s’est accordée sur un objectif de 10% de carburants renouvelables dans les transports, les agrocarburants étaient promus comme une solution durable. Pour atteindre cet objectif européen, des productions agricoles sont transformées en agrocarburants mélangés au diesel et à l’essence.

Aujourd’hui, nous savons que les agrocarburants, et le biodiesel en particulier, sont nocifs pour l’environnement. Les études de la Commission européenne ont montré que le biodiesel utilisé produit en moyenne 80% d’émissions de CO2 de plus que le diesel conventionnel. Qu’ils soient fabriqués à partir d’huile de palme, de soja, de colza (pour le biodiesel) ou même de blé (pour le bioéthanol), le bilan environnemental des agrocarburants est critiqué. L’Université de Twente (Pays-Bas) a même calculé que, dans de nombreuses régions d’Europe, la production de biodiesel à partir de colza consomme plus d’énergie qu’elle n’en produit[[https://www.utwente.nl/nieuws/!/2014/9/109074/europese-koolzaadproductie-voor-biodiesel-af-te-raden]]. En outre, les surfaces agricoles destinées à la production alimentaire, déjà fortement mises sous pression par les projets divers d’artificialisation du sol (habitat, transports…), le sont d’autant plus qu’un débouché énergétique est possible.

Le véritable gagnant de la politique des agrocarburants est l’industrie de l’huile de palme, à qui l’on doit la quasi-totalité de la croissance du biodiesel en Europe depuis 2011. Les voitures et les camions sont maintenant les principaux consommateurs de cette huile : il y en a plus dans le diesel que dans l’alimentation !

A tel point que pour produire les 63.000 m3 d’huile de palme brûlés annuellement dans les moteurs belges, une surface équivalente à la superficie totale de la Région Bruxelloise est nécessaire . Cette exploitation de l’huile de palme mène à de sérieux impacts : abattage des forêts tropicales les plus anciennes du monde (en Indonésie et Malaisie notamment), destruction de la biodiversité et des habitats d’espèces menacées telles que l’orang-outang, accaparements de terres au détriment des paysans locaux, insécurité alimentaire et violations des droits humains[[Plus de deux cents responsables de communautés locales en Indonésie viennent d’envoyer aux décideurs européens une lettre ouverte dénonçant l’usage de l’huile de palme dans les agrocarburants. Voir : https://www.transportenvironment.org/press/over-200-indonesian-community-leaders-speak-out-against-use-palm-oil-biofuels]].

Les consommateurs sont de plus en plus conscients de ce problème. Ils optent de plus en plus pour des produits sans huile de palme. Dans le même temps, les gouvernements obligent les consommateurs à faire le plein d’huile de palme et d’autres cultures vivrières, qu’ils brûlent ensuite dans leurs moteurs de voiture. C’est absurde et inacceptable.

La Commission européenne a pris conscience de ces dérives et a proposé de réduire de moitié l’utilisation des cultures alimentaires dans les agrocarburants d’ici 2030. Le Parlement européen a une position similaire et exige également que l’huile de palme ne soit plus utilisée comme agrocarburants. La Belgique, elle, s’oppose aux deux propositions. Cela suggère que le gouvernement belge a l’intention de mélanger davantage de carburants nocifs dans le diesel à l’avenir, tout en n’excluant pas l’huile de palme ou d’autres cultures vivrières. Pour réellement rendre notre mobilité durable, une approche intégrant la maitrise de la demande de transport (comme préconisé dans le Pacte énergétique) ainsi que le développement des modes de transports alternatifs et moins polluants est nécessaire.

Avec cette attitude incompréhensible et incohérente, le gouvernement belge risque de faire payer plus cher les automobilistes pour un carburant plus néfaste. Il ferait ainsi le jeu du lobby agressif du biodiesel et du lobby malaisien de l’huile de palme qui a engagé deux bureaux de lobbying notoires – travaillant pour l’industrie du tabac, Exxonmobil et la dictature militaire en Birmanie, entre autres – afin de contrecarrer les plans européens.

Nous exhortons donc le gouvernement à revoir la position défendue au nom de la Belgique et à préconiser l’élimination progressive des agrocarburants issus de cultures alimentaires et l’arrêt immédiat de l’utilisation de l’huile de palme dans le biodiesel.


Pétition à signer pour demander aux Ministres européens de mettre un terme à cette situation :
https://secure.avaaz.org/campaign/en/eu_palm_oil_/?wxXIqlb

Texte paru sous forme de carte blanche dans le journal De Standaard du 17 mai 2018, soutenu par les signataires suivants :

  • Céline Tellier, Secrétaire générale adjointe, Inter-Environnement Wallonie
  • William Todts, Directeur, Transport & Environnement
  • Arnaud Zacharie, Secrétaire général du CNCD-11.11.11
  • Florence Kroff, Coordinatrice, FIAN
  • Floor Overbeeke, Directrice P&A, Oxfam Solidarité
  • Mathias Bienstman, Beleidscoördinator, Bond Beter Leefmilieu
  • Chris Steenwegen, Algemeen Directeur, Natuurpunt